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ASYLUM PYRE

Interview réalisée par The Outcast


A S Y L U M   P Y R E

Mars 2013



Aujourd'hui, honneur à Asylum Pyre, groupe encore confidentiel il y a peu, mais propulsé sur le devant de la scène Heavy Prog française par « Fifty Years Later », un second album (après « Natural Instinct ? ») produit par Didier Chesneau (de Headline) et sorti chez Massacre Records… un bon coup d'accélérateur assez prometteur. Nous serons reçus par Johann Cadot, guitariste fondateur du groupe, et Vince Kreyder, ex-batteur de Fairyland, récemment intégré par la formation. « Chaos Heidi », vocaliste, accueillie juste avant l'enregistrement, est accaparée à deux pas et ne nous rejoindra pas, nous laissant donc avec un Johann très simple et affable mais manifestement éprouvé par cette journée de promotion, apparemment moins rompu à l'exercice que Vince, d'un professionnalisme presque convenu...

(UltraRock) « Fifty Years Later » n'est que votre second album, mais Asylum Pyre a déjà connu pas mal de changements et, en premier lieu, la perte de sa vocaliste d'origine Carole Alcantara… Comment cela c'est-il produit ?

(Vince Kreyder) Elle était là, on ne la retrouvait, plus on l'a perdue de vue !

(Johann Cadot) En fait, ça ne s'est pas passé tout de suite, elle est partie peu de temps avant l'enregistrement du 2 e album, puisqu'on a fait tous les Live avec elle. Et, à un moment donné, les objectifs n'étaient plus les mêmes, tout simplement. On a décidé de ne plus travailler ensemble et puis, à ce moment-là, on a cherché une nouvelle chanteuse. Après le processus d'annonces, de démos, auditions etc auprès d'une centaine de chanteuses, on a sélectionné Heidi pour la remplacer.

(UR) Ce n'est donc pas quelqu'un que vous connaissiez déjà et à qui vous avez alors pensé?

(JC) Non, du tout.

(VK) On a vu qu'on avait les mêmes ambitions, les mêmes goûts, les mêmes façons de voir un certain nombre de choses. Elle avait une voix qui correspondait bien à la musique, qui pouvait être assez variée. Elle avait l'envie, tout… C'est ce qui a motivé notre choix [là tu me perds, Vince…. Tu n'étais pas encore membre].

(UR) Musicalement, vous vous retrouviez tout à fait ?

(VK) Oui, tout à fait.

(JC) Oh on a des différences hein, forcément, on en a tous…

(UR) Je ne connais pas son background musical, est-ce que vous pouvez le présenter ?

(JC) Elle a chanté pour 2-3 autres groupes, mais pas d'enregistrements par exemple, et assez peu de Live puisque c'étaient des groupes qui débutaient. Elle, son métier, c'est prof de chant, donc elle voulait quelque chose où elle pouvait pleinement s'exprimer, et avec une certaine ambition. Elle a été nourrie à Maiden, et puis à After Forever, à Within… et puis voilà, un mélange de tout ça.

(UR) Votre batteur maintenant… c'est définitivement Vince ?

(VK) C'est Vince !

(JC) Voilà !

(UR) Il faut avouer que tout cela n'a pas été très clair…

(VK) Non, il y a eu une petite période de mic-mac, qui s'explique facilement en fait : à la base j'ai enregistré l'album en session, c'est-à-dire que je devais m'arrêter à la fin de l'enregistrement de l'album. C'est Didier [Chesneau], que je connais très bien parce que j'avais déjà travaillé avec lui par le passé, qui m'a proposé au groupe en tant que batteur de session parce qu'ils en avaient besoin. Je me suis intéressé à la suite du processus, notamment au retour de studio pour écouter le mix, on a continué à discuter, j'ai continué à prendre de leurs nouvelles... Quand les Live ont commencé, quand les dates ont commencé à se booker, ils n'avaient toujours pas de batteur, donc vu que je connaissais déjà l'album je leur ai dit que je leur faisais les Live, et de fil en aiguille on a sympathisé. J'ai eu une petite période où je n'avais pas trop le temps, en fait, donc mon officialisation au groupe a été à remettre en question très sérieusement parce que j'avais pas mal de projets. J'avais pas mal de choses et, dès lors que la question a commencé à sérieusement se poser, j'ai fait état des priorités que j'avais à définir et j'ai choisi de placer Asylum Pyre au sein de ces priorités, et donc d'être officialisé! Donc maintenant c'est fait, et voilà je suis très content d'être avec eux et de continuer, n'est-ce pas ?

