C I R C U S   M A X I M U S
" Nine "
C I R C U S   M A X I M U S
Nine
Frontiers Records

Le genre : cartons de troisième génération.

Si on considère que Dream Theater et Symphony X représentent les Pères Fondateurs du style « métal progressif » et que des groupes tels que les suédois d'Andromeda, par exemple, sont leurs fils spirituels, alors Circus Maximus appartient à la troisième génération. Celle qui, des sociologues vous l'expliqueront mieux que moi, a parfaitement intégré les traditions et pratiques ancestrales et qui, tout en s'acculturant, commence à s'affranchir de sa double appartenance comme de son désir mimétique et, peu à peu, devient capable de dépasser les codes de sa propre condition afin de la renouveler (cf. Riverside et Seventh Wonder). Si c'est pas une entrée en matière de haut niveau, ça…

En m'aventurant sur la pente savonneuse des comparaisons et de la recherche des influences… Mettons que l'énergie et la technique de Dream Theater rencontrent le meilleur des mélodies de Vanden Plas et Shadow Gallery, tout en empruntant des trucs (acoustiques entre autres) aux Flower Kings et des intonations à Europe. P***** de mélange ! Et qui fonctionne, dans le registre couillu direct ( Namaste , Used ) comme au long de plages progressives, riches de nombreux mouvements et jamais lassantes ( Architect Of Fortune , Burn After Reading , Last Goodbye dont on ne voit pas défiler les 10mn).

Je ne m'étendrai ni sur le titre ni sur la pochette. Cette dernière présente une sobriété dans la déconstruction très up to date . Quant à Nine, vous renseigner sur le choix d'un tel titre je ne peux (tiens, voilà que j'écris comme Maître Yoda, c'est sûr d'un haut niveau cette chronique est…). En effet, numériquement parlant, le troisième effort de Circus Maximus comporte dix pistes dont aucune ne se nomme Nine. Pô grave, j'ai pas dû être suffisamment attentif aux paroles…

Les norvégiens ont pris leur temps pour sortir cette troisième galette, qui succède vaillament à l'excellent concept album Isolate, salué en 2007 comme un travail abouti par le public et la critique. Circus Maximus, au contraire de l'amibe (qui préfère l'homéostasie à la prise de risque) a su évoluer. Bien leur a pris de peaufiner leur disque car il évite le piège de la redite et présente une réelle évolution (je n'ai pas écrit changement) de leur musique. Toujours technique, elle apparaît cependant plus directe et mélodique (plus évidente ?), témoignant d'une plus grande facilité d'écriture, d'une plus grande aisance d'interprétation. Moins démonstrative, (en apparence) plus simple, à la fois riche et accessible, le qualificatif « mature » n'est ici pas usurpé, même si écrire cela d'un troisième album s'apparente à une tarte à la crème journalistique. Il est notable, alors que leurs aînés (Dream Theater et Symphony X en tête) n'ont de cesse avec le temps de durcir leur propos, que la relève nordique privilégie à ce point l'accessibilité en misant ainsi sur les mélodies et les ambiances…

Certainement nourris par leurs diverses expériences hors du groupe, les membres de Circus Maximus se retrouvent autour de compositions qui mettent en valeur leurs qualités d'interprètes sans rien concéder pour autant à la musicalité du projet. Les égos semblent rester au vestiaire, au profit de l'accomplissement cohérent de l'œuvre commune. Il est ainsi remarquable que le chanteur, Michael Eriksen, sans rien avoir perdu en charisme, en « fasse moins » dans le démonstratif (moins haut, moins devant) et que l'ensemble soit au final plus accrocheur et addictif que son prédécesseur. Je vais oser un truc (si, si…) : ce type atteint le niveau de ce qu'offrait Geoff Tate à la grande époque (Mindcrime, Empire) : tout en nuances et en expressivité, jamais forcé, sachant jouer sur la retenue et lâcher intelligemment « la » note appropriée au moment opportun. Sa récente incursion en solo dans la sphère AOR (The Magnificent) a-t-elle influencé sa façon de chanter sur Nine ? Toujours est-il qu'on y trouvera aussi des intonations à la Joey Tempest, du meilleur effet. Avec un tel bilan, pas étonnant donc qu'Arjen Lucassen ( aka The Flying Dutchman) s'intéresse sérieusement à lui pour le casting du prochain Ayreon !

Qu'écrire à propos des guitares de Mats Haugen (le principal compositeur) ? Sinon que ses interventions lead valent les toutes meilleures du genre, optant toujours, à l'instar d'un Thomas Youngblood (Kamelot), d'un Kiko Loureiro (Angra et solo) ou d'un Joe Satriani, en faveur du trait mélodique plutôt que de la branlette de manche. Ses rythmiques, tantôt prog' rock, tantôt furieusement syncopées, ne sont pas en reste. La complémentarité (et non la lutte d'influence) entre guitares et claviers est remarquable de maîtrise et d'équilibre. Mention spéciale pour les sons et arrangements de claviers classieux de Lasse Finbraten. La section rythmique (Truls Haugen et Glen Mollen), comme souvent au sein de ce genre de groupe, est monumentale : elle porte et dynamise l'ensemble sans l'écraser. Pour couronner le tout (cela s'imposait vu le niveau), Mats Haugen signe une production top moumoutte, digne des plus grands et taillée pour durer. Qu'écrire sinon « réussite totale » ?

Les titres à retenir : tout est très bon et j'ai déjà cité les cartons. Je ne saurais me prononcer pour l'un plus que l'autre, tant leurs ambiances sont distinctes tout en se complétant. J'ai peut-être un faible pour Namaste qui dépote sévère. Sachant que Used et son riff principal avec des réminiscences survitaminées du Gates of Babylon de Rainbow me met sur le cul (c'te gratte !) et que Burn After Reading comme Last Goodbye recèlent des trésors de variations rythmiques, mélodiques et émotionnelles. Mouais, j'les ai juste re-cités…

En conclusion : j'avais aimé Isolate mais avec ce disque, Circus Maximus intègre directement le Top de mes groupes favoris ! Il prouve surtout, avec son troisième album, qu'il est un groupe surdoué, capable de mettre une (énorme) technicité au service de la musicalité. Gardant le meilleur de ses pères et grands frères, il propose intelligemment toujours plus de mélodie, en sachant préserver l'intérêt de l'auditeur grâce à de savantes variations (et non cassures, nuance) rythmiques. Enlevée et jamais pesante, énergique sans agresser, sensible sans mièvrerie, furieusement mélodique, la musique des norvégiens est jouissive. Un concentré de métal progressif savamment mâtiné de heavy rock, avec ce petit ingrédient supplémentaire rien qu'à eux : une recette miracle, comme celles de nos grands mères, dont on taira le secret… simplement parce qu'on ne le possède pas !

P.S.1 Ca ne m'arrive pas tant que ça de n'écrire que du bien mais, franchement, sur quoi pouvais-je ronchonner ? Même pas la durée de l'album, puisqu'il suffit de se le remettre pour apprécier de nouvelles subtilités !

P.S.2 Si vous n'avez pas encore compris (c'est que vous ne faites pas beaucoup d'efforts, non plus !) Nine est sans aucun doute l'un des disques de l'année 2012.

Le site : www.circusmaximussite.com

Bouteil Bout

 
 
 
 
Ultrarock : 13 av Charles de Gaulle, escalier D, 78230 Le Pecq, France  

© essgraphics 2011