Frontiers Records
Le genre : peinture métallisée à paillettes.
Concernant la teneur de cette chronique, je vous invite à une expérience interactive : c'est vous qui décidez de lire un avis « pour » ou un avis « contre »… J'hésite à me prononcer.
Contre . C'est la chronique d'un ratage. En effet, The Poodles avaient tout (le talent, l'expérience, l'entourage) pour sortir un disque de hard flashy, pièce maîtresse dans l'histoire du metal et ils nous font l'aumône d'une piécette. Ou comment la jouer p'tite b*** pour rester consensuels. Mais bord** où sont-ils allés perdre la gratte dans le mix ?
Pour . Les caniches ont détaché leurs laisses, ils divaguent sans muselière et bouffent tout sur leur passage : un vrai carnage, une orgie de Pal®. Un album si bon que tout y semble évident. Vive le pop hard ! (C'est Warhol qui doit rigoler…)
Les caniches déboulent en 2006, improbablement issus des qualifications suédoises pour l'Eurovision. Avec Metal Will Stand Tall, ils proposent un hard FM rafraîchissant, fait de morceaux directs et concis, classiques dans leur forme (influencé par Ratt, Warrant, Poison, Mötley Crüe, Guns'N'Roses mais aussi des trucs plus heavy comme Gamma Ray ou plus rock comme les Quireboys) très bien écrits et savamment arrangés : jolies mélodies, refrains catchy, chœurs léchés (bien sûr), rythmiques solides, grattes mordantes (évidemment), super (aboy-euh) chanteur. Les quatre musiciens ont déjà tous un pedigree (wharf, wharf… ex-Talisman, Tiamat, Lions Share), alors que le groupe affiche juste une année au compteur lorsque l'album est distribué en Europe. Il y fait l'effet d'une petite bombe pop/metal et sera suivi de près par une seconde, Sweet Trade, la même année, prouvant que ces caniches en avaient sous la patte ! Même recette, légèrement plus punchy et dotée d'une prod plus efficace misant sur une guitare plus metal pour un résultat plus glam que FM. Oscillant entre deux pôles complémentaires (rythmiques metal incisives sur les couplets et gros refrains FM), nous sommes alors nombreux à (vouloir) voir en eux les dignes héritiers des Europe, Bon Jovi ou Gotthard, capables de renouveler subtilement une scène hard mélodique plutôt terne. Au printemps 2008, ils sont lâchés par leur guitariste, Pontus Norgren ayant cédé aux sirènes trou métalliques d'un Hammerfall en quête de soliste (pfff… quel plan de carrière : cesser le toilettage canin pour donner dans la boulange !). Il explique alors souhaiter s'orienter vers « une musique plus dure ». Sort en 2009 un Clash Of The Elements ambitieux, frappant fort et ratissant large question influences. Travaillant avec le célèbre Mike Fraser, les caniches ont même le toupet d'apposer quatre symboles élémentaux sur la pochette de leur album, un pour chaque toutou. Euh… « four symbols » pour quatre musiciens de hard, ça ne vous rappelle personne ? Se verraient-ils en nouveau Plus Grand Groupe De Rock du Monde ? S'en suivent le CD No Quarter (encore !) et le DVD In The Flesh, live.
Contre . Remplacé par Henrik Bergqvist, Norgren a-t-il donc fichu le camp avec la veine métallique des Poodles, ne laissant à ses ex-partenaires abricots que le strass et les paillettes ? Car force est de constater que si Performocracy présente plusieurs facettes, ce sont d'abord celles de la boule qu'on remarque (ouais, comme en boîte of night) ! Le côté Saturday Night Fever qui faisait en partie l'attrait du groupe (en supposant un second degré) semble avoir nettement pris le pas sur tout le reste. Soit une espèce croisée de disco et de métal, pas du glam au sens d'un Mötley ou d'un Guns et plus proche des disco queen que du glitter rock.
Pour . Pourtant, leurs orchestrations sont intéressantes, alliant les éléments « purement » hard (guitare/basse/batterie) et des cordes (violon, violoncelle, piano) épousant harmonieusement les courbes vocales du très talentueux Jacob Samuel (un peu comme si Axl Rose chantait November Rain juste et sans crier !), un chanteur racé (!) techniquement très au point, qui sait moduler sa voix. A l'image d'un Jorn Lande plus jeune, il est capable d'aller chercher dans le coffre les éléments de tripes à même d'épaissir la sauce et d'asseoir sur de solides bases les pétarades aiguës de son moteur vocal. Il prend parfois, dans les graves, des intonations à la Coverdale (lors de rares phrasés bluesy) ou, dans les médiums, à la Steve Lee (plusieurs refrains rappellent Gotthard).
