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WHITESNAKE
" Forevermore "

WHITESNAKE Forevermore

Frontiers Records

Le genre  : madeleine de Proust.

Historique  : La musique de Whitesnake m'a toujours filé la patate ! Découverte en 1987 avec la sortie de l'album Serpens Albus et du génial Still Of The Night (quelle p***** de baffe !), elle fut la B.O. de mon entrée dans l'âge adulte. Avec le recul, je reconnais que c'était tout pompé à Led Zeppelin : le couplet a capella comme sur Black Dog , le break psychédélique comme dans Whole Lotta Love , une progression d'accords et des cordes inspirées par Kashmir . Mais mon ignorance musicologique d'alors m'a fait vénérer ce truc (à pompeur, pompeur ½ : Jimmy Page a copieusement pillé les bluesmen des années 30/40…). Ma culture métallique doit ainsi beaucoup à David Coverdale (et un peu aussi à Tonton Zézé « sur WRTL Wango-Tango de 21h à Midnight ! »). C'est en partant de 1987 que j'ai remonté le fil de la pelote jusqu'à la période anglaise, bluesy et festive (à laquelle j'accorde aujourd'hui encore ma préférence). Là j'ai appris que D.C. avait officié au sein de la meilleure incarnation du Pourpre Profond, aux côtés du funky Glenn Hughes et du boss Blackmore, parti peu après over the Rainbow avec un elfe. Finalement j'ai découvert que tout (ou presque) avait commencé en 68 (tiens donc…) à bord d'un dirigeable voué à la chute. Comme quoi un obsédé sexuel bas du front mais fort en gueule peut s'avérer pédagogue ! C'est ainsi que j'ai littéralement cuit dans mon Walkman la bande magnétique de ma cassette regroupant Come An' Get It et Saints & Sinners pour ensuite écumer les disquaires de Clignancourt afin de dégotter la discographie complète du Serpent Blanc…

Style  : Onzième album du groupe, ce Forevermore qui, on le verra, porte bien son nom, a la (lourde) tâche de succéder à l'excellent Good To Be Bad qui a marqué en 2008 le retour en forme du reptile britannique. Revenu de son rêve américain tout clinquant, Coverdale y renouait avec ses racines. Ce Whitesnake-là se montre capable de réaliser une belle synthèse entre refrains catchy, influences bleues et puissance tellurique. Après deux sorties live en 2006, que j'avais trouvé exagérément retouchées (pétard, la dose d' overdubs sur la voix), Good To Be Bad était un album racé, direct et efficace dans la forme de ses compositions, qui reprenait les choses là où 1987 avait abandonné le succès. Forevermore se positionne dans la suite logique de son prédécesseur, qui avait stylistiquement un poil le cul (c'est le cas de le dire) entre deux chaises (1987 et Slip Of The Tongue). Il offre effectivement en (sur)abondance tous les clichés de la musique de Whitesnake. Coverdale s'y vautre avec délice et sans mesure aucune dans le marigot qui fit l'énorme succès de 1987, soit un savant mélange de gros hard rock qui tache et de heavy bluesy, agrémenté de refrains accrocheurs (avec une tendance récurrente à vouloir faire les chansons à eux seuls) et assaisonné de soli de gratte du meilleur effet (Doug Aldrich n'est pas un cave). Grosse prod' (version modernisée du son de l'album éponyme), style de gratte très rythmique : c'est gras, ça pose et ça balance, bref c'est bien du Whitesnake. Good To Be Bad a en quelque sorte réinitialisé la carrière de Coverdale, en renouant avec un style classique et des compositions à l'ancienne qui lui collent parfaitement à la peau (de serpent) et font l'identité musicale de Whitesnake. Le revers de la médaille (qui orne les pochettes depuis 1987), c'est que nous retrouvons sur Forevermore un Whitesnake en roue libre, Coverdale ayant enclenché le pilote automatique question compos. Certes efficaces, leurs structures sont convenues et plusieurs rengaines semblent avoir déjà été entendues précédemment.

