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PENDRAGON
" Passion "

PENDRAGON Passion

Toff Records

Le genre : toujours mieux après plus de 30 ans de carrière (qui peut en dire autant ?)

Mr. Nicolas Barrett vit, dort, mange et fait caca Pendragon. Ce groupe est son bébé dont il est depuis 1993 l'unique compositeur et parolier. Egalement manager, patron du label, arrangeur, co-responsable de l'enregistrement et producteur avec son complice Karl Groom (ça ne s'invente pas), tour manager, concepteur de l'artwork , cuistot, roadie … Trois ans après la claque Pure, qui a sensiblement fait évoluer l'œuvre du groupe, Pendragon sort Passion, son huitième album studio (je passe sur les live et les compil'), qui poursuit l'élaboration d'un heavy prog opérant une synthèse réussie entre néo rock progressif 80's et prog métal.

Pendragon a su rester lui-même tout en évoluant : la marque des plus grands. Nourrissant sa musique d'influences modernes (Riverside, Porcupine Tree, du rock indie , des samples) tout en demeurant fidèle aux ambiances planantes mélancoliques des débuts (inspirées par Pink Floyd, Genesis et Camel), Barrett réussit à inscrire son œuvre dans la durée. Il impose définitivement Pendragon comme une référence d'un genre qu'il participe à faire vivre (et non à figer dans le temps). Il suffit de se plonger dans la discographie pour noter les progrès considérables en matière de production (le son de Pure et de Passion est énorme) et l'apport majeur du nouveau batteur, Scott Higham, qui dynamise les nouvelles créations et, sur scène, dynamite proprement les plus anciennes compositions.

Le leitmotiv de Nick Barrett semble être « en avant, toutes ! ». Il y a dix ans, le nom Pendragon évoque des concepts ambitieux, un discours théâtral, l'imagerie onirique et tous les clichés sonores et visuels du néo progressif 80's (soit la famille musicale du Marillion époque Fish). L'univers de Pendragon est alors la peinture musicale ( Paintbox ) de la psyché mélancolique d'un jeune homme torturé par une trop grande sensibilité au monde. Nick revendique aujourd'hui encore cette passion qui l'habite et lui confère son humanité, c'est d'ailleurs tout le propos du nouvel album (« Passion ? Give me some empathy »). Le son de Pendragon, c'est cette guitare à la sensibilité exacerbée dénichant des mélodies imparables toutes plus « évidentes » les unes que les autres ( Am I Really Losing You , If I Were The Wind ) et pleurant des soli émouvants ( Breaking The Spell ), les nappes symphoniques de Clive Nolan, le groove de la section rythmique Peter Gee/Fudge Smith et la voix de Nick, plus expressive et chargée d'émotions que technique et puissante (si Barrett n'est ni James LaBrie ni Russell Allen, il possède un timbre chaleureux très personnel). En résumant, l'esthétique de Pendragon, ce sont des claviers rutilants et pompeux et une strat suintante posés sur une rythmique un poil jazzy (qui a vieilli), délivrant un discours à la fois positif et candide (les bons sentiments ne sont pas forcément payés de retour). Soit une espèce de prog/hard au Pays des Bisounours, dans lequel la distorsion est toujours au service de la mélodie, puissamment évocateur mais qui n'a pas (encore) digéré son héritage camélo-génésien.

Barrett tente de se renouveler en 2005, avec Believe, mais le résultat est mitigé, l'album posant son fondement entre deux sièges. Après avoir fêté ses trente piges de prog, il ne se résout pas à devenir le fringant patriarche d'un genre étriqué et ose risquer la déception des fans de la première heure en poussant de l'avant son vaisseau, toutes voiles dehors, sans œillère (« People my people, Captain my captain, Sail this empty vessel away from here to calmer shores »). Sondant des nappes phréatiques plus métalliques et puisant ainsi à la source de ce qui se fait alors de plus créatif en matière de prog' (tel Riverside), il accouche en 2008 de la (bonne) surprise Pure, que l'historien (bien que féru de son Moyen-Âge) pourrait qualifier de Renaissance de Pendragon. Sa musique (copieusement bottée au cul par un nouveau batteur à la frappe sèche et au jeu musclé tout en roulements d'octobans et explosions de cymbales) gagne en punch et en tension ce qu'elle perd en béatitude. Bref, Uther P. ajoute des couilles à son cœur (de dragon) et se hisse à la hauteur de sa prestigieuse destinée, celle d'engendrer un jour son chef d'œuvre, (pas moins que) le futur Roi Arthur, légende britannique s'il en est… L'interprétation puissante de certains titres déplaît peut-être à certains grincheux amateurs de néo-prog caressant, mais l'intelligence et la profondeur des compositions me paraît en mesure de mettre tout le monde d'accord. La finesse des arrangements a de quoi séduire, comme la diversité des effets. Car Pure poursuit (l'excellence et) la recherche sonore entamée avec Believe : Nick s'est pris au jeu et pousse un cran plus loin le curseur. Le travail de Karl Groom produit ses effets (humour). Les voix s'en trouvent notablement améliorées. Nick pose sa voix sur la musique avec une précision exemplaire, plaçant toujours l'intonation juste au moment opportun, compensant ainsi amplement ses limites techniques. Les sons de guitare se font plus lourds qu'auparavant, les riffs plus agressifs, les accords plus épais. Mais qu'on se rassure, les soli transpirent toujours ce merveilleux feeling , capable de faire danser des entrechats à un mammouth. Pas de doute, c'est bien Pendragon, mais un Pendragon encore jamais entendu, qui marie à la perfection des ambiances allant de la douceur mélodieuse à des intonations dures et lourdes reflétant la violence qui baigne trop souvent notre vie quotidienne.

