AMARANTHE

" Amaranthe "




A M A R A N T H E
Amaranthe
Spinefarm Records

Le genre : (en paraphrasant Radiohead) creep, fucking commer(spe)cial metal. En français : pompe à fric.

Vous vous souvenez de « Quand Harry rencontre Sally », cette comédie romantique avec Billy Crystal et Meg Ryan et de leur scène, devenue culte, de simulation d'orgasme en plein restaurant ? Et bien avec Amaranthe, ce serait plutôt « Quand Abba rencontre Soilwork ». La première écoute de l'album produit un peu le même effet… Non, pas orgasmique (quoique certains titres soient franchement jouissifs) mais de faire sourire, tout en étant plaisant. Amaranthe, c'est de la pop/r'n'b bardée de métal, soit du (très) léger emballé dans du lourd. Du disco (ou de la dance) travestie en rock ? Kiss avait tenté en son temps (et oh ! combien réussi) ce mariage de la carpe et du lapin, mais sur un unique titre, I Was Made For Lovin' You . Avec Amaranthe, c'est à un album entier de crossover de la mort qu'on a droit !

Prenons les choses du début : Amaranthe est donc un nouveau groupe suédois (première démo en 2009), d'un genre nouveau, le « power melodic death metal ». Ca vous pose un groupe, une étiquette pareille… Voyons le casting. Oh, oh… pas des débutants. Le chanteur Jake E. (non, vous n'êtes pas au Club Dorothée) de Dreamland et Dream Evil, est épaulé par le hurleur de Within Y (et ex-Cipher System) Andy Solvestrom (la caution « extrême » de l'affaire, rapport à sa gorge) et soutenu (oui, oui, la gorge) par une vocaliste pop pseudo lyrique émule de Sharon den Adel et Charlotte Wessel, Elise Ryd (l'atout charme, rapport à sa gorge aussi). Olof Mörck (Dragonland et Nightrage) tient la gratte, Johan Andreassen (ex-Engel) la basse et Morten Løwe Sørensen (Panzerchrist, Submission et The Arcane Order) la batterie. Personne n'est crédité pour les samples… bizarre. Ils ne vont quand même pas nous faire le coup de la musique jouée tout en live , sans clavier (comme certains fieffés menteurs l'osaient dans les années 80) ! Parce que du sample il y en a, des sons électro techno dance pouêt-pouêt aussi et à la pelle, même ! A tel point qu'on se croirait parfois au stand des auto-tamponneuses.

Ecoutons le style. Premier constat : les scandinaves ont décidé de privilégier l'efficacité au détriment de l'originalité. En effet, ils visent clairement la diffusion radiophonique de masse avec des structures taillées courtes au raz du bonbon. La personnalité du groupe repose sur l'alliage des deux genres power et death mélodique. Soient de grosses guitares énergiques s'agitant (efficacement) sur des rythmes énervés, des refrains catchy calibrés « top imparables » typiques du power, les deux voix claires se faisant écho, les grunts venant en contrepoint (parcimonieusement mais savamment distillés) et le tout baigné dans des claviers très (trop ?) envahissants, du genre qui ferait honte à un groupe de prog italien. Avec cette synthèse très professionnellement réalisée, on se doute que l'objectif du groupe était de contenter (et de s'assurer) les fans des deux genres. Vocalement, on sent aussi que ça veut ratisser large question parts de marché. Pourtant, ce qui aurait pu n'être qu'un gadget marketing fonctionne bien musicalement car les trois voix s'accordent et se complètent harmonieusement, au lieu de (bêtement) se partager les morceaux. Toutes proportions gardées (quand même, relativement au talent et à l'envergure des musiciens qui restent à apprécier dans la durée), l'effet est comparable à ce que le tandem Coverdale/Hughes fit en son temps de la musique de Deep Purple : une surprise stylistique… bonne !

Deuxième constat, tout aussi évident : ce disque est farci de titres puissants, tous aussi calibrés les uns que les autres. (Presque) chacun, d'une efficacité remarquable, est une bombe potentielle. Mais à chercher le tube à tout prix, la méthode, très « sup' de co' », se révèle à double tranchant et si certaines pistes restent longtemps en tête, plusieurs, même agréables, ne possèdent pas la même envergure que les deux (grosses) patates jumelles d'ouverture ( Leave Everything Behind et Hunger ). En parlant des chansons, il faut pointer leurs similitudes (c'est un euphémisme). Et inévitablement, lorsque tout se ressemble, un petit nombre se démarque tandis que le reste, à peine entendu, est vite oublié, passant à la benne à décibels avec pertes (artistiques) et profits (financiers). Le côté synthétique (digital) et plutôt froid (calculateur) de cette œuvre ne lui permet malheureusement pas de dégager beaucoup d'émotion. Son registre binaire est limité, les ambiances de titres ressemblants étant (logiquement) très semblables (ça tient du pléonasme). Je reconnais cependant volontiers certain efforts (payants) d'Amaranthe, notamment leur capacité à rendre les chansons immédiatement sympathiques. Pour easy-listening qu'elle soit, cette musique est mélodique, tient la route et emporte l'adhésion. Est-ce mauvais, mon père ? Non, mon fils, il n'y a pas de mal à se faire du bien ! Et même si le mélomane aurait apprécié une (petite) prise de risque (un titre ou deux un poil complexe ou expérimental), un élan existe (non le manager n'est pas québécois) et la fraîcheur (un peu rance) qui se dégage de ce premier album est indéniable.