Paroles  : Le venin de serpent devrait être remboursé par la Sécu  ! Comme le répètent mécaniquement ces journaleux formatés par la Pensée Unique  : « dans un monde en perpétuelle mutation, il est rassurant de constater que certaines choses ne changent pas. ». Et si l'on peut concéder une chose au sieur Coverdale, c'est sa constance. En effet, en 2011 (et depuis 1978), David pense (Forevermore) avec sa queue et chante avec son cœur (ou l'inverse ?). Il convient donc de le classer parmi les facteurs luttant contre l'anxiété latente et la morosité ambiante. Comme quoi les grands névrosés ne sont pas si éloignés des grands thérapeutes (c'est la thèse Hannibal Lecter, dérivée du principe homéopathique se proposant de soigner le mal par le mal). A son habitude, David traite le sujet qu'il connaît le mieux : lui-même ! Plus précisément les états d'âme de ses gonades… Comme d'habitude, la richesse littéraire du corpus de textes de l'œuvre qui s'offre à nos oreilles, émerveillées par tant de poésie, repose sur le bagage linguistique d'un colleur d'affiches du F.N. (soit un contingent d'une cinquantaine de mots). Les connaisseurs retrouveront ainsi les locutions imagées, récurrentes dans la carrière de Coverdale, qui font parfois le titre : « shine a light for me », « steal away », « Lady Luck », « love and treat me right », « dogs…wild… in the streets », « gimme all your love tonight », « take me back again ».

Voix  : Lors de son come back américain en 1987 et malgré ses soucis vocaux, Coverdale avait encore progressé : comme un bon vin, il se bonifiait avec le temps. Pour son virage stylistique hair metal , il conservait le léger côté rauque qui rendait son timbre chaud et sensuel, cette puissance sans avoir besoin de hurler et faisait preuve d'une facilité déconcertante à passer du grave à l'aigu. Aujourd'hui, son spectre sonore s'est quelque peu aminci et il n'est pas toujours à son avantage dans le « registre de Tarzan », évoquant plus une vieille aigrie engueulant des mômes qu'un ténor en chasse (sic). Que voulez-vous, tous les chanteurs ne sont pas égaux devant le vieillissement de leurs cordes (à force de leur tirer dessus, pfff). Pour s'en convaincre, les derniers enregistrements de Dio qui lui, c'est vrai, faisait partie du Peuple des Fées. Il est dommage qu'à l'inverse d'un Robert Plant, David ne se résolve pas à tout descendre de deux tons (probablement une fierté chargée de testostérone mal placée). Il ne perdrait pourtant rien à miser sur la chaleur de sa voix, toujours capable de monter en puissance mais atteinte par la limite d'âge pour hurler Slip of the Tongue . D'autant que lorsqu'il sonne comme à l'époque pré-Sykes, la magie opère toujours.

La bonne surprise de cet album et de cette énième mue du Serpent Blanc, c'est la confiance accordée par le patron à ses acolytes Aldrich, Beach, Devin et Tichy pour assurer des backing vocals dignes de ce nom. En effet, tous les musiciens chantent et forment avec Dave un vrai chœur, au sein duquel il est possible d'entendre distinctement les individus. Apparemment et probablement poussé par la nécessité évoquée plus haut, Coverdale a enfin résolu son « complexe purple » remontant à l'âge tendre durant lequel Glenn Hughes lui montait systématiquement sur les arpions afin de s'emparer du micro (!). Sur Forevermore, Whitesnake renoue ainsi avec une répartition vocale du meilleur effet, Coverdale étant subtilement soutenu par ses serpenteaux. Et de se remémorer les arrangements des albums Burn et Stormbringer de Deep Purple ou la période Moody/Marsden du Snake.

Notes  : Le hard rock de papa a encore de beaux jours devant lui ! J'en veux pour preuve éclatante mes deux fistons headbangant et tortillant du cul comme des malades sur la quasi totalité du disque. Il est des groupes qui possèdent un son identifiable entre tous et Whitesnake fait partie de ce club très select . Aldrich se démène comme un beau diable et essaie souvent d'imiter John Sykes… avec plus ou moins de succès. Cependant, le duo qu'il forme avec Reb Beach est bien rôdé. Sur des bases rythmiques assez groovy, ils déroulent des soli à la fois techniques et mélodiques, envolées instrumentales incandescentes et maîtrisées. Ces deux gars réalisent la performance (assez improbable au départ) de reprendre vaillament des manches autrefois hauts tenus par la paire d'as Moody/Marsden puis le volcanique Sykes. Un reproche technique toutefois : le son de Doug Aldrich présente un coté fuzzy persistant qui (peut) fatigue(r) à la longue.