(JC) Nous aussi… [Johann semble avoir vraiment craint de se retrouver sans batteur…]

(UR) Le gros des évènements pour Asylum Pyre, entre ces deux albums, c'est l'implication de Didier Chesneau, la production chez MII Recording, la masterisation chez Elektra Mastering, et la sortie chez Massacre ! Ça en fait, un sacré coup de boost ! Vous pouvez revenir sur tout ça ?

(JC) On a eu déjà tous les bons retours du 1 e album, qui nous ont encouragés. Après, on s'est dit : il faut qu'on arrive à faire mieux ! Donc le fait de voir que notre musique plaisait, déjà, c'était très encourageant. Après on s'est dit voilà, il faut faire mieux, donc on a voulu travailler avec quelqu'un qui comprenait bien notre musique comme Didier. De fil en aiguille, après, on voyait que les choses sonnaient bien, et puis sonnaient bien… et puis donc on a voulu remettre un peu plus, et puis encore un peu plus… et puis voilà, on a passé donc pas mal de temps avec Didier, qui nous avait été présenté par Carole (notre ancienne chanteuse) et puis, après, lui nous a conseillé Elektra Mastering qu'il connaissait bien. Et puis après on a simplement démarché des labels, dont Massacre… on leur a envoyé l'album, ils ont aimé et ils nous ont écrit, voilà.

(UR) Après un premier album auto-produit, ça fait quoi ?

(JC) Une différence, c'est sûr… c'est plaisant, c'est agréable !

(UR) Une bonne différence, oui… Venons-en donc à « Fifty Years Later ». Là où son prédécesseur permettait plus facilement de vous définir, ce second disque s'essaie en fait à pas mal de choses, dont un nombre de nouveautés : on a des morceaux très Power, d'autres très Heavy Prog, et beaucoup plus de choses rythmiques, puissantes, énergiques, d'autres hymniques… On distingue moins de dominante. Comment en êtes-vous venus à cette intégration de tant de sons variés ?

(JC) On voulait juste faire un bon album. On a fait une sélection de certains morceaux qui se voulaient quand même un peu plus directs…

(VK) Oui, il y avait une ligne directrice quand même qui a été établie en accord avec toi [Johann, hein, pas moi…] et avec les musiciens, mais aussi définie un petit peu par Didier, c'est-à-dire l'idée d'aller vers quelque chose de vivant, un petit peu à contrepied de beaucoup de productions actuelles très synthétiques et très…

(JC) … compressées ?

(VK) … sur-éditées, voilà. On a voulu faire quelque chose de très vivant, très organique, justement de pas édité, pas recalé, et quelque chose qui vibre, quoi. Et surtout quelque chose de direct et d'efficace. En tout cas, moi, au niveau de mon approche de la batterie et du travail qu'on a fait avec Didier sur les arrangements, on va dire, ça a été un petit peu la priorité qui a été définie : aller à l'essentiel. Donc après, moi je n'ai pas pris part au processus d'écriture, je suis arrivé après, et même si j'ai…

(JC) … réécrit des arrangements…

(VK) … voilà, processus d'arrangements et de réécriture des lignes de batterie, donc au niveau de la composition et de l'esthétique dominante ce n'est probablement à moi de répondre mais je pense que c'est une part des explications.

(JC) Après ça il y a eu le fait d'avoir certaines possibilités en studio qu'on n'avait pas forcément chez nous ou dans les autres studios précédents, le fait de dire « ah ouais tiens ça c'est pas mal, et on pourrait aller encore plus loin là-dedans, on pourrait aussi essayer ça, et puis essayer ça, ah bah tiens c'est bien »… Et alors sur un autre morceau on va aussi essayer ça et puis ça, et on va rajouter un autre truc, une autre touche, un petit truc électro, un truc… et ça s'est fait même je dirais jusqu'à la dernière seconde de l'enregistrement, on a testé des choses et réenregistré des idées… Par exemple « Just before the silence » [l'un de ces morceaux nettement plus énergiques par rapport à « Natural Instinct ? »] avait un autre esprit, peut-être un peu plus enjoué à un moment donné, et puis un jour on s'est dit « voilà ça ne va pas par rapport au reste de l'album », on a réécrit les paroles, en quelques jours, et voilà, on va remodifier les compos, on va rajouter des choses… on a changé un riff, on a dit « tiens là on va mettre un peu de chant hurlé » mais… vraiment pendant le process d'enregistrement.

(UR) Vous avez fait pas mal de choses sur les voix notamment, tous ces passages assez théâtraux sur « The herd », « Against the sand »… Bien plus que sur le 1 e . C'est du fait d'Heidi ?

(JC) Je ne sais pas, j'ai l'impression qu'il y en avait un peu…

(VK) Déjà d'une part je pense qu'elle a plus de technique, et d'autre part elle évolue dans un registre qui est à la fois plus polyvalent et puissant que celui de Carole, je pense.

