M A S T O D O N

" The Hunter "




M A S T O D O N
The Hunter
Reprise (Warner)

Je pense qu'il y a consensus : Mastodon a atteint un sommet avec « Crack The Skye ». Je partage en tout cas cet avis et vous le défendais dans ces pages il y a peu à l'occasion de leur récent Live… Il y a peu, oui, car Mastodon fait tout ce que vous voulez sauf s'asseoir sur ses lauriers ! Il ne perd pas de temps et propose son cinquième album : « The Hunter ». Mais avant cela, il s'impose un gros travail de réflexion et de décision : que faire ? La réponse, vous le verrez, sera : ce qu'on n'a pas déjà fait.

Et pour ce faire on commence par chambouler l'équipe (pas ses membres mais son fonctionnement, tout le monde composant désormais et Brann Dailor prenant même le micro), l'entourage (on enregistre chez soi à Atlanta mais on change de producteur, et même la pochette ne sera pas de Paul Romano, qui devenait un habitué), et l'état d'esprit : le public a adoré notre virage Prog ? On va lui donner du… du quoi au juste ? « Une sorte de Led Zeppelin super-heavy » dixit Dailor. En fait un Hard/Heavy direct et frais, en parfait contrepied de « Crack The Skye ».

Exit aussi le format concept album qui prévalait depuis « Leviathan ». D'ailleurs, les quatre premiers albums tournant chacun autour d'un des quatre éléments, le cycle est bouclé en quelque sorte et le timing est parfait pour passer à autre chose. Pour autant, le groupe a l'intelligence de ne pas faire table rase du passé et c'est là la grande réussite de « The Hunter », car oui le disque est réussi. Votre humble serviteur le considère nettement moins bon que « Crack The Skye » mais la barre était tellement haute que moins bon que très bon c'est bon quand même.

Les remises en question totale sont souvent des ratages (le dernier Queensrÿche me vient tout de suite à l'esprit) et pour cause : on ne peut pas bâtir sur de l'opposition (non je ne fais pas campagne contre le PS). Mastodon ne renie donc rien, il regarde simplement s'il peut fouiner ailleurs. Et je ne sais pas où il met son museau de mastodonte mais il y déniche « Black tongue », « Curl of the burl », « Blasteroid », « Stargasm » (oui le titre est marrant… et bien vu puisque ça parle d'amour dans l'espace), « Octopus has no friends » et « All the heavy lifting », six titres frais et modernes, au son inattendu et à l'esprit étonnamment jeune : 4 minutes et demi au plus, vifs et clairs, le choc est immédiat dès le premier.

Mastodon secoue donc son monde, mais ne se mettra personne à dos parce que premièrement ces titres sont écrits en recherchant de l'air frais, pas en voulant chasser celui déjà dans la pièce, et que cette volonté n'envahit rien : il y a de la place pour la variété au sein de « The Hunter », et même au sein des six titres susmentionnés (« Curl of the burl » est d'esprit très Rock alors que « Black tongue » reste sombre et lourd…). La meilleure partie de l'album est pourtant la suivante : non seulement car elle s'affranchit de toute volonté stylistique ou contre-stylistique, mais car la fraîcheur de cette première partie la met magnifiquement en relief. Mastodon propose de l'atmosphérique, c'est-à-dire tout ce qu'on n'avait pas eu jusque là, avec l'éthéré « The Sparrow » et surtout le morceau-titre, belle pièce envoûtante tournant le dos aux six premières compos qui vous avaient définitivement fait croire à un recentrage stylistique sur le Stoner… mais cela serait bien trop restrictif. Et voilà des compos grandioses comme « Dry bone valley » et « Thickening » qui lui font suite sans jamais retourner à cette première facette , allant même parfois chercher plus traditionnel que le vieux Mastodon (rythmiquement pour la première et du point de vue du son pour la seconde). Le reste n'est pas aussi magnifique (oh si quand même « Creature lives » allez, la plus grosse surprise du disque, et presque l'inverse de la première partie… on pourrait être chez Ayreon) mais reste largement au-dessus de la moyenne, avec « Spectrelight » (chanté par Scott Kelly de Neurosis) et « Bedazzled fingernails » qui joue le brusque retour au Metal après cet enchaînement de perles, mais au Metal traditionnel pour achever de brouiller les pistes. Mastodon nous prouve successivement qu'il sait se réinventer, qu'il n'a pas oublié les recettes magiques qui le rend si spécial, qu'il ne compte pas non plus les abandonner, et qu'enfin il peut également se réinventer dans l'autre sens. Fort habile. Et tout à fait convaincant.

Comment prendre ce disque en défaut ? Aucunement pour les mêmes raisons que le précédent, mais tout de même… Pour couronner le tout, on s'en prend plein les oreilles instrumentalement avec « Stargasm » et surtout « Octopus has no friends », vraiment épatant de technicité et de niveau de mise en place… Pourtant deux des morceaux se voulant les plus directs et simples… Une vraie leçon conceptuelle, quoi : tout est possible, ne vous cantonnez pas à des stéréotypes ou des idées toutes faites. Album gagnant sur toute la ligne. Le tout est dédié à un vrai « hunter », le frère de Brent Hinds mort à la chasse durant l'enregistrement de cette leçon musicale.

Le site : www.mastodonrocks.com  + myspace.com/mastodon

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