U N I S O N I C
" Unisonic "






UNISONIC
Unisonic
 

Le genre : enfin !

Unisonic est le projet-dont-on-ne-finit-plus-de-parler de Michael « Jenechanteraiplusdemétal » Kiske. Germé de Place Vendôme, sa collaboration (une de plus) AOR avec le talentueux producteur Dennis Ward (Pink Cream 69, DC Cooper, Angra, Khymera, Silent Force, Primal Fear, Axxis, Adagio) pour le label Frontiers (pépinière à come-back), le groupe est une affaire de famille recomposée. Jugez vous-même du niveau des participants : outre Michael au micro et Dennis à la basse, on retrouve Kosta Zafiriou (PC69) à la batterie et Mandy Meyer (ex-Asia, Gotthard et Krokus) à la guitare. Il semble que ce casting de rêve soit réellement devenu un ( super , c'est le terme convenu) groupe lorsque la fine équipe fut rejointe en 2011 par Kai Hansen, ex-mastermind d'Helloween, Gamma Ray et, plus prosaïquement, inventeur du métal (cf l'itw. des deux duettistes en goguette, divinement retranscrite par Lulu pour Ultrarock).

Donc O.U.I., il s'agit des retrouvailles tant attendues par les fans (dont certains, à force d'attente, commencent sérieusement à perdre leur tignasse de headbangers , comme M.K.) des deux piliers d'Helloween, ces teutons qui, au milieu des 80's, firent trembler une Vierge de Fer pourtant confortablement installée sur son trône de métal. Souvenons-nous à cette occasion que ces petits ( Heavy Metal Hamsters ) joviaux renouvelèrent allègrement le genre en créant un style, souvent qualifié de « happy métal » : le power speed mélodique. C'est ainsi, qu'avec un Blind Guardian, Helloween servit de locomotive aux Angra, Hammerfall (désolé !), Stratovarius, Sonata Arctica et consorts. Les deux ex-citrouilles ne s'étaient de fait jamais brouillées (ben non, c'est pour les œufs) ni perdues de vue (ça c'est pour Jacques Pradel) et après plusieurs « coups », souvent dus aux talents d'entremetteuse de Tobias Sammet, ils osèrent enfin sauter le pas des retrouvailles groupales après la dernière tournée d'Avantasia. Restait l'épineuse question « on va chez toi ou on va chez moi ? », que le duo a (heureusement) tranchée en préférant ajouter un soliste compositeur à Unisonic plutôt qu'un chanteur à Gamma Ray. Résultat ? Unisonic était déjà attendu au tournant en qualité de « supergroupe », comme l'écrin offert au retour métallique du joyau vocal Kiske, c'est à présent leurs fan-bases plus les nostalgiques du « vrai » Helloween qui piaffent d'impatience ! Ca fait du monde… Alors quoi ?

Bah… Pour être honnête, ça paraîtra un peu mou du genou à qui attendait les papas du happy métal (ou les papy de l'appât métal, c'est au choix) dans le registre puissant qu'ils ont contribué à créer. Ceci écrit, la volonté affichée de Kiske est de jouer du rock, certes dur mais pas véritablement du métal (cf. l'itw). On navigue donc stylistiquement entre un AOR pêchu (à la Place Vendôme, assez sucré en fait) et un heavy hymnique mais pas speed. Pas de rythme effréné à la double au programme donc mais du bon hard'N'heavy, très mélodique avec des refrains qui font mouche d'un bout (Bouteil) à l'autre, joué par une dream team en grande forme. Foin d'Helloween donc. Unisonic, en dépit de qualités réelles, n'en est même pas loin. Car malheureusement, ce qui frappe à l'écoute de l'album, c'est sa relative linéarité de composition, sa musique un poil datée aussi ( Over the Rainbow ). En ce sens, le maxi Ignition se révèle peu représentatif de la livraison finale. Kiske a beau illuminer toutes les chansons de son bel organe mature, les guitares de Hansen et Meyer croiser riffs et solos, Ward et Zafiriou constituer une section rythmique en béton, ça ne suffit pas. Non que l'affaire soit un pétard mouillé mais Ignition n'allumait pas le grandiose feu d'artifice espéré…

Force est de reconnaître que Kiske reste une des plus belles voix du métal et qu'Hansen, outre qu'il instille du heavy dans tout ça, n'a rien perdu de sa science du riff ni de son art des traits mélodiques. Ward est décidément un excellent producteur (il a intelligemment su éviter les tics du power, double grosse caisse à gogo et chœurs pompeux). Bref, ça le fait. On appréciera de retrouver de ci de là les références pop/rock de Kiske ( I've Tried et ses accents U2, Never Too Late et sa rythmique punk rock) et de le suivre du grave à l'aigu ( My Sanctuary , belle tessiture, n'est-ce pas ?). Mais, si ça doit forcément déménager sur scène (à ne pas rater au Hellfest), si certains titres sont très réussis (comme la ballade finale No One Ever Sees Me entièrement pondue par Kiske, même si elle rebutera les amateurs d'extrême métal, tant son tempo ferait passer Still Loving You pour un uppercut hardcore !) voire carrément imparables (l'hymne Unisonic ), l'album est en demi-teinte. Entre ombre et lumière alors ? Plutôt entre plaisir et déception. On reste en fait sur sa faim. Car malgré un allumage classieux, Unisonic décolle plus comme Ariane à Kourou que comme Apollo à Cap Canaveral. En effet, King for a Day , Souls Alive , Over The Rainbow ou Never Too Late sont emprunts d'un classicisme qui finit par peser. Tout est pourtant (très) bien joué et on peut entendre la conviction des musiciens mais le rendu reste fadasse. Car c'est le côté AOR du groupe qui l'emporte, ce que ne laissait pas forcément augurer le maxi. Star Rider ou Never Change Me , composés respectivement par Ward et Hansen, offrent des refrains accrocheurs (Ward et Hansen ont composé la majorité des titres où prédomine le mid-tempo). Souls Alive et My Sanctuary penchent, comme le single, vers le power, alors que King for a Day lorgne plutôt vers un heavy à la DIO. On remarquera le travail (c'est une manie ?) de recyclage d'Hansen, qui s'y entend pour manier la citation classique (quand il ne reprend pas carrément du Gamma Ray). Pour exemple (liste non exhaustive), les amateurs d'UFO reconnaîtront dans le solo de (l'excellent) We Rise quelques saillies bien influencées par Rock Bottom , quand ceux de Scorpions retrouveront (presque note pour note) une des phrases-clefs de la lead de Still Loving You dans le solo d' Over The Rainbow . Au-delà de ce recyclage/joke, il faut saluer l'impressionnant travail sur les riffs et soli des deux gratteux, qui offrent à leurs auditeurs un véritable festival : on entend leur plaisir et, encore une fois, ça devrait le faire sur scène !

