B A R O N E S S
" Yellow And Green "

B A R O N E S S
Yellow And Green
Label : Relapse Records

Je pense que pas mal de personnes attendaient au tournant le troisième Baroness ; d'ailleurs, je ne m'exclurai pas du lot : parmi les représentants les plus emballants de leur scène, ils en étaient à leur logique mutation (si on les rapproche d'autres groupes comparables) d'un Sludge typique du Sud Américain à un Stoner plus Progressif. Mais là, les choses s'accélèrent dans le tournant… Pas mal de changements pour le groupe déjà, qui s'accorde une année de répit, et perd son bassiste. John Baizley saisit la 4-cordes et l'occasion pour composer un double-album, signe qui ne trompe pas.

Celui-ci n'est pas pour autant « ambitieux » : les titres sont courts, permettant à l'ensemble de ne guère dépasser l'heure et quart, et se présente sous forme de deux albums à écouter à la suite, dans le format des premiers, le « rouge » et le « bleu » : d'où le titre, « Yellow and Black » - pardon, « Green ». Prenons-les donc l'un après l'autre, d'autant plus que l'image globale de chacun diffère effectivement. Le « jaune » débute par deux titres très traditionnels pour Baroness et constituant justement leurs deux singles : « Take my bones away » et « March to the sea », et s'achève par « Eula », troisième single et morceau très planant… Pas qu'il y ait de ligne droite entre les deux, mais ils marquent bien les pôles entre lesquels voltigent les Géorgiens. Les mélodies se font Rock, les rythmiques presque Pop, et la lourdeur Sludge est, encore plus que pour l'album bleu, remplacée par une sensibilité très « ambiante » et un regard neuf posé sur l'instrumentation, ce qui nous donne des choses assez riches et fouillées comme « Little things » ou des ambiances très prenantes comme « Twinkler ». Aucun parti-pris ne domine, ce qui justifie peut-être ce choix de l'album double : pièces très vocales (« Twinkler »), instrumentales (« Little things »), rythmiques… les titres se suivent sans se ressembler, ne serait-ce cette couleur mélancolique qui domine même la rythmique massive d'un « Sea lungs » (où John, notons-le, s'en tire étonnamment bien avec la basse)…

Nous avons alors l'image d'un album pas forcément mature (cette impression de vague ne se dissipe pas…) mais du moins posé et réfléchi : on sent une sensibilité curieuse, des sens en éveil derrière chaque petit motif de guitare insidieusement lancinant, chaque bruitage caché, chaque ambiance savamment travaillée… Rien ne vient pourtant éclater musicalement (je ne pourrais pas citer de « morceau fort » ou « temps intense » du disque) mais, fût-ce indépendamment les uns des autres, les morceaux ont chacun un univers où transporter l'auditeur. Le disque « vert » vient présenter les choses d'une autre façon en enfilant des titres plus « décomposés » mais plus homogènes : l'accent est mis sur l'atmosphère et les climats instrumentaux, au détriment de la mélodie (à quelques exceptions près, « Board up the house » par exemple), sans se démarquer généralement du premier disque mais en adoptant une approche bien plus ambiante, à l'esprit Trip Hop et se rapprochant souvent d'une BO (genre « Collapse » ou bien le « Green theme »). Les mêmes éléments Pop Rock sont injectés mais totalement enveloppés dans ce cadre ambiant. Bref, le travail stylistique est cohérent et la recherche instrumentale acérée.

C'est donc une mue que le groupe entame d'une certaine manière. Enfin, je dis « entame » mais ce n'est que la suite logique de l'album bleu, il se trouve juste que Baroness a décidé de pousser les choses bien plus loin que prévu, en se lançant corps et âme dans ce qui pouvait jusqu'alors ne sembler qu'une couleur un peu plus planante venue recouvrir leur musique… La question est juste de savoir s'ils ont tenté une vraie expérience, sans trop savoir ce qui allait ressortir de ces deux disques, ou s'ils annoncent une suite déjà décidée dans un style parfois plus proche de Muse que du Metal… En fait, je préfère ne pas avoir la réponse : tant que le groupe pourra m'enchanter en dégainant l'air de rien un instrumental aussi fin et prenant que « Stretchmarker », j'achète avec le sourire.

Le site : baronessmusic.com  + myspace.com/YourBaroness

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