SHAKRA Infected
AFM Records / Underclass

Comme je l'ai déjà écrit dans une précédente chronique, la Suisse n'est pas que le pays des coucous, du chocolat et de l'exil fiscal. En effet, à entendre Shakra, comme leurs compatriotes de Gotthard, il semble que la recette du bon hard rock ait été consignée dans un grimoire, planqué dans un chalet quelque part en haut des alpages helvètes … Et du bon hard rock, Shakra est tombé dans la marmite quand il était petit (ça vous rappelle quelqu'un ?) Bien qu'ils aient commencé à publier en 1998, je ne les ai découvert que l'an passé, live à l'Elysée Montmartre, où ils ouvraient pour Hammerfall/Stratovarius. Ils ont enterré Hammerfall (the metal bakers !) et absolument pas démérité face à Stratovarius (certes très sages). J'ai bien aimé leur album Rising et voilà que j'écoute Infected…
Infectés, vous le serez aussi rapidement, c'est quasi-certain. Pas par le chicoungougna ni je ne sais quelle nouvelle saleté importée du Pacifique. Non, simplement, vous ne pourrez plus vous empêcher de taper du pied ni de hocher la tête bêtement, en rythme. Parkinson ? Non, mais ça devient tout de même invalidant au stade terminal, quand vous passez votre temps à scander les refrains et à imiter le guitariste pendant les soli ! Shakra a réussi a pondre une galette très compacte, puisant son énergie et son efficacité dans des racines 70's (Led Zep, Aerosmith, AC/DC), sans jamais sonner « vieux jeu » grâce à un savant dosage de power-métal actuel, mettant l'accent sur les rythmiques et les refrains. Gros son garanti (genre potards à 11), doublé d'une impression très directe. En alliant ainsi groove, énergie et mélodie, ils me font penser, en leur temps, aux premiers Def Leppard, Tesla, Cinderella ou Guns'N'Roses (excusez du peu !) Prenons le titre Playing With Fire , c'est l'archétype : riff giratoire en intro, rythmique (bottage de cul) implacable, refrain accrocheur immédiatement assimilable, solo inventif et mélodique, puis re-dose de refrain… Tout est là !
Et en même temps, tout est dit. Car il y a un revers à cette (trop) belle médaille : l'uniformité et au bout, la lassitude qui guette… Avoir si bien identifié la recette du succès fait courir le risque de s'y conformer indéfiniment. L'auto-parodie menace, et au long de l'album, une désagréable impression de redite. Lorsqu'on s'est mangé du Vertigo , on en veut encore, mais on s'est aussi habitué à du très bon, alors du semblable en plus plat, ça ne passe plus. C'est le défaut des sucres rapides : très vite assimilés, immédiatement éliminés et en plus, on devient exigeant et difficile à satisfaire ! Après la claque Playing With Fire , il ne faut pas me la faire à l'envers avec les médiocres et plomb-plomb The Conquest (le chant bouffé par les instrus) et Higher Love (pourquoi ne monte-t-il pas à l'aigu dans la seconde partie du refrain, là ça décollerait !) On peut aussi reprocher à Mark Fox (pourtant doté d'une voix éraillée sexy convenant parfaitement à ce hard couillu) son manque de diversité de registre, une prononciation saccadée (à l'halleumande) et un timbre nasillard à rendre jaloux Bob Dylan et Klaus Meine. Mais tout cela passerait (presque) inaperçu si Shakra ne donnait pas l'impression de tourner à vide sur plusieurs autres titres dispensables ( Cardiophobia , Look At Me ). Question ballades, il y a à boire et à manger. Le syndrome Patrick B. (voix « limite » genre « j'en peux plus de t'aimer, etc », facilité et futilité gnangnan) anéantit le radio-made-for Love Will Find A Way . Acheron's Way tire son épingle du jeu grâce à la simplicité et à la délicatesse.
En conclusion, c'est vrai qu'ils ne l'ont pas inventé, le hard, mais ils le jouent tellement bien (à l'instar de Thunder ou de Great White) qu'il serait dommage de passer à côté de leurs œuvres. Cependant Infected reste un album de seconde zone, en raison d'un manque évident d'imagination, d'inventivité ou de prise de risque (au choix). Je suis d'autant plus déçu que Shakra est un excellent groupe de scène, doté de réelles qualités rythmiques et mélodiques. Allez, les gars, pour le prochain, vous résistez à l'attrait des produits sucrés (ainsi qu'à celui de ceux qui ne leur ressemblent qu'en apparence) : ils endorment la tête et gâtent la musique. Vous vous sortez les doigts du (biiip !) et vous composez des petites sœurs à Make Your Day , The One, Playing With Fire et Vertigo .
P.S. Malgré le savon que je viens de passer, je piaffe d'impatience en espérant leur venue en France (en ouverture de Gotthard, ça déchirerait les canards !)

Le site : www.shakra.ch

Bouteil Bout

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