(JC) Très polyvalent, oui.

(VK) Voilà, donc fatalement, ce qui s'en ressent ce sont les contrastes, et c'est aussi plus de cohérence parce qu'elle va plus réussir à coller à différentes ambiances… ce qui finalement est plus cohérent avec la musique d'Asylum Pyre qui est assez variée.

(JC) « Asylum Pyre » ? [moquant son accent – c'toi qu'a choisi le nom coco t'avais qu'à faire plus simple]

(VK) Donc qui est plus variée, et du coup ça nuance peut-être un petit peu plus, ça contraste un petit peu plus encore la musique comme elle a besoin de l'être.

(JC) Malgré une musique et des textes parfois un peu sombres, il y a aussi l'envie de s'amuser, de tester, de faire des choses différentes avec sa voix, ou avec certains effets. Sur la voix il y a quelques effets de saturation, comme ça… voilà, on a essayé d'amener cette touche-là effectivement un peu théâtrale, parce qu'il y a comme des discussions entre certains personnages, une évolution d'une histoire dans la chanson…

(UR) Le morceau qui se démarque le plus est « Fisherman's day », qui semble purement Folk. Peux-tu en parler un peu, car c'est également celui qui me plait le plus ?

(JC) On aime bien la musique acoustique aussi, et au niveau paroles il collait bien. A un moment donné je me suis quand même posé la question de savoir si on allait le mettre ou pas sur l'album, et puis finalement on s'est dit oui [tu as fait le bon choix…]. Il y avait un morceau un peu acoustique sur le premier aussi mais qui était juste un petit interlude d'une ou deux minutes. Et puis là, ce qu'il y a c'est que les gens l'aimaient, ce morceau, au final… et puis les gens l'aiment toujours ! Je suis toujours agréablement surpris du retour sur ce morceau, que les gens notent effectivement comme différent. C'est vrai qu'il est en plein milieu de l'album, comme ça il amène une toute autre ambiance. C'est principalement un chant masculin, c'est différent… Il amène quelque chose dans l'histoire, dans le concept, et voilà, et puis il nous plaît ! Donc on l'a mis.

(UR) Je vais revenir un peu sur Heidi… Pour moi elle appartient à l'univers Sympho, de Within Temptation par exemple. Comment la voyez-vous ?

(JC) Je sais que sa principale influence c'est plus Floor Jansen, donc cet esprit là, niveau variété du chant…

(VK) Je ne trouve pas vraiment, au niveau des intonations, les émotions qu'elle transmet… Alors, aucune critique à l'encontre de Sharon Den Adel évidement c'est pas possible, elle chante super bien [JC acquiesce]. Elle chante très bien, elle véhicule plein de trucs, mais elle est plus justement dans un registre théâtral mais dans le sens tragique, voilà, très surexprimé… ce n'est pas péjoratif ce que je dis, c'est juste quelque chose d'autre. Heidi a quelque chose de beaucoup plus Rock.

(UR) Je la rapproche quand même beaucoup des morceaux les plus « Kate Bush » de Sharon.

(JC) Ouais, c'est vrai, un peu Kate Bush…

(VK) Je ne connais pas assez, moi.

(JC) Je vois ce que tu veux dire, il y a quelques intonations, parfois quelques harmonies aussi sur les chœurs qui peuvent faire penser à certaines choses un peu Within, mais bon après voilà, il y a certainement à un moment donné quelque chose mais je ne pense pas qu'on puise la résumer à ça. Mais il y a certainement quelque chose, oui.

(UR) C'est mon ressenti perso en tout cas.

(JC) Chacun son ressenti, bien-sûr.

(UR) Lorsqu'elle chante « The herd » qui est très lyrique pour le coup elle évoque quand même Nightwish.

(JC) Voilà, c'est toujours la référence à ce niveau-là.

(UR) Pas plus convaincu non plus ?

(JC) C'est difficile… Après, on peut trouver des ressemblances à un moment donné, sur certaines intonations, mélodies, arrangements… En tout cas ce n'est pas souhaité. Peut-être…

(UR) Je vais en venir aux textes : c'est le deuxième album très centré sur l'environnement que vous faites, autant au niveau des deux titres que des deux pochettes, voire de certains morceaux (« These trees »)… Ça semble être votre cheval de bataille ?

(JC) Sur le 1 e album on en parle mais pas tant que ça. On en parle dans 3 chansons sur 10. C'est vrai que c'est le thème peut-être le plus fort qui ressortait du 1 e album, mais quand on regarde les autres titres ça parle d'autres sujets.

(VK) Et il y a la relation avec les pochettes.