Donc je n'écris pas qu'il y a du remplissage dans cet album… D'abord parce que remplir de la sorte, pour bon nombre de groupes, ça serait déjà graver des tubes ! Restent quelques morceaux un cran en-dessous. Allez, tenez, je tente la « chro-percentile » à 60% « cartons » et 40% « bof ». Si vous aimez le bon gros rock qui tache (un peu mais pas trop quand même) mâtiné de pop (plus sucrée que fraîche), ce truc est pour vous. Mais si vous attendiez le (véritable) Keeper III, passez votre chemin ! De fait, si (comme moi mais je me répète, non ?), vous appréciez Kiske (ou simplement les grands chanteurs), vous aimerez Unisonic. Moins power-tubesque que son escapade avec Amanda Sommerville (nan, pas la mère de Jimmy) mais finalement assez proche des tendances artistiques développées en solo par Kiske, Unisonic est un disque à écouter, qui s'apprécie dans la répétition. Je n'ai pas écrit qu'il vous a à l'usure mais qu'il est judicieusement arrangé, nuance !

Au-delà de l'album, la musique demeure (heureusement parfois) une activité artistique humaine et lorsqu'on a eu, comme nous, le privilège de converser un poil (de cul… j'te jure, patron, j'suis obligé : y a plus rien sur sa tête à Michael) avec les deux lascars, on n'écoute plus leur production comme avant. Leur accessibilité, leur bonhomie, leur gentillesse et leur goût prononcé pour la déconne (forcément hénaurme, à l'alleuhmande !) emporteraient l'adhésion du plus grincheux des chroniqueurs fatigués. Bon et puis il y a la voix de Kiske mais, décidément, je me répète, là…

Les titres à retenir : Souls Alive , I've Tried (ce groove !) sont de bons moments. Never Too Late, Unisonic et My Sanctuary sont très efficaces. We Rise est un régal mélodique (les lignes de chant, comme disait Gainsbarre « sont pas dégeu »), surtout quand les zicos lâchent du solo en mode « roue libre ». La « ballade à Michael » No One Ever Sees Me est, quant à elle, une sucrerie qu'on ne se refuse pas (même quand, comme votre serviteur, on préfère le salé).

En conclusion, il faudrait toujours se méfier des super groupes autoproclamés ( remember Symfonia…) qui traînent souvent leur lot de désillusions (à la hauteur de nos utopiques attentes). Unisonic évite de justesse la relégation dans cette piteuse catégorie, sans pour autant convaincre réellement. Si j'aurais préféré un résultat plus heavy et des compos plus audacieuses, j'apprécie pourtant l'écoute de ce bon album de power metal, réalisé avec savoir-faire par des musiciens visiblement convaincus (donc convainquants) de poursuivre une démarche artistique authentique et cohérente avec leurs racines. Après tout, Hansen a contribué à renouveler un genre et Kiske est (avec Geoff Tate) l'une des plus belles voix ayant émergé du heavy metal des 80's. Saluons ici l'efficacité de leur musique, leur souci de la mélodie et une saine application (reconnaissons cette jolie constance à M.K.) à ne pas tomber dans la chausse-trappe du revival stérile. Foin donc ici de Keeper III ni de déluge de double-pédale adolescente. Qu'on se le dise (comme Kiske le martèle) : Unisonic est un groupe de rock. Fort, certes, mais mature. Qui a dit assagi ? Probablement plus convaincant sur scène (récemment en Amérique du Sud avec Gotthard, ça devait envoyer !) où leur énergie communicative et la joie du public de savourer à nouveau la belle entente Kiske/Hansen compensent probablement la relative déception due à un premier album trop « petite bite ». Bref (c'est lui), un coup d'essai qui attend sa transformation, comme on dit en terre d'Ovalie.

P.S.1. Pour paraphraser le grand Jacques, un petit aphorisme concernant l'album comme l'humour des deux guignolos : « beau et con à la fois ».

P.S.2. Rappelons qu'après s'être inventé lui-même (et juste avant d'inventer Michael Kiske), Kai Hansen fut l'inventeur de l'humour con…

P.S.3. Un groupe de rock réussissant à faire un tube ( Unisonic , le morceau) dont le couplet reprend l'air de « t'as le ticket chic, t'as le ticket choc », pour les ex-teens des années 80, forcément, c'est des boute-en-train doublés d'historiens de la culture (ferroviaire) !

Le site : www.michael-kiske.de + www.myspace.com/unisonic

Bouteil Bout




 
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