Passion se situe dans la continuité de son prédécesseur, dont il reprend et développe les points forts : toujours classieuse et ultra mélodique, la musique de Pendragon est dopée à la testostérone (de batteur) et bénéficie à la fois de l'expérience et de l'éternelle passion (justement) adolescente de son mastermind . Comme à son habitude, Barrett traite de thèmes universels en composant des personnages très autobiographiques pour ses saynètes musicales. Le propos est grave (dépasser ses douleurs et devenir résilient, la politique sociale et ses jeux de dupes, etc.), l'ambiance souvent lourde et le ton volontiers plus noir que mélancolique. Jamais lassantes ni verbeuses, les plages progressives font, comme toujours, la part belle aux ambiances ( Empathy , This Green And Pleasant Land ) et sont entrecoupées de titres plus directs, simples et percutants ( Feeding Frenzy , Skara Brae ). Avec la maturité, l'auteur-compositeur harmonise élans du cœur et structuration de l'esprit pour ciseler des titres longs et épiques à la fois variés ( This Green And Pleasant Land semble convoquer toutes les périodes de Pendragon) et cohérents (l'enchaînement Passion / Empathy était à l'origine une plage unique). Quant au Barrett-instrumentiste à la sensibilité exacerbée, il nous gratifie toujours de sa strat stratosphérique qui, tour à tour, rugit et pleure ses émotions. Il montre même un talent indéniable au piano, à l'occasion de la ballade finale (un rituel) Your Black Heart . La section rythmique atteint des sommets de complémentarité entre le jeune Scott Higham, chien fou des Highlands, sorte de gentil hooligan frénétique de la baguette et le flegmatique Peter Gee, comparse des débuts qui joue à son habitude tout en rondeur du chaloupé de sa basse. Clive Nolan se montre l'artisan de l'habillage symphonique et bruitiste de la musique du groupe (nappes, samples et effets plus que soli).

Avec Passion, Pendragon baisse d'un ton et durcit le ton. Baisse d'un ton parce que la voix volontiers rocailleuse de Barrett explore des sonorités plus graves que par le passé (bien qu'on la constate sur scène toujours opérationnelle dans les aigus). Nick explique dans le documentaire (DVD bonus de la version digipack) que depuis qu'il a arrêté de fumer il y a quelques années et accepté de ne pas chercher systématiquement à chanter en force, sa voix est plus posée et qu'il peut la préserver. Qu'avec l'âge et l'expérience de vie, elle devient plus profonde. Les vocaux de Passion bénéficient donc de cette hygiène de vie. Au-delà, le groupe franchit un cap supplémentaire avec des chœurs plus travaillés très réussis (et impeccablement rendus sur scène par Nolan et Higham). Durcit le ton parce que des riffs lourds sont mis en avant, ce qui pourra rebuter certains fans de la première heure car les soli de Nick sont aussi plus courts et moins aériens qu'avant Pure (enfin, il est encore capable d'envoyer celui d' Empathy , dont vous me direz des nouvelles...).