(JC) Voilà après il y a les pochettes qui reprennent ça. Maintenant sur le 2 e c'est vrai que ça a pris plus de place. Comme c'était un thème qui finalement est ressorti du 1 e , même si finalement on n'en parlait pas tant que ça, pour le 2 e on a voulu pousser un petit peu cet aspect-là. Au début c'est parti sur une idée juste de faire une suite de quelques morceaux, et après lier un petit peu tout ça, et puis le titre de l'album. Mais bon, on ne va pas se cantonner uniquement à cet univers-là, c'est quelque chose qui nous touche énormément, sur laquelle on pourrait peut-être encore écrire, mais on n'a pas envie non plus trop de se répéter. On a dit quand même beaucoup de choses dans ces deux albums à ce niveau-là ; dans les albums suivants, même s'il y aura certainement des clins d'œil à ce thème, ça sera certainement moins, et ça sera peut-être moins dominant.

(UR) On peut voir le second album comme une séquelle du premier, si l'on se fie à la pochette.

(VK) Tout à fait, oui.

(JC) Ça fait écho, nous on utilise cette expression-là : on dit que le 2 e fait écho au 1 e , et sur certaines mises en garde du 1 e album, qui sur le 2 e s'avèrent, malheureusement… 50 ans plus tard…

(UR) Ça renforce aussi l'impression que vous privilégiez l'écologie comme centre d'intérêt.

(VK) C'est sûr.

(UR) Est-ce que vous avez des thèmes qui vous attirent déjà pour l'écriture du suivant ?

(JC) Je pense, oui…

(VK) J'aimerais bien qu'on parle des opossums.

(JC) Mais on fera une chanson sur les opossums, « I love the opossums ».

(VK) « I Love opossums » !

(JC) « Opossum power » ?

(VK) On devrait faire un morceau sur les opossums, un morceau sur les lémuriens…

(JC) C'est ça en fait, c'est uniquement faune le prochain ! Non mais là j'ai déjà quelques idées de thèmes et ça s'éloigne de ça. Ça s'éloigne de ça, je ne peux pas en parler trop pour l'instant, mais voilà… d'autres thèmes forts, enfin, qui me touchent particulièrement mais qui ne sont pas directement liés à la thématique écologique, en tout cas pas uniquement.

(UR) Tu peux peut-être en dire plus musicalement, en revanche ?

(JC) Oui. Je dirais que pour l'instant on n'a pas encore mis en commun nos différentes idées… Moi j'ai déjà un album complet^^

(VK) J'en ai deux, moi !

(JC) Ouais OK… Bah je pense que, n'en déplaise à certains qui trouvent que c'est trop varié, on va encore pousser plus dans ce côté mélange des genres, faire peut-être des morceaux, des passages encore plus parfois accessibles ou ambiants et par contre à l'inverse des passages encore plus violents, agressifs… Faire ce mélange-là, pousser ce contraste, ce mélange des styles pour couvrir un peu toute la palette du monde Metal.

(UR) Ça serait logique dans la continuité de celui-ci… Du coup, quelle ligne directrice conserve Asylum Pyre comme caractéristique entre ces albums, à vos yeux ?

(JC) Là entre les deux premiers musicalement ? C'est la mélodie principalement.

(VK) Oui, après je ne dis pas ça car je ne joue que sur le 2 e , mais il y a quand même un distinguo à faire… Je ne parle pas de qualité, mais il y a quand même un distinguo à faire au niveau déjà de l'approche, et ensuite des moyens. Ce qu'il y a de commun finalement c'est l'intention, c'est le fait que les compos viennent essentiellement de toi [oh mais non pas moi arrêtez ! faut suivre], ce sont ces choses-là. Après l'effectif est différent, donc fatalement le rendu est différent de par l'identité de chacun des musiciens, leur interprétation.

(JC) Il y a une évolution des musiciens aussi.

(VK) Oui il y a une maturité qui est indéniable, et heureusement, je ne suis pas en train de discréditer le 1 e album, mais heureusement qu'il y a une évolution entre le 1 e et le 2 e , une évolution positive. Après, comme je disais tout à l'heure, il y a eu une direction vers un peu plus de simplicité, un petit peu plus d'efficacité, sans pour autant perdre ce qui faisait la richesse du truc à savoir la diversité des styles abordés et pratiqués.

(JC) Je dirais qu'on a toujours envie d'avoir à un moment donné une belle mélodie. Au niveau textuel dans l'approche, c'est sûr il y a une continuité. Et puis voilà cette volonté… De mon point de vue, je ne suis peut-être pas le meilleur pour dire ça, mais pour moi ce qui fait la patte de Asylum Pyre c'est cette envie mélodique. Je définis parfois Asylum Pyre comme un agencement complexe de choses simple [bonne définition…].