Contre . A force de tortiller du cul, les caniches l'ont coincé (comme leurs maîtresses, c'est connu !) entre deux chaises, l'une hard et l'autre pop. A force de ne pas choisir et de miser gros sur les arrangements, ils versent dans un style hybride un poil (re-wharf !) monstrueux, qui peut faire penser à Def Leppard reprenant du Abba. Je me demande si le principal problème des Poodles ne serait pas leur (excellent) chanteur… En écoutant les albums successifs, j'ai la désagréable impression que toute l'instrumentation lui est inféodée, soit volontairement réduite (des soli courts voire inexistants, pas de breaks instrumentaux), soit mixée en arrière (les riffs, la frappe des tambours). Les lignes de chant lead comme des chœurs, systématiques sur les refrains, sont très travaillées et réussies (on entend clairement que c'est écrit pour être imparable) mais elles accaparent le côté épique de la musique d'un groupe qui, de ce fait, ne sonne pas aussi hard'n'heavy qu'il devrait (?) / pourrait (?). Bon, allez, d'accord : que j'aimerais.
Pour . Malgré tout, ça fonctionne ! Et oui, parfois comme une chanson de Dalida ou de Claude François mais ça reste en tête… Put**** de refrains ! C'est un comble de reprocher à un groupe l'efficacité de ses compositions mais c'est le cas. A l'image de nombreuses productions disco (Abba, encore) c'est très bien construit, lumineusement orchestré, ça marche à tous les coups et ça finit par faire chier tout le monde parce que ça pourrit la tête pour toute une journée ! Attention aussi au côté kleenex de refrains évidents : vite retenus, vite oubliés. Finalement, parce que c'est super bien produit, joué et composé, ça s'impose malgré la honte qu'on peut éprouver à aimer ça… Le tube (il en sera un, comme chantait Francis : « c'est écrit… ») Cuts Like A Knife me semble la parfaite illustration.
Contre . Certains tics de production sont exagérés, telle cette manie de rajouter (encore plus) d'effet sur la voix ou de balancer de petits sons électro pour faire moderne. Les deux premiers titres sont insupportables tant ils sont racoleurs (Henri Fonda aurait reproché à Terence Hill de « briller comme un miroir de bordel », voilà pour les cinéphiles), maquillés comme des camions volés (ça c'est Coluche à propos de Monique : « et le rouge à lèvres, c'est pour effrayer les zoizos ?). Escroquerie : les arrangements orientalisants d' I Want It All se limitent à un néon de devanture pour ensuite rester loin derrière les lignes vocales. Le refrain d' Until Our Kingdom Falls sonne creux et, là encore, l'instrumentarium semble se limiter à un faire-valoir du chanteur.
Pour . En fait, il faut atteindre un certain point de l'œuvre pour être finalement happé (et ne définitivement plus pouvoir s'en échapper), comme avec les 70 premières pages du Seigneur des Anneaux. Ce tour de magie se produit en plage 5, lorsque, à grands coups de mélodies immédiatement assimilables et d'arrangements sorciers, Cuts Like A Knife jette l'auditeur dans la gueule du… chien (ben ouais.) Si cet album était un vinyle, j'écrirais que la face B surpasse la A. Car c'est lorsqu'ils n'en (sur)rajoutent plus mais, au contraire, se montrent versatiles que les Poodles s'avèrent réellement convainquants dans leur entreprise de recyclage général. C'est un peu au « Méga Lavomatic du Hard » que Jacob Samuel et sa bande nous convient, où ils ravivent brillamment un genre souvent pathétique et redondant (le FM) à grandes giclées de couleurs « grand teint ». En effet, traversée de nombreuses influences, la musique des Poodles n'est jamais prise en flagrant délit de pompage. Ces références, bien assimilées et appropriées, ont permis aux chiens-chiens de se forger une identité sonore propre, un style personnel empruntant à beaucoup sans plagier personne. L'héritage des caniches (bien toilettés par une large équipe de compositeurs) est ainsi largement félidé (du léopard sourd) mais aussi reptilien (du serpent blanc) et encore volatile (du coucou suisse).
Les titres à retenir. Cuts Like A Knife (absolument imparable , à la limite de l'insupportable tellement c'est téléphoné mais on plonge quand même) . Love Is All , bâtard de U.2 et Jorn. Le plus heavy Your Time Is Now littéralement poussé au cul (« on ne sent pas le cul, Didier ! ») par la frappe de Kicken Lundqvist. Bring Back The Night , avec sa gratte râpeuse sur les couplets et ses chœurs sirupeux sur le refrain, est un hymne de plus taillé pour la scène et hurler à la lune (le final avec la reprise ad libitum du refrain est un peu longuet). Vampire's Call , aux excellents arrangements, est mis sur orbite par la batterie et mu par une gratte old school survoltée. Into The Quiet Night , avec son intro en harmoniques délicates et son final ronronné à la Coverdale est délicieusement suranné.
En conclusion : Too Much Of Everything , selon leur propre titre, c'est l'expression qui résume selon moi le mieux la musique des Poodles. Avec ce groupe, une fois mordu (sic !) c'est l'overdose qui vous guette mais, heureusement, elle est inoffensive : les caniches sont des animaux de (bonne) compagnie !
P.S. Si, à l'image d'un Whitesnake, leurs albums ne sont jamais meilleurs que lorsque leurs pochettes sont nazes, on tient là un futur gold !
Le site : www.poodles.se + www.myspace.com/thepoodles
Bouteil Bout
|