Bien sûr, musicalement, certains trucs sentent un peu la naphtaline mais on sait Coverdale adepte des réenregistrements (perfectionnisme ou opportunisme ?). Bon, les plus grands auteurs l'affirment : on écrit toujours la même histoire. D'autres morceaux sentent (à plein nez) la vieille toile de dirigeable (le riff principal de Whippin Boy Blues , qui semble prolonger le Shake My Tree de 1993, est pompé sur Bring It On Home ). On se rappellera à cette occasion que Coverdale avait alors (enfin) piqué la place de Robert Plant auprès de Jimmy Page, le temps d'un plaisant (bien qu'un peu racoleur et surjoué) Coverdale/Page. Le premier réalisait ainsi un vieux fantasme inavoué, tandis que le second se consolait des nombreuses vestes prises auprès de son ex-vocaliste, qui refusera jusqu'en 1994 (et l'excellentissime Unledded) une reformation discographique du Zep (outré ou aiguillonné par Dave ?). Ainsi l'ombre du Plus Grand Groupe de Rock de l'Histoire plane sur une grande partie de l'album, rappelant les racines du Whitesnake d'antan. Rien de bien original donc mais la mise en place, l'interprétation, les breaks, les soli sont parfaits de puissance et présentent un niveau de finition que seuls les meilleurs peuvent atteindre. Chapeau bas donc !

Bonus destiné à être lu chez votre coiffeur  : Sinon, physiquement, il a changé ces derniers temps, le beau gosse (60 ans cette année) ! Il ressemble de plus en plus à Catherine Deneuve… Pour vérifier, il y a le clip promo de Love Will Set You Free  : c'est saisissant. Les crèmes de jour ont une action foudroyante sur les rides profondes (et du sillon, y'en a sur sa tronche) ! Mais il faut comprendre ce pauvre garçon qui, à force de clamer urbi et orbi « I got a white snake, Mama, You wanna shake it Mama », a dû ramasser au passage deux ou trois trucs peu avouables (oh, vérole !).

Les titres à retenir  : plusieurs fortes réminiscences du Whitesnake de ma jeunesse sont aimablement troussées. Le titre introductif, Steal Your Heart Away , d'abord, avec son bottleneck survolté, est une sorte de profession de foi du Serpent Blanc ; Le purplesque (au son 75/76 à peine modernisé) All Out Of Luck ; Le single tubesque de gros calibre Love Will Set You Free (« free-free, set them free » ah non, ça c'est Sting) ; Tell Me How , qui aurait pu figurer sur Slip of The Tongue (et pille allègrement le break de Still of the Night  : c'est la même gratte !) ; I Need You , très représentatif de l'écriture de Coverdale qui, décidément, a trouvé en Aldrich un nouvel alter ego pour la composition ; La classieuse ballade country/folk One Of These Days , à mi-chemin entre une ambiance 60's et La Route De Memphis de notre Mr. Eddy national, sur laquelle Aldrich sonne comme George Harrisson sur My Sweet Lord. Coverdale qui donne dans la country, c'est encore Robert Plant qui va crier au plagiat ! Love And Treat Me Right qui, en combinant une slide à la Moody avec une rythmique bien lourde, réalise la jonction entre les périodes « bleu de chauffe » et « à paillettes » du Snake (yeah !) ; Forevermore , mélodique et intensément soul , avec son crescendo final jouissif (et zeppelinesque) .

En demi-teinte, Fare Thee Well fonctionne mais supporte mal la comparaison avec son « original », le classique We Wish You Well (Lovehunter, 1979) ; Evil Ways est, alourdi, un boogie sympatoche comme Whitesnake savait (mieux) les pondre il y a 30 ans.

A éviter : la ballade poussive Easier Said Than Done et le rythmé Dogs In The Streets (qui évoque fortement le Bad Boys de 87), malheureusement plombé par un refrain « top couillon ».

En conclusion  : Forevermore c'est du pur Whitesnake et, comme à son habitude, Coverdale, qui persiste et signe, ne laissera pas indifférent. Pour les jeunes mélomanes qui découvriront le groupe, cet album sera une parfaite porte d'entrée (à rebours) dans la discographie du Serpent Blanc. Elle leur ouvrira la voie vers les chefs d'œuvre Ready An' Willing et Live In The Heart Of The City. Pour les (vieux) die hard fans, ce sera tout ou rien : indulgent et comblé, on appréciera ce concentré de la discographie d'un sale gamin de soixante piges qui s'amuse à en rajouter (toujours plus) ; difficile et déçu, on récriminera à propos d'un recyclage éhonté.

P.S. A chaque écoute, je commence par renâcler devant tant d'auto-citations pour finalement me laisser embarquer par le talent et le savoir faire de ce vieux roublard et de sa fine équipe enfonçant le clou «  right to the top  » !

Le site : www.whitesnake.com + www.myspace.com/whitesnake

Bouteil Bout






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