A S I A
XXX
Frontiers Records

2012, c'est le trentième anniversaire du premier Asia, célébré en grande pompe avec la sortie du coffret double CD + docu et tutti quanti bonusi. C'est aussi les six ans de la reformation de ce qu'il convient contractuellement d'appeler « The Original Asia », et aussi l'occasion d'avoir droit à une troisième galette de ce line-up séparé depuis 28 ans, et aujourd'hui à la stabilité déconcertante : Mike Paxman rempile aux manettes, ainsi que Roger Dean aux pinceaux, et Steve Howe déclare « vouloir recapturer l'énergie du premier album ».

Alors écoutez les petits Tucos, le monde se divise entre ceux qui aiment Asia et ceux qui voient en ce monstre le plus grand désastre du XXe siècle. Ces derniers (dont je développerai le seul point de vue, par un parti-pris honteusement assumé) verront dans « XXX » (dont le nom fait bien référence aux 30 ans de « Asia ») un horrible traumatisme psychologique, comme celui d'un adulte revivant un choc qu'il a connu dans son enfance et qui l'a marqué toute sa vie : bref, Asia fait un remake de 1982. Et là, pas le moindre doute, c'est volontaire.

Plus qu'une question de « retrouver » une quelconque « énergie », le quartet fait dans la copie carbone, tel Indiana Jones décalquant sa stèle des templiers… Wetton est en quelque sorte un scientifique, en fait, disséquant les entrailles de son premier album afin d'en proposer le clone parfait. De fait, « I know how you feel » vous déclenchera exactement les mêmes remontées d'estomac que lors de votre découverte du premier album, tous les ingrédients sont réunis, conservés dans le formol depuis 1982, « Al gatte nero » résonne du même son creux que les mélodies de ce même premier album et que ses chœurs tout aussi creux, et « Judas » me fait pleurer comme « Heat of the moment » la première fois, sauf qu'alors j'entrecoupais mes sanglots de « non c'est pas Wetton non », « pas possible, pas Steve Howe », « Downes, Palmer, non, non ! »… alors que là on ne découvre plus. On se demande simplement comment des désormais sexagénaires peuvent s'entêter à proposer la musique qui requiert pour le moins leurs talents de musiciens qui sont quand même – sans aucune exception – énormes.

Mais le mystère reste tout entier en 2012. C'est juste que… ma foi, là ils le font exprès, on les savait masochistes, là je soupçonne du sadisme. Bon, le bon docteur Outcast décèle quelques lueurs de regrets chez eux, quelques tendances à atténuer les souffrances, sans pour autant se décider à les faire cesser, comme ce glissement du mauvais goût 80s vers le presque aussi mauvais 90s, une période qui n'aura guère été plus glorieuse pour eux mais qui les aura marqués au point de nous proposer « Bury me in willow », « Faithful » ou « Face on the bridge » en 2012, Wetton, Howe et Palmer pouvant plaider moins coupables de Downes qui a tenu la bride du monstre asiatique durant l'absence des trois autres.

Vous aurez peut-être décelé une once de rancœur dans mes propos ? Vraiment ? J'aimerais bien les atténuer, en pointant du doigt la partie instrumentale de « No religion » (que les claviers presque Don Airey rendent plus sympathiquement désuet que franchement déplacé), en pointant du doigt que même sur « I know how you feel » on retrouve ce perfectionnisme sonore qui fait le seul intérêt de la formation, qu'à l'écoute de la partie instrumentale baroque de « Face on the bridge » on peut occasionnellement se surprendre à sourire nostalgiquement plus que grimacer, voire encore que « Ghost of a chance » fait preuve d'une certaine sobriété où l'on distinguerait une once de bon goût au milieu de cet océan de supplice sonore… Mais rien n'y fait, je persiste à ne rien comprendre au but d'Asia, ni encore moins à la motivation de ceux qui les soutiennent depuis 30 ans. Voilà, une de mes chroniques les plus virulentes, je me rends compte, certainement pas pour le plus mauvais groupe que j'ai chroniqué mais sans doute pour cette boule dans la gorge que j'ai depuis toujours de voir quatre des plus grands talents du Rock Progressif accaparés par ce projet qui les empêche de se livrer à ce que j'attends d'eux depuis XXX annis.

Le site : originalasia.com  + myspace.com/originalasia

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