(UR) Je suis d'accord avec ça.

(JC) Voilà, c'est Asylum Pyre !

(UR) J'aurais personnellement retenu votre approche plus directe, quand même, avec des titres comme « Juste before the silence » ou « These trees » qui font presque Rock… Enfin selon mon ressenti propre là aussi.

(JC) Oui, bien-sûr.

(UR) Pour parler du futur, la suite de « Fifty Years Later » ça a d'abord été une ouverture pour Doro…

(VK) Juste trois jours après la sortie de l'album.

(JC) Il y a eu le festival ACDM qui était le lendemain ou le jour-même, et puis 3 jours après, Doro, quelques jours d'intervalle…

(UR) Heidi n'est pas avec nous mais je voulais lui demander comment elle la voyait…

(VK) Elle n'est pas loin !

(JC) Enfin, pour continuer ce que je disais tout à l'heure, elle, son envie c'est de tester plein de choses. Elle n'a pas envie de chanter deux morceaux de la même façon, de faire deux fois de suite la même chose…

(VK) Voilà, et surtout encore moins de chanter « à la manière de ».

(JC) Ce n'est vraiment pas son truc. Après, voilà, je sais que souvent ce qu'elle cite comme influences c'est Bruce Dickinson et Floor Jansen [VK éclate de rire… c'est devenu une private joke ?]. Je sais que c'est ça qu'elle cite.

(UR) Par la suite, vous avez tourné avec Myrath [une affiche plutôt bien vue]…

(JC) Oui on va faire quelques dates avec eux.

(UR) Et que devrait être la suite de cette suite ?

(JC) Cette année on a déjà 10-15 dates de prévues là, un peu partout en France et un peu en Suisse, et on va jouer avec Whyzdom notamment le 4 mai à Paris. Là dans une semaine on est sur Nancy et Strasbourg avec Cadmium, Khaelys, Fenrir, Midnight Sorrow, et puis après effectivement le mois de mai Myrath, Uncolored Wishes vers Lyon ou dans le sud de la France. Puis on va continuer comme ça, après je pense qu'on fera un petit break en juillet-août. Ça fait 3 ans qu'on est à fond, là… on a besoin un peu de se reposer, puis pour repartir sur quelques belles dates en automne, et puis commencer à vraiment faire les démos du 3 e , quoi.

(UR) Pour reprendre sur ce prochain album, où en êtes-vous de l'écriture ?

(JC) Moi je ne me suis jamais arrêté en fait, c'est quelque chose que je fais tout le temps, tous les jours… Donc là pour l'instant mes idées je les ai gardées pour moi [ricanements de Vince], pour l'instant je ne les ai pas diffusées, j'attends de les finaliser. Enfin, de les faire mûrir un petit peu avant de les proposer aux autres, mais je bosse à peu près en même temps sur entre 10 et 20 compos, voilà. C'est varié, on verra ce que ça va donner après, une fois mis dans les griffes de mes compagnons !

(VK) Moi je me souviens que dans un texto tu as prononcé le mot Blast !

(JC) Je confirme une intro à la Devin Townsend et quelques Blasts, et quelques trucs à tempo 230.

(VK) Sympa !

(JC) Et quelques trucs beaucoup plus soft aussi.

(UR) A priori, serait-ce de nouveau avec Didier ?

(JC) Aujourd'hui, Didier ça a été plus loin que l'enregistrement. On s'apprécie humainement, on se téléphone souvent… il nous a fait le son sur certaines dates parisiennes.

(VK) Notamment Doro.

(JC) Notamment Doro. Heureusement qu'il était là d'ailleurs avec Xavier [aucune idée de qui il s'agit], c'était vraiment une aide précieuse... Oh il y a quelque chose d'humain qui s'est passé aussi, donc il est fort probable qu'on retravaille avec eux, si nos deux emplois du temps le permettent.

(UR) Je vous propose de finir l'interview avec deux questions générales : la première serait de me présenter de récentes découvertes musicales que vous auriez pu faire…

(VK) C'est compliqué, enfin… Oui, pour ma part en tout cas, heureusement que j'ai toujours de nouvelles influences, que je découvre toujours des nouvelles choses… on n'a jamais fait le tour en musique. On n'a jamais fait le tour de ce qui est possible de faire, que ce soit en termes d'arrangements, d'esthétique, de choses… il y a une évolution qui est constante. Et je me nourris un peu de tout ce que je peux trouver d'appréciable. Récemment j'ai découvert des groupes d'électro… pas électro-Metal, vraiment électro, comme Kavinsky, des choses comme ça qui me parlent énormément. J'écoute pas mal de musique des états du Sud des Etats-Unis, des choses comme la Country, le Bluegrass, la Folk, le Blues… des choses comme ça, aussi beaucoup de Jazz… récemment j'ai découvert un groupe de Jazz qui s'appelle Rusconi qui est excellent, un groupe Suisse… Il faut se nourrir du plus de choses possible. La musique, finalement, c'est sept notes et du rythme, quoi, et des altérations…

(JC) Voilà !

