N O  Q U A R T E R
" An All-star Tribute to Led Zeppelin "



N O   Q U A R T E R
An All-star Tribute to Led Zeppelin
Label : Mausoleum records

Le genre : chante avec les stars !

Déjà responsables de plusieurs tributes , six producteurs (pas moins) s'associent pour 1/ faire revivre, 2/ ériger une statue à, 3/ gagner quelques sous avec (réponse au choix du lecteur) Led Zeppelin. Des noms, des noms ! Du beau linge, messieurs dames : Fred Coury (batteur de Cinderella), Bob Kulick (collaborateur de plein de trucs), Pat Travers, Billy Sherwood (Yes) plus deux autres. L'idée est donc à la fois simple et éminemment risquée : faire enregistrer à des pointures du milieu (de la musique, hein…) des standards du dirigeable.

Sans entrer dans l'analyse musicologique, rappelons que Led Zeppelin, le groupe formé en 68 par Jimmy Page, alors en rupture de Yardbirds, est juste au hard rock ce que les Beatles sont à la pop et les Stones au rock : à la fois ceux qui popularisèrent le style, qui passèrent à la postérité comme ses fondateurs et furent désignés « plus grand groupe de rock de tous les temps ». une paille, en somme !

Autant dire que les hommages rendus à ce groupe légendaire, qui fascine encore aujourd'hui ses contemporains comme les plus jeunes auditeurs, sont légions. D'abord, tout groupe de hard rock débutant s'est un jour ou l'autre (cassé) fait les dents sur Black Dog , Whole Lotta Love ou Rock And Roll  ! Ensuite, de l'album de reprises scolaires au pastiche (Dread Zeppelin), en passant par des versions symphoniques ou salsa, tout ou presque a déjà été tenté en matière de resucée de titres inusables autant qu'imprenables, telles les forteresses proustiennes qu'ils représentent dans l'inconscient collectif des hardos du monde entier (touche pas à ma madeleine !).

Alors, ce No Quarter, info ou intox ? Ça passe ou ça casse ? Un indice : à ne pas confondre avec l'excellentissime album d'auto-reprise de Page et Plant en 1994…

Pour une fois, en raison de la nature même de ce disque, je vous livre une chro. titre à titre.

1/ Good Times, Bad Times avec Brian Robertson (Thin Lizzy) à la gratte. Dès les premiers vers : aïe, aïe, aïe la voix ! Comme le dit un de mes stagiaires : « une voix qui pique le cul »…*

2/ Babe, I'm Gonna Leave You avec Joe Lynn Turner. Là, avec un vrai chanteur, ça le fait. Et pourtant, c'est pas le titre le plus facile à reprendre, vue la dose émotionnelle injectée en 68 par le jeune Robert qui explosait littéralement au micro du Zep sur cette reprise de Joan Baez (un de mes titres préférés).

3/ Dazed And Confused . Là, c'est Jack (Daniels ?) Russell qui s'y colle, en fin connaisseur, tant on sait l'influence du Zep sur l'ex-chanteur de Great White. Très honorable travail de moine copiste. En grand fan, Russell se la joue « gardien du temple », n'écornant pas le mythe mais n'apportant rien non plus.

4/ Heartbreaker avec Steve Morse (Dixie Dreggs, S. M. Band, Deep Purple) à la gratte. Evidement, la guitare est parfaite, tout en conservant sa signature. Mais c'te voix ! C'est qui le matou écorché, là ?* Non mais quand on a des velléités de réinterprétation d'un mythe, on se donne les moyens ! Franchement, ça pète tout et les envolées solistes de Morse sur le break n'y peuvent rien. Un vrai massacre vocal. Ma prescription : préparation h® !

5/ You Shook Me avec Jimmy Hall (Wet Willie) au chant. Ouais, bof. R.A.S.

