ALICE COOPER Detroit Stories

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Le point de vue de Lily :

Comment donner le ton d'un album fleurant bon les embruns 70s ? Alice Cooper répond à la question en proposant d'entrée de jeu le titre « Rock'n'roll » qui n'est autre qu'une reprise de The Velvet Underground/Lou Reed. Nous sommes loin du shock rock, du glam, et ça s'annonce extrêmement prometteur.

Avec une impatience non dissimulée, je presse la détente en appuyant sur le bouton de la chanson suivante, intitulée « Go Man Go » et la première chose à laquelle je pense c'est « mais c'est du punk » ! Ce punk'n'roll comme on aime qui rappelle The Stooges ou même, quelques années plus tard, The Runaways, un son comme on n'en fait plus et qu'on n'entend plus également.

« Our Love Will Change The World » me plonge dans une ambiance hippie, je me vois les cheveux aux vents, des caravanes peintes avec des fleurs et des signes peace & love. Un vrai voyage dans le temps, j'ai l'impression de vivre une époque que je n'ai, au final, jamais eu la chance de connaître et qui me semble pourtant si familière. Le ton léger de la chanson en général me rappelle des moments d'insouciance, un peu oubliés ces derniers temps et met du baume au cœur.

« Social Debris », est le premier single de l'album « Detroit Stories », catchy à souhait, ressemblant davantage aux chansons à succès qu'on connaît d'Alice et qui relate les difficultés que celui-ci a eues à faire accepter sa musique et son personnage à de nombreuses reprises et de nombreux endroits. Visionnaire cependant, Vincent Furnier ne baissa pas les bras et réussit à s'imposer, n'écoutant pas les « qu’en dira-t-on », s'estimant « magique » et non « tragique », pour le paraphraser. Et qui pourrait lui donner tort ?

Poursuite de l'écoute avec « $ 1000 high heel shoes », un titre super funky, super dansant, sur fond de chœurs qui ne sont pas sans rappeler du gospel et qui colle parfaitement au reste de l'album. Et puis, perso, les chaussures hors de prix, ça me parle (et je pense à toi aussi Anne-So en écrivant ça ! Disons que c'est typiquement un truc de nana, l'amour des chaussures à talons, who can relate?).

Je saute volontairement à « Detroit city », puisque c'est LA ville d'Alice Cooper, le berceau du rock, là où tout a commencé pour lui, mais aussi pour le rock globalement. Les premiers succès musicaux d'Alice se sont faits ici, dans sa ville natale, où le rock était pur, dur, et plein de sueur. Et c'est bien là tout le but de « Detroit Stories », il s'agit du parcours du maître, un hommage à cette ville qui l'aura vu grandir et aidé à s'élever.
« Drunk And In Love » attire mon attention avec ce rythme très lent, son air profondément blues et ses paroles plutôt drôles où j'imagine très bien un mec totalement bourré. Et un bon point pour l'harmonica aussi.

Autre saut jusqu'à « Hanging On By a Thread (don't give up) » qui a une résonance particulière en cette période de Covid, même si elle n'a peut-être pas été écrite en ce sens. Mais cette voix « parlée » d'Alice, un peu à la manière d'un présentateur de JT ou un animateur radio, prodiguant conseils pour faire front ensemble et communiquant un numéro d'urgence pour prévenir les actes de suicides, fait particulièrement écho à mon sens à la période que nous vivons actuellement.

« Shut Up And Rock » : morceau hyper court qui résume très bien en un titre l'essence de l'album, ici on est là pour le rock'n'roll, pas les longs discours formatés, pas la politique et le bullshit qui l'accompagne. C'est ce que le peuple réclame : on veut du rock !

Et en conclusion, ça donne quoi ? Eh bien, « Detroit Stories » est un album 1000% rock, avec une vraie énergie tout droit venue des 70s, comme si on était monté à bord d'une machine à remonter le temps. On se croit en train d'écouter un authentique show de l'époque, dans une espèce de bar ridiculement petit, serrés les uns contre les autres, ou une salle à taille humaine un peu miteuse, comme si on allait voir le groupe local du coin de la rue. La musique sonne vraie, sans artifices, avec juste du rock et l’amour du rock. Un véritable back to basics, et, on va pas se mentir, ça fait un bien fou.

 

Le point de vue d’Anne-So :

En dépit des restrictions qui s’imposent à nous et qui n’intéressent personne, dont vous entendez assez parler comme ça, il est possible de voyager. Encore un album qui vous fera “voyager”, c’est un verbe qu’on emploie de manière assez admise dans la description de musique pour sa sémantique plutôt métaphorique. Detroit Stories offre à Alice Cooper ce pouvoir magique, s’il n’en avait pas déjà assez.