(VK) Et toutes les déclinaisons possibles, et c'est là que c'est intéressant, abolir un petit peu la notion de genre. Il y a tellement de genres qu'il n'y en a plus ! Maintenant, on parle de musique…

(UR) As-tu également découvert des jeunes formations ?

(VK) Bah… Rusconi par exemple, le groupe de Jazz dont je parlais c'est de cette année [j'ai une bonne nouvelle pour toi Vince ils ont sorti 5 albums depuis 2004 !]. Après, si tu veux parler en termes de Rock ou de Metal, la dernière grosse grosse claque en Metal ça a été l'album « Deconstruction » de Devin Townsend. Je peux dire pas mal de Devin, de son boulot avec Strapping etc, mais alors j'ai écouté le « Deconstruction » mais…

(JC) Ouais ?

(VK) j'ai mis du temps à m'en remettre. C'est génial.

(JC) J'ai mis du temps à rentrer dedans.

(VK) Ouais non mais c'est normal !

(JC) Je suis pas encore entré dedans d'ailleurs^^

(VK) C'est indigeste hein, c'est indigeste dans le sens où c'est extrêmement riche. Tu vois, harmoniquement, mélodiquement, rythmiquement c'est une richesse… Mais ouais ma dernière grosse claque sinon… ouais non, Rock, Metal…

(JC) Au niveau récent bah je sais qu'il y a un groupe qui a fait beaucoup parler de lui en bien et en mal mais je trouve qu'ils ont quand même un son à eux c'est Amaranthe. On aime ou on n'aime pas mais ils ont quand même vraiment trouvé quelque chose de très intéressant au niveau du son, au niveau de l'énergie qu'il y a dedans, quoi. Après c'est pareil, je dirais qu'à chaque fois qu'on écoute un nouvel album d'un nouveau groupe, forcément quelque part on peut se faire influencer consciemment ou inconsciemment. Là j'ai découvert récemment un groupe de Prog qui existe depuis longtemps qui s'appelle Big Big Train, mais je trouve que c'est très beau au niveau de certaines harmonies vocales et au niveau intensité… Voilà il y a plein de groupes comme ça, mais mes influences après elles vont du Black jusqu'à Anathema en passant par Helloween ou Pain Of Salvation, Savatage, Loudblast… du moment qu'il y a de la mélodie et de l'émotion ça me parle.

(VK) Si, tiens, récemment je me suis vachement intéressé à ce que faisait Neal Morse en solo, notamment l'album « Sola Scriptura » [2007]… Enfin, ce qu'il faisait aussi avec Transatlantic cela dit j'en ai pas mal écouté. Donc, toute cette école Prog mais qui ne vient pas de Dream Theater, voilà, qui vient plus de l'autre côté, le Prog à la fois plus Pop et à la fois plus…

(UR) Le Néo-prog ? [Influence logique, quand on y pense]

(VK) Ouais, mais avec des côtés quand même très Metal et très techniques hein, il y a de la mise en place, il y a des trucs c'est chaud. Mais voilà, Neal Morse, je me suis pas mal intéressé oui. De toute façon, je viens du Prog hein.

(UR) Son dernier album était l'un de mes préférés de l'année passée…

(JC) Pareil. Ouais, sinon après…

(VK) Alors, ça n'a rien à voir mais l'album « Childhood's end » de Ulver ! A la base un groupe de Black Metal, et là ils sont arrivés avec un album de reprises de Rock Psyché de groupes pour la plupart inconnus au bataillon… C'est fait avec un goût assez hallucinant. Moi qui suis fan de Rock Psyché aussi fin 60s début 70s [du coup « inconnu au bataillon » c'est vite dit, car pour une bonne moitié on tape dans de l'Acid Rock classique], bah voilà. Moi l'album c'est un de ceux qui a le plus tourné cette année quoi, sur ma platine, « Childhood's end », avec des reprises de Jefferson Airplane, des choses comme ça. Donc c'était un peu ma découverte, ma surprise en tout cas, voilà ma grosse surprise 2012, avec – mais là par contre je crois qu'il date de 2011 – l'album « Heritage » de Opeth. Là pareil très Psyché et très ambiance King Crimson, Weather Report… Ça, ouais, ces 2 albums-là, ils ont beaucoup beaucoup tourné cette année.

