SERJ TANKIAN Elasticity

Banquet Records


 

Normalement, vous connaissez Serj si vous écoutez du métal de plus de vingt ans. Si ce n'est pas le cas, mais que vous faites partie de cette élite intellectuelle qui fait l'effort de sortir périodiquement de sa zone de confort, sachez que, déjà, c'est bien, et, ensuite, que c'est le chanteur de SYSTEM OF A DOWN (SOAD pour les intimes), le groupe qui a juste sauvé le mouvement neo-métal de l'ennui structurel dans lequel il avait sombré et de la monotonie de l'ultra-calibré. Un truc plutôt cool.

Mais SOAD, pour Serj, n'est qu'une de ses nombreuses facettes artistiques et militantes. Le monsieur a une énorme carrière solo, sept albums dans des genres aussi divers que le jazz, l'électro, le classique, des compositions pour le théâtre, le film documentaire, le jeu vidéo, n'en jetez plus, il est sur tous les fronts.

Et quand je parle de fronts, c'est d'autant plus valable sur le plan militant. A la manière d'un RAGE AGAINST THE MACHINE (RATM, toujours pour les intimes), il y a quasi toujours un geste politique dans chaque oeuvre du bonhomme. Que ce soit la dénonciation de la politique américaine (surtout dans le climat post 9/11), la guerre, l'histoire de l'arménie et du génocide (SOAD étant composé intégralement d'américains aux origines arméniennes), la pollution et le changement climatique ou encore la cruauté envers les animaux. D'ailleurs, en parlant de RATM, il s'est associé avec son guitariste Tom Morello pour la création d'Axis of Justice, association de sensibilisation à ces causes. Je peux encore vous citer le bonhomme en reprenant la couv' de Rolling Stones : "J'étais un militant avant d'être un artiste".

Donc un Monsieur qui a beaucoup, BEAUCOUP, de choses à dire. Cet EP est un peu un condensé du style de Serj, à savoir un esprit rock/metal, une voix reconnaissable entre mille, avec son timbre très caractéristique, partant facilement dans l'aigü, un rien chevrotante, avec une chaleur qui capture instantannément l'attention de l'auditeur un poil attentif. Un chant, qui sait être lyrique quand il faut, pêchu lorsqu'il veut faire headbanger, avec, en plus, des portions humoristiques ou carrément parlées pour illustrer différents points de vue.

Les thèmes sont toujours là, que ce soit "Your Mom" traitant du fondamentalisme, ou Eletric Yerevan sur... Erevan donc, capitale de l'Arménie (Ultrarock, mieux que le Dessous des Cartes). Musicalement, ça varie pas mal de tempo et d'ambiances, à l'habitude de SOAD, on sent que Serj a une sainte horreur du consensuel et cherche toujours à surprendre son auditoire (ce qui n'est pas pour nous déplaire). Un titre un peu plus intimiste et personnel : la très jolie ballade métal "Rumi", qui parlera à tous les papas puisqu'il s'agit de son gamin, un "Morgane de toi" à la Tankian, qui rend bien.

Mais... ça fait très SOAD tout ça. Alors pourquoi pas un album, carrément ? Toujours d'après Serj, c'est ce qu'il a proposé au groupe qui, d'après lui, n'était simplement pas prêt à se relancer dans un album à ce moment-là, l'incitant à faire son EP à son nom, malgré tout. On peut supposer que la crise sanitaire a eu un impact là-dessus.

Donc, c'est super et tout va bien ? Oui... Et, malgré tout, se dégage cette petite déception, ce goût de super démo, d'excellente mise en bouche qui, après vingt minutes de bonne musique, s'arrête subitement sur ce qui aurait pu être un bon retour de SOAD. Après l'annulation de deux Hellfest consécutifs où ils étaient tête d'affiche, on commence à avoir l'habitude de penser pouvoir les voir, presque les toucher du doigt (de l'oreille, bon ok ça fait bizarre), pour finalement se les faire enlever preque aussitôt. Mais ne boudons pas notre plaisir, ça fait du bien de pouvoir les entendre.

Un bon EP de monsieur Tankian. Une dose homéopathique de System.
Profitez-en, on ne sait pas quand il y en aura d'autres.


Le site : https://serjtankian.com/
Romain Tortevoix

 



 

 
 
 
 

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