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PEARL JAM Gigaton

Fin mars 2020, la moitié des humains occupant notre belle planète est, à cet instant et on ne sait pas pour combien de temps, confinée. Un contexte mondial inédit provoqué par monsieur Covid 19 qui enlève des vies, terrorise les peuples et, paradoxalement, met en exergue la bonté et la solidarité des hommes et des femmes pour l’Homme et aussi la triste impuissance des soi-disant Tout-puissants qui, au nom de pseudo démocraties, disaient savoir.

Gigaton, onzième album de Pearl Jam, sort dans ce contexte comme une prophétie tant les thèmes abordés par Eddie Vedder mettent en relief les incohérences, les incompétences et les négligences d’un monde qui va droit dans le mur depuis des décennies, au nom de l’argent, de la consommation et du développement à outrance. Un monde qui s’effondre sous nos yeux, un mal pour un bien, on l’espère, pour un éveil, une vraie prise de conscience, un monde équilibré qui prend soin de sa maison, de son hôte, la terre, où chaque être a sa place et, surtout, sa juste place. Alors, dans cette période troublée, qu’en est-il du successeur de Lightning Bolt, sorti en 2013 ?

Pearl Jam fait partie de la culture Grunge qui a vu le jour au début des années 90 avec, entre autres, Nirvana, Soundgarden, et Alice In Chains, pour les groupes les plus connus. Un mouvement plus qu’un son, au final, qui n’a que pour point commun une mélancolie hargneuse et saturée. Un tournant dans l’industrie de la musique qui a participé à l’effondrement, déjà, de la culture eighties délicieusement insouciante. Les gars de Seattle, menés par le charismatique et engagé Eddie Vedder, sortent des albums depuis trente ans et tournent beaucoup, pour le plus grand plaisir de leurs fans qui ont droit, quasi tout le temps, à des concerts qui approchent ou dépassent les trois heures de performance. Ten et Vs, les deux premiers albums cultes, restent aujourd’hui des références. On sent, à l’arrivée de Vitalogy, troisième opus, un changement radical, marqué par la forte mais respectueuse personnalité du chanteur. S’en suit alors une série d’albums tous très intéressants avec tous des titres forts mais, il est vrai, un peu inégaux et un peu moins rugueux dans le son.

27 mars 2020, Gigaton arrive, l’album cohérent de bout en bout, l’album à la fois rassurant et suffisamment novateur, l’album qui évoque le pessimisme décrit plus haut, associé à une mélancolie qui invite paradoxalement à la joie, à la naissance d’un monde meilleur. La voix de Vedder est toujours aussi magnifique, tour à tour douce et énervée. Son empreinte si significative est moins prégnante. Gigaton est un album de groupe où on se surprend à ne pas se focaliser que sur sa voix, tant l’investissement et la présence de Gossard, Ament, Cameron et Mc Cready est fort. Gigaton est un condensé des trente années de carrière avec la cohérence des deux premiers albums.

Gigaton ne comporte pas de titre phare, même si les quatre premiers morceaux touchent la perfection. Il s’écoute dans son intégralité grâce à sa diversité cohérente où tous les univers développés par le groupe depuis toutes ces années se marient à merveille grâce à la sublime production de Josh Evan, qui a également produit King Animal de feu Soundgarden. Des ambiances typées Pearl Jam mais aussi des surprises avec des sonorités électro eighties sur “Dance of the clairvoyants”, titre déroutant aux premières écoutes, ou aussi l’hommage à peine dissimulé à Soundgarden et à son chanteur, Chris Cornell, sur “Take the long way”. L’interprétation et l’engagement des membres du groupe va bien au-delà du fait de faire un autre album. Il n’y a juste qu’à tendre l’oreille sur les parties de basse d’Ament, les arrangements tout en finesse de Mc Cready, la précision rythmique de Gossard et la technique de Cameron, pour s’en rendre compte.

Comme quoi il est bon d’être patient, de laisser, de se laisser, le temps de faire les choses pour bien les faire. A l’ère du tout numérique en musique ou presque partout ailleurs, à l’ère où l’on décide et agit avant de réfléchir, à l’ère où l’on épuise la planète au profit du plus petit nombre, Gigaton fait du bien. Espérons que ce rayon de lumière soit le premier d’une longue série. Prenez soin de vous, des vôtres et des autres.

Le site : https://pearljam.com/

Vic de Sable

01. Who Ever Said
02. Superblood Wolfmoon
03. Dance Of The Clairvoyants
04. Quick Escape
05. Alright
06. Seven O’Clock
07. Never Destination
08. Take The Long Way
09. Buckle Up
10. Come Then Goes
11. Retrograde
12. River Cross


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