(JC) Ouais, j'ai pas mieux.

(UR) Pour passer à ma seconde question, je voudrais votre avis sur le téléchargement illégal…

(JC) Ah, saloperie…

(VK) C'est ce que je disais tout à l'heure, le mauvais coté c'est que l'industrie du disque se casse la gueule, et que ce n'est forcément pas les majors qui en pâtissent parce que les labels trouvent toujours un moyen. Il faut se rendre compte que Sony, qui est l'une des majors les plus énormes du monde, c'est aussi eux qui vendent les CD vierges… tu vois la nature de la blague !

(UR) Bien vu, on y pense rarement…

(VK) Donc ce n'est pas eux qu'on va plaindre, les majors c'est les premiers à pleurer mais c'est les derniers à en pâtir. Donc non, c'est les artistes. Mais d'un autre côté, le revers de la médaille c'est que ça offre la possibilité aussi d'être accessible, d'être plus facilement découvert…

(JC) Ouais mais ça crée une culture chez des jeunes… Moi quand j'entends des propos de gens qui disent que la musique c'est de l'art et doit être gratuit, je dis ouais, soit, c'est bien, mais enfin il faut se rendre compte de l'investissement en temps, en argent qu'il y a derrière ça, quoi. Donc si un artiste, imaginons, prenons le cas d'Asylum Pyre, imaginons que quelqu'un a adoré l'album d'Asylum Pyre : s'il l'a téléchargé il faut qu'il se rende compte que la prochaine fois Asylum Pyre n'aura peut-être pas les moyens de refaire un album, tout simplement ! Parce que faire un album de qualité ça demande forcément des investissements. Aujourd'hui, un album, pour les groupes, les ventes sont divisées par 7, imagine… Alors voilà, imaginons un groupe qui vendait 10.000 albums il y a dix ans, même s'il touchait un euro il avait 10.000€ pour faire un album. Aujourd'hui il a 1.700€ pour faire un album. Alors voilà le calcul est vite fait, au lieu de passer 30 jours en studio il va en passer cinq, et il n'aura pas le temps de faire exactement ce qu'il veut. Alors oui la musique est chère, oui il y a beaucoup d'offres, oui mais malheureusement…

(VK) Je pense qu'il y a trop d'intermédiaires, maintenant il y a trop d'intermédiaires.

(JC) J'entends souvent les gens qui disent « oui mais de toutes façons si j'aime j'achète », voilà… bah alors à ce moment-là si tu n'aimes pas effaces-le de ton ipod ! Voilà, tu vois ce que je veux dire ? C'est vrai que ça m'énerve un peu, les gens qui ne comprennent pas que c'est du vol quelque part. Tu sais moi je suis dans une position un peu plus extrême. Et puis des morceaux en streaming pour se faire connaître, des trucs comme ça… soit. Après, qu'on offre la gratuité de plein de choses… qu'il y ait même des gens qui viennent nous dire « oh bah c'est super votre album je l'ai téléchargé c'est vachement bien »… des gens qui poussent le vice à venir faire dédicacer des CD gravés…

(UT) Ça vous est arrivé ?

(JC) Voilà, enfin … Heureusement ce n'est pas la majorité.

(VK) C'est arrivé quand je jouais dans Fairyland. Un type, je ne sais plus c'était en Hollande je crois, il vient avec « The Fall Of An Empire » marqué au marqueur sur le CD, « Fairyland – The Fall Of An Empire ».

(UR) Cocasse.

(JC) Voilà, ce genre de choses quand on arrive à des trucs comme ça…

(VK) Et le pire c'est que pour lui c'était normal, il est venu, vraiment… la réaction du groupe l'a surpris, il était surpris de voir : « Mais quoi, pourquoi ?»

(JC) Beaucoup de gens s'imaginent qu'on vit facilement de la musique, encore aujourd'hui. Moi quand j'ai parlé autour de moi de notre signature avec Massacre, on entend des gens qui disent « Ah bah c'est bon tu vas vivre de la musique maintenant ». Non, malheureusement, ça ne se passe pas comme ça ! On est obligés d'avoir des activités à côté. Le nombre de groupes qui vivent décemment de la musique aujourd'hui, il y en a très très peu. Il y a des gens qui vivent de la musique mais pas forcément de leur musique, ils vont faire des prestas pour d'autres musiciens, ils vont faire ingénieur du son, roadie, ce genre de choses. Mais aujourd'hui, vivre de la musique… Stratovarius ont attendu 6 ou 7 ans pour vivre de la musique [les références sont décidément Power pour JC] – 6 ou 7 albums pardon !

