CULT OF LUNA The Long Road North

Metal Blade / Red Creek

 

Voici déjà deux décennies que les vétérans suédois de Cult Of Luna nous stimulent les oreilles de leur post-métal, nous constatons d'ailleurs une accélération des sorties, ces trois dernières années, avec pas moins de deux albums LP et un EP. 

Nous parlerons ici de 'The Long Road North' sorti cette année sur le label 'Metal Blade Record' et qui peut être considéré comme une suite logique des deux précédentes productions. Une suite avec un lien fort puisque le groupe est passé sur un nouveau processus d'écriture depuis 'A Dawn Of Fear' de 2019 en favorisant désormais l'improvisation musicale avant de poser l'écrit, les compositions se font plus instinctives et semblent bien les inspirer. 

Le sextet a même créé, depuis 2020, son propre label, 'Red Creek', affirmant ainsi son envie d'indépendance tout en proposant son expérience à d'autres groupes. L'apparition de ce nouveau label n'est pas étonnante, quand on voit l'engagement de ces musiciens qui participent également aux étapes de la production telles que l'enregistrement, le mix ou le mastering. 

Rentrons dans le vif du sujet avec, comme titre d'ouverture, 'Cold Burn'. Les sonorités de sirènes inquiétantes nous mettent rapidement en alerte d'un danger imminent qui pourrait être aussi bien le froid qui règne en maître dans ces étendues nordiques ou encore cette envie irrépressible de quitter l'agitation des grandes métropoles. Il faut dire que cet opus nous raconte le voyage du chanteur, partant de Stockholm pour rejoindre sa ville natale d'Umeå, plus au nord. On imagine bien son périple, entouré d’une nature sauvage, imprévisible, baignée d'une météo glaciale. Le chant hurlé de Johannes Persson, toujours aussi incisif, pourrait fendre la glace la plus dure, ce vocal contribue à la noirceur générale du tableau, même s'il n'est pas si évident de l'appréhender pour un non initié.

Comme on en a maintenant l'habitude, l'intensité musicale est bien présente, avec des nappes de guitares qui se superposent au chant et aux claviers, donnant cette impression d’un magma de son bouillonnant qui constitue la marque de fabrique des suédois. La batterie de Thomas Hedlund n’est pas en reste avec ses frappes cycliques d’une précision exemplaire, apportant un certain côté hypnotique, parfois tortueux, aux compositions. Les explosions sonores ou les montées en pression sont toujours au rendez-vous. Les dénouements chaotiques de morceaux comme ’An Offering to the Wild’ ou ’The Long Road North’ s'érigent en parfaits représentants. Le titre le plus long, 'An Offering to the Wild', avoisinant les treize minutes, évolue progressivement pour finir dans un fracas sonore où l’environnement sauvage finira par vous emporter avec les hurlements de Johannes, « Its will is your end ». Le morceau éponyme, ‘The Long Road North’, possède, quant à lui, la piste instrumentale ‘Full Moon’ en guise d’introduction, pour mieux nous accompagner en direction du nord, sur une route qui semble infinie et perdue dans l’immensité de terres gelées. La pression instrumentale est une nouvelle fois marquante sur sa conclusion. Le titre ‘The Silver Arc’ se veut plus nuancé et mélancolique dans les sonorités, voire avec un côté spirituel lors de murmures fantomatiques « Waiting, waiting, watching, watching ». 

Aux premiers abords, il peut sembler difficile de différencier cette sortie des deux précédentes productions, mais les subtilités de Cult Of Luna se dévoilent après plusieurs écoutes. 

La construction de l’album est suffisamment bien faite pour ne pas perdre l'auditeur dans un bouillon sonore interminable, en laissant la place à de nombreux moments de respiration constitués de titres transitoires plus calmes. Dans ce domaine, ‘Beyond I’, accompagné de la voix enchanteresse de Mariam Wallentin, ‘Beyond II’, une réinterprétation du Saxophoniste Colin Stetson, ou ‘Into The Night’ et sa ballade ‘melanco-hypnotique’, chantée en claire, permettent d’aérer efficacement l’écoute.

En terme d’évolution, les claviers et samples paraissent prendre un rôle plus important qu’avant, avec des collaborations qui apportent leurs lots de variations intéressantes. En effet, le saxophone de Colin Stetson, cité précédemment, intervient aussi sur ‘An Offering For a Wild’ pour donner des notes de saxo plaintif du plus bel effet, amplifiant encore l'ambiance mélancolique, voire tragique. Côté collaboration, deux membres du groupe français Phoenix accompagnent le titre 'Blood Upon Stone' de leurs guitares, donnant une couleur un peu nuancée au morceau dont la construction est déjà une belle réussite. 

La production façon « mur du son » n’enlève pas la finesse de restitution des instruments, ce qui démontre tout le savoir-faire du sextet et de son équipe. Il n’est pas rare, au bout de plusieurs écoutes, d'identifier de nouveaux éléments musicaux pour le plus grand plaisir de l’auditeur attentif qui pourra s'abandonner dans le voyage proposé. 

Cult Of Luna poursuit son nouveau chemin de composition entrepris en 2019. Cette sortie de 2022 continue logiquement dans la même trajectoire, sans pour autant perdre en intérêt. Bien au contraire, les variations disséminées tout au long des soixante-neuf minutes, l'intelligence des compositions accompagnées d’une volonté accrue à la collaboration, donnent véritablement une richesse d’écoute que l’on peut accueillir les yeux fermés mais les oreilles grandes ouvertes.

Top 3 : Blood Upon Stone, The Silver Arc, An Offering to the Wild

Le site : www.cultofluna.com
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