Troisième constat : ça pose presque autant que ça calcule. Dans ce monde bassement matérialiste où le mercantile règne sans partage, Amaranthe (qui aurait changé son nom d'Avalanche pour chopper les fans de Nightwish confondant titre et nom de groupe ? Nan, je vire parano, là…) vise un public adolescent en mal de sensations. Il lui offre une musique fast food prédigérée, manichéenne (très riche en deux saveurs : sucrée et salée), qui s'ingurgite mais nourrit peu (et j'ai même pas cité de marque…). A force de vouloir à tout prix faire du tube, on se retrouve avec un montage indigeste sur pro-tools. De la musique en tube donc (remember Fast huitres ?). En ce sens, il n'est pas étonnant d'effectuer, à l'écoute de ce disque, une gymnastique (rigolote au début, pénible à la longue) essentiellement basée sur le grand écart entre une espèce de death mélodique à la In Flames et Ace Of Base ( Automatic, 1000000 Lightyears, Call Out My Name ). Dans ce catalogue de hits en puissance, la place ni le temps n'existent pour un quelconque développement d'ambiances. Des rythmiques ou soli pourtant pas mauvais (comme celui d' Enter The Maze ), tentent de se faire remarquer entre les lignes de chant et derrière le paravent tissé par les claviers. La communication externe se résume à faire remuer son popotin à la chanteuse (pour titiller la libido des kids) et hocher crânement la tête aux musiciens (pour flatter les rebelles velléitaires). Pour vous faire une idée, zieutez le clip de Hunger . J'ai beau ne pas être né de la dernière pluie, c'est bluffant ! Dans le simplisme, le formatage et le racolage. Pour écrire le fond de ma pensée : ça sent le plan marketing à des kilomètres ! (666 pour être précis). Soupe au sirop pour la mélodie, métal calibre 12 avec sautillements popisants, chanteuse maniérée à la plastique magazinière se trémoussant sur une chorégraphie digne de «un, dos, tres, ayé yé sé compter sour mes doigts ! ». Et derrière, une imagerie à vomir, digne elle, des meilleurs épisodes de Walker Texas Ranger. Bref une cagole et ses deux acolytes sauvés d'un rapt par leur trois potes rockers, c'était un scénar en béton armé pour un film produit par Luc Besson ! Personnellement, ça me donne plutôt envie de changer de trottoir. Remarquez que les méchants ont l'oreille musicale, vu qu'ils essaient de bâillonner les trois vocalistes… Oui, je sais, c'est méchant mais je ne trouve rien là-dedans qui me fasse envie.

Heureusement, j'ai découvert Amaranthe en écoutant le disque et j'y ai entendu des choses agréables, à défaut d'être intéressantes. Un titre d'intro vlan dans ta face : Leave Everything Behind . Des compositions directes truffées de hooks , facilement mémorisables. Des arrangements modernes faits de touches électro omniprésentes, comme sur les entêtantes 1000000 Lightyears et Call Out My Name . Nonobstant les répétitions décrites plus haut, tout cela sonne joyeux et se laisse écouter. Ca évoque les vacances, le soleil et (t)la mer(e). Comme chantait Berger : superficiel et léger. Parfait à l'heure de l'apéro ou pour passer le temps au volant. Alors, pétard mouillé ou vrai coup de maître ? Génial one shot commercial ou daube intergalactique servant à palper l'artiche? Si l'on s'arrête au clip de Hunger (trop naze), on risque de rater l'intérêt principal du truc (vous avez remarqué que je n'appelle plus cela un album de musique) : son immédiateté savoureusement futile. Oui, je le confesse, je prends plaisir à écouter Leave Everything Behind , 1.000.000 Lightyears et Call Out My Name à fond car c'est bon. Mais à petite dose parce que sinon, littéralement, ça gave.

En conclusion. Plus un joli feu de paille qu'un brûlot. Très bien réalisé, ultra accessible, terriblement basique dans son approche, affreusement efficace au final : ce disque est un vrai suppo (à la fin, comme disait Coluche, on l'a un peu dans…) du démon mainstream . A faire écouter à votre sœur, à votre femme, à votre mère, à votre grand-mère et même à son chien car il plaira à tous : c'est sa raison d'être. Du métal pour ménagère de 17 à 77 ans ! Putassier et parfois… vraiment très bon !

P.S.1 Le manque d'originalité est patent mais devant tant d'efficacité, le plaisir engendre l'indulgence. Cependant, si la prochaine livraison est du même acabit, c'est « hors jeu », « carton » et « dehors » !

P.S.2 J'emporterais volontiers ce disque pour passer un bon moment sur la route des vacances mais une inquiétude me taraude : occupé à brailler et gigoter au volant, serais-je suffisamment attentif à la route ? Le voyage de retour sera moins problématique car j'écouterai alors probablement quelque chose de plus consistant parce qu'il ne faut pas abuser des choses grasses et sucrées : ça écœure. Ce qui en dit long sur la durée de vie du produit…

Le site : www.myspace.com/amaranthemetal

Bouteil Bout

   
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