(VK) Moi j'ai lu une interview de Gene Hoglan [batteur pour Death puis Strapping Young Lad et Devin Townsend, Testament…] qui disait que quand Devin Townsend a dissout Strapping Young Lad il commençait seulement à en vivre. Alors que Strapping Young Lad c'était culte, déjà à l'époque où ils étaient actifs, ils jouaient devant des parterres de gens, dans le monde entier… et ils commençaient seulement à en vivre ! Incroyable.

(JC) Et puis après les gens ne savant pas forcément, donc c'est peut-être ça aussi, c'est peut-être là qu'il manque quelque chose, les gens s'imaginent qu'avec la musique on en vit facilement…

(VK) Oui mais je suis aussi d'accord, en tant que « prolétaire », que le prix du CD est démesurément élevé.

(UR) Indéniablement.

(VK) Avec l'offre qu'il y a maintenant, le nombre de goûts qu'il y a maintenant, on a envie d'écouter tellement de choses, on ne peut pas payer 20 balles pour un album ! Tu vois…

(JC) Ça je peux comprendre aussi.

(VK) Il y a trop d'intermédiaires, il y a trop de trucs, les maisons de disques s'en mettent trop dans la poche, il faut revoir les marges et il faut revoir les intermédiaires.

(JC) Je disais tout à l'heure, quand on va à la SACEM ils ont des beaux locaux. La SACEM les locaux ils sont nickel ils sont tout neufs ils sont très grands ! Quand on va voir après il y a une société de conseil aux artistes à Paris, là c'est une association, ils ont une sorte de minuscule bureau dans un bâtiment complètement paumé, limite en sous-sol, il y a un gars qui est là une ou deux après-midis par semaine, et il nous explique qu'avant qu'il nous aide, il faut qu'on aille faire un album, faire un single qui marche en Australie ou aux Etats-Unis, et après il nous aidera, quoi… voilà. C'est du vécu !

(VK) Le même jour en plus !

(JC) La SACEM le matin, ça l'après-midi… ça fait un choc. C'est vrai que là, là-dessus il y a certainement des gens qui se servent au passage.

(UR) Vous en tant que groupe récent, est-ce que vous en avez déjà ressenti les effets ?

(JC) Le téléchargement tu veux dire ? Oui on voit bien, de toute façon, quand on voit le nombre de gens qui disent avoir écouté l'album, qui aiment le groupe, qui suivent le groupe, et quand on voit les ventes à coté… il y a un décalage ! Donc oui, là forcément… Déjà, sur le 2 e album, Massacre a fait un travail pour essayer de limiter ça. Sur le 1 e album, on était un groupe qui sortait vraiment de nulle part, aucune histoire, rien du tout. On sort un album autoproduit : une semaine plus tard il était en téléchargement illégal sur des centaines de plateformes ! Là, sur celui-ci, ça commence, à un moment donné Massacre a assez combattu contre ça, a fait supprimer un certain nombre de liens, mais ils ne peuvent pas le faire tout le temps, et ça commençait à venir… Et oui c'est dur, on en pâtit c'est sûr. Mais bon ça m'est arrivé d'aller sur ce genre de trucs de téléchargements pour voir, et puis il y a des gens qui mettent des commentaires « woah super l'album merci de l'avoir mis en téléchargement »… Ne serait-ce qu'ils iraient payer 2€, je sais pas, par album quelque part, ça serait déjà ça. M'enfin voilà !

(UR) Le groupe le plus intéressant auquel nous avons posé la question est Marilion, qui s'est lancé dans l'auto-financement grâce à ses fans. Que pensez-vous de cette solution ?

(VK) Oui, c'est valable quand on s'appelle Marilion ! Après, [« Fifty Years Later »] il a été autofinancé hein^^

(JC) Oui, ça…

(VK) Nan mais il parlait dans le sens de la promo, de la distribution…

(JC) Il faut quand même avoir du monde autour de soi qu'on paie quand même pour le faire, je pense qu'il n'y a peut-être pas le nom d'un label mais j'imagine qu'il y a des gens, des managers autour, des gens qui travaillent pour eux, qui sont payés à faire ça [à voir…], là oui c'est possible. Mais voilà, pour nous… Anneke fait ça aussi je crois maintenant.

(VK) Anneke Van Giesbergen je crois que c'est ce qu'elle fait aussi également.

Sur ces bons mots, et ce dernier sujet apparemment assez sensible pour eux, nous les quittons. A la fin de son marathon promotionnel Johann nous gratifiera de quelques minutes (voire secondes) de partage de notre table avant de retrouver son lit je suppose… A la suite de cette journée, le groupe est parti pour l'Est en mars, pour le Girls On stage en avril, et sera le 4 mai à la Scène Bastille avec Whyzdom et Apparition. Good luck.

THE OUTCAST




 

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