WHITESNAKE

" Live At Donignton 90 "
WH I T E S N A K E
Live at Donington 1990
Frontiers Records

Le genre : faites la mue, pas la guerre !

Après tout ce que j'ai rédigé à son propos, je ne présente plus le Serpent Blanc de David Coverdale (ex-frontman de Deep Purple M.K.3). Je me contente simplement de préciser, en toute honnêteté, qu'il s'agit du groupe fétiche de mon adolescence. Riche actualité cette année pour Whitesnake puisqu'après le nouvel album studio Forevermore (qui flingue les canards, je le rappelle), sort ce Live at Donington 1990 qui va permettre aux nostalgiques comme aux jeunes fans de se replonger dans la troisième prestation du groupe au défunt festival des Monsters of Rock.

Un peu d'histoire… Whitesnake, qui a débuté la décennie 80 en fanfare, british et « royal au bar » en sortant en 1980 les albums qui resteront probablement ses deux meilleurs, Ready & Willing (avec la dream team Marsden-Moody-Lord-Paice-Murray) et l'énorme double Live… In The Heart Of The City, la finit (la décennie) une plume dans le c**, ricain et « Fanny au bar ». Effectivement en 1990, en pleine période hair metal , le reptile qui, tel le batracien de la fable, a beaucoup enflé, en est à sa énième mue (a.k.a. Serpent Imbu). Coverdale a cassé la baraque en vendant son 1987 à toute l'Amérique et son groupe de hard bluesy couillu est devenu une grosse machine blondasse à débiter du hit. Le virage (glissant) amorcé en 84 sur Slide It In (humour !) et poursuivi, la poignée dans l'angle, avec John Sykes au guidon en 87, est en passe de se terminer dans le fossé. Misant tout sur le lifting, le beau David (toujours aussi monomaniaque) a, une fois encore, viré tout son monde et réuni l'année précédente un casting de rêve, sensé mettre le monde à (ses) genoux (parce qu'il y en a, des culs, around the world …). Il s'est entouré du bassiste et chauffeur de salle Rudy Sarzo (ex-Quiet Riot), de l'inlassable marteleur Tommy Aldridge et des deux palucheurs Adrian Vandenberg (a.k.a. le Hollandais Volant) et, son plus gros « coup » (de pub), le bien barré virtuose Steve Vai (ex-Zappa et David Lee Roth Band). Cependant, l'album enregistré en 1989 par cette formation, Slip of The Tongue, s'est avéré à la fois une déception pour les fans « historiques » (esbroufe à tout va, grosses ficelles tubesques racoleuses, production noyée sous des caisses de synthés) et un relatif insuccès commercial.

Donington #3, c'est le live de la mort (momentanée) ! Le 18 août 1990, la plus extravagante incarnation du Snake, emmenée par Vai et Vanderberg, qui (malgré leur talent) en font décidément trop et dénaturent les classiques du groupe (l'imparable Fool For Your Loving est galvaudé et Ain't No Love… ne tutoie jamais les cimes émotionnelles atteintes à l'époque de la paire Moody/Marsden), tire ses dernières cartouches avant de raccrocher durablement (sept ans précisément) les glandes (à venin) au râtelier. Mais, même à l'approche de l'hibernation, le serpent ne pouvait refuser une invitation à jouer devant plus de 72.000 personnes, en tête d'affiche du plus prestigieux festival britannique de l'époque (avec Thunder, The Quireboy, Poison et Aerosmith) ! Les amplis sont donc branchés une dernière fois et la messe (un requiem, donc) est dite, dans des aigus peroxydés comme ses cheveux (c'est le credo de Coverdale depuis Slip…) à une foule conquise avant même que d'être prise : il n'est que d'entendre le chœur des fans durant ce concert pour comprendre que David jouait sur du velours. P*****, ça doit le faire, 72.000 gus reprenant vos refrains !

Il aura fallu à Coverdale vingt ans et son association avec Doug Aldrich pour sortir un digne successeur à 1987 : le Good To Be Bad de 2008. Vingt et un ans après le show de Donington, alors que Whitesnake semble en pleine forme, il est à la fois intéressant et agréable de se plonger dans ce qui présente le reflet d'une époque à laquelle Whitesnake était plus « bankable » qu'Aerosmith (qui ouvrait pour lui). La performance scénique du groupe est énergiquement restituée, grâce à un son clair et bien défini, assurant un bon équilibre entre les différents instruments. Les fans, qui réclamaient ce concert à corps et à cris depuis l'ouverture du site Internet du groupe, seront comblés : la grosse artillerie est de sortie ! On a mis le paquet pour dépoussiérer les bandes et toute la technologie nécessaire à embellir les différents phrasés musicaux a été mise à contribution. Une réussite technique, donc. Reste à déplorer un désagréable et persistant effet de réverb' rotative sur les guitares qui m'agace du début à la fin de l'album (je finis par n'entendre plus que ça). Je n'ai reçu pour chronique que la partie audio mais notez que ce double album comprend également des documents vidéo sur le Liquor & Poker World Tour 1990 plus un documentaire sur les coulisses de la réalisation de Slip Of The Tongue.

