Earache Records

Bon, je ne vais pas présenter Enforcer, même les Black-métalleux d’Ultrarock ont tout de même ouï le retentissement de la parution de « Into The Night » en Suède, en 2008. Tellement de combos leur ont emboîté le pas depuis qu'on peut, c'est vrai, perdre de vue la position de chef de file d’Enforcer mais il n'en reste pas moins le fleuron du revival NWOBHM scandinave. Alors que s'est-il passé, depuis, pour le groupe ? Des tournées assez énormes, en fait : un « World Slavery Tour » de près d'un an qui ne leur permet de réfléchir au successeur de « Into The Night » qu'en 2010. Celui-ci, produit par Rikard Lofgren, se nomme donc « Diamonds » et est, pour être franc, loin de confirmer les prédictions de certains qui ne voyaient en Enforcer qu'un feu de paille.
D'abord, le style s'est affiné. Le groupe ne se contente pas de ce simple Speed proto-metal basique et immuable, mais agrandit son panel à tous les styles du début des eighties. Ce « proto-speed » est toujours là bien-sûr, à travers le morceau d'ouverture, « Midnight vice », déjà, mais il est complété par du Speed Metal moins traditionnel (j'entends plus classique, du Helloween par exemple, comme « Roll the dice », « Nightmares »), mais aussi du Heavy très Maiden (pré-Dickinson, influence très forte ici, de « Katana » à « High roller », donnant généralement les morceaux les plus solides du disque, dont le morceau-titre instrumental), et même une tendance au Hard mélodique des eighties, en demi-teinte derrière « Running in menace » par exemple.
C'est la principale évolution du groupe. Une autre serait la « maturité » acquise par les membres, surtout Olof Wikstrand qui semble réaliser le peu de finesse de sa voix, s'employant ici à moins sembler crier de façon insensée. Malgré tout, son timbre aigu plombe les compositions mélodiques en les rendant caricaturale et, dans l'autre sens, souffre de son aspect léger sur les morceaux plus lourds ou durs, comme « Katana ». Instrumentalement, Adam Zaars et Joseph Tholl n'abandonnent guère leur formule « Murray/Smith », mais leurs parties sont plus fines, prennent le temps de se mettre en place et donnent des résultats un peu plus fouillés, à l'occasion des parties instrumentales de « Katana » et, bien-sûr, du morceau-titre. La basse, plus présente, semble s'être trouvée de nouveaux modèles et, si sa place est plus solide, son utilisation est fort convenue (c.f. « Roll the dice », « Katana », « High roller », « Walk with me »... ce qui ne remet pas en cause son efficacité).
L'élargissement stylistique, force principale de cet opus, ne consiste pas seulement en cette diversification des styles mais également en leur maîtrise, qui passe par un jeu de recombinaisons. Ainsi, « Midnight vice », qui reste entre Diamond Head et Anvil comme le groupe se contentait de faire jusqu'alors, se voit pourvue d'une intro très « Ides Of March » ; la très Speed « Roll the dice » se trouve enrichie d'une partie de basse typée Maiden ; « High roller » emprunte son riff à Judas Priest et sa rythmique à la Dame de Fer mais sa mélodie au Hard Rock ; « Live for the night » et « Take me to hell » teintent leur Speed de Thrash, et l'on pourrait multiplier les exemples. Le groupe a ouvert de nombreuses portes et ne s'est pas contenté de jeter un coup d'œil de l'autre côté.
Cela, c'est très positif. Les possibilités pour la suite sont en effet multipliées. En revanche, difficile de se faire une idée de la voie qu'ils choisiront, car, malgré tout, leur personnalité se trouve un peu diluée, du coup. N'en reste pas moins que cette progression depuis 2008 est franchement encourageante et que je serais surpris de ne pas les voir capables de titrer profit de cela.
Le troisième album sera décisif, comme dit un adage qui se trouve parfois confirmé.

Le site  : myspace.com/enforcerswe

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