La grande affaire de ce huitième album semble ainsi être la confirmation de l'évolution stylistique voulue par Nick Barrett depuis Pure : il creuse un peu plus avant la veine métallique. L'intensité a pris le pas sur l'aspect planant de la musique du groupe. Mais, qu'on se rassure, le talent d'écriture et la qualité de l'interprétation de ce musicien doté d'une sensibilité à fleur de peau et d'une insolente facilité mélodique, qui a développé un phrasé unique chargé d'émotions, sont toujours présents. Et le côté mélodique, quasi lyrique, de Pendragon est toujours visité (par l'inspiration). D'aucuns reprochent à Barrett de chasser sur des terres qui ne sont pas les siennes et de formater sa musique afin de séduire le nouveau public (plus jeune) d'un « secteur porteur » (le prog' métal). Foin de procès d'intentions ! Il sait faire évoluer son écriture et son travail de composition ne fige pas. On ne va tout de même pas lui reprocher d'éviter ce à quoi trop souvent l'on assiste lorsque la carrière de nombreux grands du rock s'avère établie : l'establishment , justement (en clair l'encroutage !). Alors, si la nouvelle orientation musicale du groupe déçoit les crypto-fans du néo aérien, tant pis pour ces passéistes ! Passion est un nouveau grand cru anglais, certes plus corsé que les millésimes précédents mais qui se laisse boire (à consommer sans modération, hihihi). Pendragon n'a pas vendu son âme ! Tout juste si l'on peut (parfois) regretter que les choix de Nick occultent le souffle et la poésie de certains titres épiques des albums des 90's. Ca n'empêchera personne (surtout pas moi) de se faire régulièrement un petit Window Of Life in extenso . D'autre part, à l'écoute de « vieux » titres (tel Back In The Spotlight , de The World) en live , l'évolution stylistique ne les déssert pas : il s'en trouvent au contraire énergiquement toilettés, comme remasterisés.

Passion est donc plus abouti que Pure, qui lui a ouvert la voie. Il fait partie de ces disques qui se bonifient avec le temps, qui se découvrent écoute après écoute. Force est de reconnaître que la magie de Pendragon opère toujours car Barrett, non content d'être devenu une référence guitaristique incontestable, s'affirme comme un grand chanteur (qui a su tirer profit de ses atouts de timbre et de phrasé) et restera une des grandes voix du prog' au même titre que Fish ou Peter Gabriel. Dans le documentaire concernant la réalisation de l'album, il dit ne pas croire être un chanteur de rock comme David Coverdale (Whitesnake) ou Lou Gramm (Foreigner) mais plutôt de la sorte d'un Phil Collins ou d'un Geddy Lee (Rush), un chanteur offrant sa personnalité plus que sa voix à son groupe. C'est aussi un remarquable frontman , grâce à l'humanité et à la sympathie qu'il dégage lors des concerts. Il est surtout ce compositeur unique, doté d'un sens mélodique proprement bouleversant. Et Passion est riche en mélodies (le refrain d' Empathy ) et le rythme n'est pas en reste : ça groove  ! Le plus fort, c'est la cohérence de Pendragon, sa signature sonore. Habillé de neuf grâce au gros travail sur les arrangements (les chœurs, les samples, les bruitages) et modernisé (c'te prod), le son Pendragon, celui qu'on trouvait déjà en 91 sur The World, est bien là, préservé. Malgré les infidélités faites à sa Strat par un Nick ne dédaignant pas empoigner une lourde Les Paul. Alors on peut regretter un certain passé (les fulgurances de The Window Of Life) et émettre quelques réserves (à propos de sons de synthé un peu cheap d'un Nolan en retrait, de samples parfois un peu trop présents), ce disque n'en demeure pas moins un grand album de rock progressif et relève d'une réelle évolution musicale qui, j'espère, propulsera le groupe vers un succès planétaire amplement mérité !

Les titres à retenir : Tous ! Pour des raisons différentes. Comme ceux de The Window Of Life (mon autre album préféré de Pendragon, celui par lequel je les ai découvert au hasard des bacs d'une médiathèque il y a 15 ans), ils se complémentent et délivrent une forte et harmonieuse unité conceptuelle et musicale. J'avoue ma préférence pour la « face A » : Passion/Empathy pour les déclinaisons de sa mélodie principale et de son génial refrain , pour Nick slamant/rappant sur le solo (plutôt flamant, lui…) et Clive lui répondant majestueusement en guise de clôture grandiose, Feeding Frenzy pour ses sons modernes et son aspect rentre-dedans , This Green And Pleasant Land pour sa diversité, très représentative de Pendragon.

En conclusion : Savez-vous ce que je pense d'un groupe à la forte personnalité qui réussit à conserver son empreinte musicale intacte tout en ne cessant d'évoluer, album après album, affirmant un style fait de fidélité à ses inspirateurs et d'ouverture à ses contemporains ? Ah, ben tiens, c'est comme dans le sketch de Coluche : « la réponse est contenue dans la question » ! C'est dire si cet album est non seulement indispensable à tous les fans du groupe, mais également aux amateurs de rock progressif moderne. Un must de 2011.

P.S.1. La production d'un type qui s'est mis à la musique après avoir écouté Ziggy Stardust de Qui-vous-savez et a commencé par jouer des reprises de Led Zep ne pouvait qu'être de qualité, laissant apparaître la très grande sensibilité et le bon goût indéniable du bonhomme (on se rassure comme on peut…).

P.S.2. Ces musiciens chevronnés, à la fois simples et généreux, ont offert le 05 mai 2011 aux bienheureux spectateurs parisiens du Divan du Monde un concert d'une rare intensité (voir le live report ).

Le site : www.pendragon.mu + www.myspace/pendragon

Bouteil Bout






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