Le son est donc énorme (très bien retravaillé) et fait honneur à la performance de chaque musicien. Il faut dire que le groupe envoie du bois ! On notera que, malgré les critiques émises plus haut, le duo Vai / Vanderbeg fonctionne à merveille. Ils sont alors à l'apogée de leur technicité et en mettent plein la vue, à grands coups de notes tirées et d'harmoniseur Eventide®, notamment avec les enchaînements d'instrumentaux Adagio for Strato / Flying Dutchman Boogie de Vandenberg et For The Love Of God / The Audience Is Listening , futurs extraits du Passion & Warfare en solo du maître de la sept cordes. Aldridge traite ses peaux avec la délicatesse et la constance d'un marteau-pilon, finissant ses cymbales à mains nues lors de son solo, sur un Crying In The Rain déjà atomisé par la lead de Vai. Sarzo fait son numéro, arpentant la scène et haranguant la foule, sa basse alternativement entre les jambes et derrière la tête (l'histoire ne dit pas combien de chicots il a dû changer sur son ratiche pour avoir tenté de jouer comme Hendrix…)

En patron incontesté, Coverdale survole le tout d'une voix à exploser les verres en cristal. C'est un immense chanteur dont la prestation est époustouflante d'entrée de jeu ( Slip Of The Tongue n'est pas le morceau le plus aisé à balancer en ouverture) et elle le reste jusqu'au bout, bien aidée par le toilettage des bandes. Je le préfère pourtant largement dans le registre bluesy plus nuancé qui lui a conféré ses lettres de noblesse que lorsqu'il s'égosille en imitant David Lee Roth ou la Castafiore  ! Surtout, je ne peux aujourd'hui m'empêcher de le trouver un peu ridicule, avec ses poses systématiques de branleur de pied de micro (sa grande spécialité) et ses caresses à l'entrejambe. Tout blond et ainsi passé aux U.V., il arbore à 39 ans l'allure d'une riveraine (sur le retour) de la rue St. Denis. Ou de Dee Sniders, vous voyez le genre… (sauf que lui, c'était un déguisement).

Artistiquement, on constate que le propos de ce serpent-là est de marquer l'histoire du rock en réunissant les énergies de Deep Purple et de Led Zeppelin et en conjuguant leurs influences dans des compositions métal/pop éruptives ( Slow'N'Easy ) et mainstream ( Judgement Day ). C'est particulièrement évident à l'écoute du monumental et jouissif Still Of Night conclusif (définitivement le meilleur titre du Whitesnake période US). Et tout cela sans créditer personne aux claviers… Mais comment ont-ils fait ? (Niarf, niarf !)

Les titres à retenir : avec Slip Of The Tongue , David donne tout d'entrée : aïe ! les cordes (vocales) . Slide It In dépote son bouquet de géraniums. Judgement Day est peut-être le seul morceau meilleur ici qu'en studio car débarrassé de son lénifiant trop-plein de claviers originel. Slow An' Easy groove toujours autant . For The Love Of God , le chef-d'œuvre de Steve Vai (mais ce n'est pas du Whitesnake). Sur Here I Go Again , porté par 72.000 choristes, David se sent pousser des ailes. Still Of The Night évidemment (ce titre est tellement bien écrit que même par moi sous la douche, il est bon !).

En conclusion. Coverdale poursuit la réédition/remasterisation de son catalogue. On peut le dire centré sur son public et aussi concerné par son larfeuilles… Allez, trêve de mauvais esprit, les malchanceux qui n'y étaient pas (j'en fais partie) seront contents de participer un peu (en retard et dans leur chambre) à ces Monsters of Rock '90. Et puis, si ce cru ne fut pas le meilleur du Snake, on pardonne volontiers à Coverdale de nous rappeler cette époque ridiculement attifée, vu le niveau du Forevermore offert à nos oreilles voici quelques mois !

P.S. Je cherche (donc je trouve) matière à critiques désagréables mais, ne vous méprenez pas, en b(c)on die hard fan que je n'ai aucune honte à demeur(é)r (c'est bête), ce disque, je vais l'installer bien confortablement parmi toutes les autres peaux de serpent dans leur petite étagère en bois du fagot. Décidément le cœur a des raisons que la raison, etc.

Le site : www.whitesnake.com + www.myspace.com/whitesnake

Bouteil Bout

 

   
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