J O R N
" Bring Heavy Rock To The Land "
J O R N
Bring Heavy Rock To The Land
Frontiers Records

(Longtemps) après avoir émulé Coverdale auprès des anciens membres (c'est le cas de l'écrire) du Whitesnake période bleue (the Snakes drivés par la paire Moody/Marsden), Jorn Lande a (définitivement ?) pris le parti d'occuper la place laissée vacante par le regretté Ronnie James Dio. Au-delà de l'album hommage sorti en 2010, beaucoup ici évoque les mânes de la grande voix du plus petit des grands héros du heavy métal (mais non, pas SamSam !) à tel point qu'on croit parfois entendre Tony Iommi à la gratte (des resucées de ses riffs en tout cas, c'est certain, comme dans le titre éponyme invoquant le fantôme d' Iron Man ) ou reconnaître Ritchie Blackmore au détour d'une rythmique ou d'un trait lead ( Chains Around You fleure l'Arc-en-ciel à plein nez, bizarrement période J.L. Turner). Bref, c'est au côté sombre du sieur Lande que nous avons affaire en 2012. Point d'envolée prog métal ni de hard bluesy ; c'est le Jorn lourd qui s'exprime dans ce Bring Heavy Rock To The Land. Sans surprise, d'ailleurs, puisque c'est écrit dessus (comme le Port Salut).

Efficace et parfaitement exécutée (ses acolytes ne sont pas des manches et ça joue sévère), la musique de Jorn Lande fait toujours mouche et ce, malgré l'accumulation parfois lassante de clichés textuels, vocaux et instrumentaux (cf. le titre éponyme, encore). J'ai écrit plusieurs fois que ce (très) grand chanteur brillait plus à son avantage sous les feux d'une rampe allumée par un compositeur/coach (Tore Ostby, Roland Grapow, Tobias Sammet ou Magnus Karlsson, excusez du peu : jolie brochette) le déchargeant d'une partie au moins de l'écriture afin qu'il puisse tout donner là où il excelle : l'interprétation. Cet album ne me fait (malheureusement) pas mentir et confirme mes appréhensions concernant l'évolution artistique d'une carrière solo qui ne fait pas honneur aux nombreuses collaborations réussies du début des années 2000 (Ark et le premier Masterplan en tête).

Force est de constater que Jorn ne fait ici ni dans la dentelle, ni dans la demi-mesure… Ni dans la nuance, ni dans le second degré non plus, d'ailleurs. De là à qualifier sa musique de « basse-du-front », il n'y a qu'un pas que je vais (malheureusement) franchir. Car, je dois le reconnaître malgré mon grand intérêt pour cet artiste, les choix artistiques de Jorn Lande me paraissent à la fois de plus en plus suspects et de moins en moins judicieux. En matière de composition et d'interprétation, on n'est plus, comme je l'ai souvent écrit, dans la citation d'influences et la filiation mais plutôt la décalcomanie. En clair, ça pompe comme un Shadock ! (voir les exemples cités plus haut). Autre reproche : Jorn continue à employer des méthodes coverdaliennes énervantes, telles la ballade pouf-pouf ( Black Morning ), le recyclage dispensable : Time To Be King (du dernier album éponyme de Masterplan). Féru de covers , il ajoute même (l'animal !) la reprise toute aussi dispensable (tant elle colle à l'original sans autre apport que de beuglerie) du Ride Like The Wind de Christopher Cross, composition pourtant propice à une interprétation « métal ».

L'âge venant, si le coffre est toujours là (il aurait même tendance à augmenter, rapport à l'estomac), les aigus deviennent plus difficiles à décrocher. Et la voix du norvégien s'est passablement éraillée (on ne dira jamais assez aux vikings les néfastes effets de la bière aux cailloux). Dommage que Lande n'ait pas la pertinence (ni peut-être les conseils éclairés d'un producteur) de la moduler afin de l'adoucir. Du coup (de massue), alors qu'une des constantes de Jorn était, en plus de sa puissance, de ne jamais sembler forcer, ici, ça pousse dur (« aïe, aïe, aïe… Préparation h® ») et son organe évoque plus souvent un vieux sorcier fâché qu'un héros nordique. Dommage encore. Lande n'a pourtant pas besoin d'éructer pour donner à entendre la puissance de son timbre initialement chaud. Qu'est-il donc arrivé avec l'âge à cette génération de vocalistes pourtant prometteurs, voire carrément excellents ? L'abus de testostérone et de démonstration de force serait donc dangereux pour la musicalité, au moins autant que celui de créatine pour la virilité (l'effet caricature). Il n'est que d'écouter les dernières offrandes de James LaBrie (Dream Theater) et Russell Allen (Symphony X). Lui aussi bedonnant et frappé de calvitie, Jorn aspirerait-il à rejoindre le club des vieilles peaux criardes ? Je sais, c'est vilain, mais comme le veut l'adage : « qui aime bien châtie bien ».

Les titres à retenir : Bring Heavy Rock To The Land (si on dépasse le texte et les poses risibles, musicalement, ça le fait), A Thousand Cuts (c'est lourd mais c'est bon), Chains Around You (ben c'est vrai qu'il n'y a pas que Blackmore et Dio qui savent jouer du Rainbow…).

En conclusion, si je continue à apprécier sa musique, je ne puis que critiquer négativement l'orientation artistique « petite bite » de la carrière solo d'un tel monstre vocal ! Concernant cette production annuelle… Je remarque qu'à livrer si fréquemment, il n'est finalement pas étonnant que, la qualité le cédant à la quantité, l'ensemble s'avère moins « grand teint » qu'en demi-teinte. Rien que cette habituelle impression de trouver « à boire et à manger » dans la track list suffit à me fâcher suffisamment pour que j'aie envie de dire du mal. Quand on ajoute à ça (nan… pas le bruit et l'odeur !) l'abus de clichés « métaââl » et le gâchis du timbre, ben… On retourne savourer intégralement Burn The Sun et Masterplan plus quelques pépites piochées dans les séries des Allen/Lande et des Avantasia !

P.S. J'ai déjà parlé de la pochette ? Non, ben voyez par vous-même : là, je baisse les bras…

Le site. www.jornlande.com + www.myspace.com/realjorn

Bouteil Bout

 

Le line up  :

Jorn Lande: Chant

Tore Moren: Guitare

Trond Holter: Guitare

Nic Angileri: Basse

Willy Bendiksen: Batterie

 



 
 
 
 
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