Alice Cooper est né à Detroit en 1948, au cœur d’une région industrielle des Etats-Unis qu’on appelle le Midwest. Quand on pense à un artiste comme lui, on se figure assez immédiatement son célèbre personnage, son côté théâtral et qui serpente dans un univers digne d’une comédie musicale à la sauce shock rock, genre qu’il patronise. Mais on ne pense pas tout de suite à des usines et de la grisaille. Et pourtant…

C’est fou parce que cet album sent un peu le “tout va bien, tout ira bien”. S’en dégage une légèreté malgré le côté racaille un peu stylé qui nous apparaît à l’esprit en pensant aux années 1970 et au rock’n’roll. Detroit est un carrefour tant géographique que culturel, une passerelle pour le hard rock, zone de passage pour les musiciens aussi bien que de transmission pour la scène moins connue qui s’y retrouve pour plonger dans les entrailles de tout un genre. Il faut savoir que des groupes ont sévi à Detroit bien après les seventies, et ça continue, c’est important de le savoir pour profiter de petites anecdotes qui font de cet album un objet musical spécial.

Par exemple, Outrageous Cherry est un groupe moins connu qui vient de la ville, fondé dans les années 1990, qui a écrit un titre qu’Alice Cooper s’est vu proposé de reprendre dans cet album. A l’écoute, vous le reconnaîtrez très certainement, car d’un côté il s’écarte du registre soulevé à l’analyse ici, mais quelque part, il le cristallise. Comme si un vent d’innocence et de naïveté flottait parmi des guitares à chaude distorsion, un peu à l’image d’un film qui finit presque trop bien et laisse un sourire sur les lèvres. Bref, n’écoutez surtout pas “Our Love Will Change The World“ tout seul, écoutez plutôt Detroit Stories en entier et de nombreuses surprises agrémenteront votre route.

Tel est aussi le cas de “$1000 High Heels Shoes” : si vous ne vous levez pas de votre chaise, ou si vous êtes déjà debout, et ne vous trémoussez pas dans vos propres shoes, c’est qu’il y a un problème chez vous. Montez le son, pour voir. Le texte raconte une histoire de blues, d’opulence, de faste, avec des cuivres et des chœurs hyper sexy. Une vraie comédie musicale, on vous dit. (Oui, Lily, j’avoue, je t’ai lue et j’entends ton appel via ce titre).

Un chemin plus rebelle et qui convoque davantage l’esprit rock’n’roll de Detroit peut bien sûr être croisé lors de l’écoute de l’album, si on se penche sur des titres comme “Shut Up And Rock” ou bien “Go Man Go” qui apportent du rythme et qui s’associent à la thématique générale de l’album pour fournir une teinte plus oldschool sur l’ensemble. Et allons encore chercher ailleurs dans le passé : on a déjà entendu les Runaways reprendre “Rock and Roll” d’après les Velvet Underground sur leur album Loaded (1970), mais la version d’Alice Cooper met davantage l’accent sur la voix du chanteur, qui recèle à elle seule tout l’art du storytelling avec cette aménité d’un titre à la fois presque parlé et chanté, registre dans lequel il assure définitivement.

Alice Cooper s’est entouré de toute une bande de Detroit pour enregistrer cet album à… non, pas besoin de vous dire dans quelle ville. Johnny Bee Badanjek de Mitch Ryder & The Detroit Wheels (hard’n’soul), Wayne Kramer de MC5 (heavy un peu punky) ou encore Mark Farner de Grand Funk Railroad (hard rock) se sont donc mélangés avec des musiciens de studio qui accompagnent par ailleurs Alice Cooper depuis des années mais qui, eux, viennent des quatre coins des USA.

Cette tambouille intéressante donne à l’album ses petits cris solo, ses petites notes déjantées, ses petites subtilités instrumentales auxquelles on ne prête d’habitude pas forcément attention lorsqu’on écoute le disque d’un artiste solo qui y pose son patronyme personnel, mais ce principe diffère tout à fait lorsqu’il s’agit d’Alice Cooper. On soutiendra d’ailleurs qu’il n’est pas impossible que ces titres prennent bien sûr une toute autre saveur une fois pris en charge par la clique qui accompagne le Coop’ en live, mais ça, c’est une autre paire de manches. Bientôt, hein, promis ?

Le site : https://www.facebook.com/AliceCooper/

Lily & Anne-So

 

 
 
 
 

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