JORN Live In America
Frontiers Records

Est-ce un effet du réchauffement climatique ? Il pleut du Jorn Lande cette année : après le second Allen/Lande et l'album de Ken Hensley, voici la prestation de Jorn (le groupe) en tête d'affiche du ProgPower VII Festival d'Atlanta le 16 septembre 2006. A cette occasion les corbeaux d'Odin ont à nouveau fondu sur l'Amérique (qu'ils avaient découverte avant Christophe Colomb, faut-il le rappeler ?) et l'emblème viking y a supplanté l'aigle royal. Du moins est-ce l'histoire rapportée par la pochette…

Le matériel de ce double CD provient des albums solo de Jorn et de diverses contributions. Le line-up inclus Tore Moren et Jörn Viggo Lofstad (guitares), Steinar Krokmo (basse), Willy Bendiksen (batterie) et Lasse Finbraten (claviers).

Je glisse la première galette dans mon lecteur et c'est une bonne grosse baffe métallique ! We Brought The Angels Down ouvre puissamment le show, puis s'enchaînent trois autres extraits de The Duke (2006), Blacksong , Duke Of Love et Are You Ready. Le son est impeccable, la voix parfaitement mixée et les instruments très distinctement définis. C'est à se demander si les live actuels sont encore enregistrés en public, telle est la qualité sonore… Peu à peu, mon esprit divague et je me prends à rêver tout debout : j'ai rajeuni de vingt ans et je suis au concert (avec mes patches, mes santiags et mon bandana). Par un mystérieux effet de distorsion temporelle (semblable à celui qui propulse Marty sur scène en 1956 aux côtés de Chuck Berry), David Coverdale est, lui aussi, « retourné vers le futur » et se retrouve dans la peau de… Jorn Lande ! On l'a beaucoup écrit et c'est vrai : le norvégien a repris tout le meilleur de l'anglais (la chaleur du timbre, la hargne et le grain bluesy), avec en plus ( !) cette ampleur vocale qui donne l'impression qu'il en a encore douze tonnes sous le pied quand la plupart des autres chanteurs seraient pire qu'au taquet. Du coup, on lui pardonne la « filiation » du couplet de Duke Of Love avec le Restless Heart de Whitesnake, tant Lande est magistral dans ce registre. Le rythme est entraînant, le refrain accrocheur, la ligne de chant bluesy à souhait, les paroles sont coverdaliennes aussi (bon, ça, c'est pas un compliment) ; pareil sur Are You Ready . S'ensuivent une vigoureuse reprise du Cold Sweat de Thin Lizzy et Out To Every Nation , respectivement allongés des (très dispensables) solo de tam-tam et branlette de manche (bruyante et sans saveur), passages obligés de tout live qui se respecte (un peu comme la scène de cul sous la douche dans les thrillers américains : ça fait chier tout le monde mais on doit se les farcir). Straight Through The Heart de Dio clôt ce premier chapitre.

Avec Stan Kristoffersen en guest -batteur, un Godless And Wicked (Beyond Twilight) très agressif et un peu brouillon ouvre le second CD, suivi par Soulburn (Masterplan) et son génial pré-refrain dans les graves, qui passe très bien l'épreuve scénique. Nous sommes ensuite gratifiés d'un impressionnant Perfect Strangers de Deep Purple, apte à faire oublier l'original et qui se hisse au niveau de la titanesque version de Dream Theater. Un Gonna Find The Sun, bof, témoigne de la période The Snakes.

Quand arrive le « quart d'heure Whitesnake », la ressemblance avec Coverdale saute aux oreilles. Elle est particulièrement troublante sur le fameux Come On , qui nous ramène avec bonheur à l'énorme Live In The Heart Of The City de 1980. Lande chante intensément sur ce medley ( Sweet Talker , Here I Go Again, Give Me All Your Love ). Son interprétation mordante à souhait de Crying In The Rain trouve d'ailleurs le juste milieu entre la version originale de 82 un poil dépressive et la révision flashy de John Sykes en 87. Je regrette pourtant l'absence sur ces titres de la slide spirituelle de Micky Moody, la grosse artillerie de Moren et Lofstad manquant de finesse pour en reprendre les parties lead.

Trois pistes studio constituent les bonus de ce double CD : un nouvel enregistrement de Out To Every Nation , un medley Lonely Is The Word/Letters From Earth de Black Sabbath (déjà présent sur l'album de reprises Unlocking the Past) et Sacrificial Feelings (enregistré en 98 avec The Snakes sur Once Bitten).

Le groupe délivre un son lourd et compact au service d'un Jorn Lande dont la chaleur et la puissance font des merveilles. Ce type braillerait un slogan publicitaire que ça pourrait encore passer pour une chanson ! Il possède une voix exceptionnelle qui lui permet de magnifier les compositions les plus passe-partout. Quel dommage cependant que celles de son répertoire solo ne soient (pour la plupart) pas au niveau du premier Masterplan ou des titres de Magnus Karlsson (pour les deux Allen/Lande), qui auraient fournis du matériel digne d'un live d'anthologie. Ce Live In America, auquel on peut reprocher sa quantité de reprises (et deux fois un même titre) ainsi qu'une moindre interaction avec le public, se classe donc au rayon des « crus bourgeois ».

En conclusion, techniquement excellent. Musicalement, on regrette que Jorn Lande ne soit pas (encore ?) aussi bon compositeur qu'interprète.

P.S. Coverdale doit quand même avoir un peu les boules…

Le site : www.jornlande.com

Bouteil Bout

 

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