6/ Immigrant Song avec Manny Charlton (Nazareth) à la guitare. Quelqu'un pourrait soigner le chat*, S.V.P ? Et puis c'est quoi ces barils de lessive ? D'accord, c'est coton de faire oublier Bonzo mais de là à le remplacer par un sample de la boîte à rythme de Miami Vice…

7/ Rock And Roll avec Steve Lukather à la guitare. Tue le chat*…! Pas aidée, la lead pourtant impeccable de Mr. Toto…

8/ Stairway To Heaven avec Dweezil Zappa à la guitare. Bon, déjà, ils ont osé… Puis ils en ont dégoté un qui les avait suffisamment bien accrochées pour s'y coller. Et finalement, ils accouchent d'un truc sagement conforme à l'original (par nature indépassable), auquel il ne fait ni honte ni (évidemment) d'ombre. Le chant est correct, sauf sur la coda (trop dure !).

9/ When The Levee Breaks avec Arthimus Pyle (Lynyrd Skynyrd) à la batterie. Un de mes titres préférés de Led Zeppelin. L'ambiance originale est retrouvée, la voix correcte. Mais, comme d'habitude, à ne point s'éloigner du modèle, on souffre de la comparaison. Qui a dit « à vaincre sans péril on triomphe sans gloire » ?

10/ All My Love avec Walter Stout à la guitare. Ah ! Led Zep sans Jimmy Page (parti suivre son héroïne). All My Love était une sorte de single de Plant, annonciateur de sa carrière solo (très dans le style de Pictures at Eleven). Qu'écrire sinon que le boulot de gratte n'est pas ici le plus important ? Et la voix ? Ma foi, pas mal car point trop poussée.

11/ The Ocean avec Jani Lane (Warrant) au micro et Tom Keifer (Cinderella) à la gratte. Un titre moins exposé avec un vrai chanteur : bonne (pêche) pioche ! Avec en plus une petite originalité choriste.

12/ Whole Lotta Love par Pat Travers (voix et guitare). Le guitariste-vocaliste-producteur se sort honorablement de ce piège archi-connu en posant sa patte guitaristique et des vocaux pas prétentieux pour un sou. Comme quoi, profil bas, parfois...

13/ Dancin' Days avec Kelly Hansen (Foreigner) au micro et Tom Keifer (Cinderella) à la guitare. Efficacement épaulé par Keifer, Hansen se glisse bien dans les pantoufles de Plant, sans trop l'imiter : ça passe.

14/ Ramble On par Rick Derringer (voix et guitare). Excellente reprise par un grand artiste. Proche de l'original, ce titre-là mérite le nom de «  tribute  ».

15/ Houses of the Holy par Pat Travers (voix et guitare). Moins bien balancée que l'originale mais bien rythmée quand même. O.K.

En conclusion. Ce truc était un projet des plus casse-gueule, tant reprendre un tel monument du rock relève de la gageure artistique. Les versions originales étant inattaquables en l'état, il fallait innover. A défaut de proposer son grain de folie personnel ou un total contre-pied, tout artiste peinerait à sortir de la majestueuse ombre portée du dirigeable plombé. Et donc, presque tous les titres de cet album souffrent d'une espèce de « syndrome de Stockholm » musical. Restent quelques chansons sauvées des eaux par de grands artistes (Lane, Keifer, Travers, Derringer). Au final, on s'aperçoit surtout que sans les envolées à la fois puissantes et sensibles du lion Plant… et ben on n'a pas Led Zeppelin ! Pire : qu'on peine à dépasser ses performances (datant de 40 ans tout de même) sur toutes ces reprises. Bel hommage (involontaire) !

P.S. Pour Plant : « dur-dur d'être un pépé » ? Ben non, lui l'a bien compris, qui fait aujourd'hui autre chose de sa voix, auprès de jeunes talents ou en revenant à ses premières amours countrysantes.

Bouteil Bout

* Michaël White, chanteur américain qui joua en 1976 au sein de The Boyz avec George Lynch et Mick Brown (futurs Dokken), faillit être le premier hurleur de Mötley Crüe puis, las d'essuyer refus sur refus auprès des maisons de disques de L. A. en raison de ses similitudes vocales avec Plant et stylistiques avec Led Zepellin, finit par fonder en 79 The White, tribute band du Zep, bientôt homologué par Page et Plant (dixit son site Internet). Il paraît qu'il faisait ça très bien… Manifestement, à l'écoute de ce disque, son organe a morflé. Que voulez-vous, ma brave dame, tout le monde n'est pas Glenn Hughes…

 



 
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