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i   n   t   e   r   v   i   e   w   s
 
I R O N  B A S T A R D S


Interview réalisée par Adel', le 11 juin à Paris.
 

 

Adel : Salut David et David, parlons un peu de l'actualité de IRON BASTARDS. Vous étiez en concert au Troubadour (Metz) le 7 juin dernier, comment ça s'est passé ?

David SEMLER ( guitare ) : très bien! En plus on a joué avec un groupe de potes avec lequel on avait déjà joué, STRIP.

David BOUR ( basse/chant ) : Il y avait aussi d'autres copains, THE NUCLEONS PROJECT, c'était une bonne date ! Il y avait du monde, le son était bien, on s'est vraiment éclaté. On a pu déployer notre set tranquillement et les retours étaient bons donc, pour une première date de la tournée d'été, ça s'est très bien passé et puis on espère que ça va s'enchaîner pareil pour la suite.

Votre nouvel album, « Cobra Cadabra », parlons-en : comment s'est passé l'enregistrement, comparé à vos deux précédents albums ?

David S. : On a procédé da la même façon que le deuxième, on a enregistré en « live » pour la base musicale, guitare/basse/batterie et après on a ajouté quelques arrangements de guitare et ensuite David a posé les voix par-dessus.

David B. : Voilà, la base a été enregistrée « live », et le reste après en studio. On a repris les mêmes personnes que pour le second, Samuel Duchovski et Harold Feuerstoss qui sont de très bons amis, Samuel derrière la console et Harold pour la partie un peu plus technique. Le processus de composition a été un peu différent du second («  Fast & Dangerous » , 2016) : sur le second on était beaucoup sur des répétitions de concerts, on commençait à bosser un truc qu'on reprenait deux semaines après, c'était pas forcément le plus évident. Là, sur ce troisième, à l'inverse, on a eu beaucoup plus de temps, on a composé sur sept mois, donc on a pu étaler le processus de composition, on a pu retravailler un petit peu les détails et puis on sortait aussi de trois mois en Angleterre quand on a commencé à composer l'album, on avait fait 40 concerts, donc on a aussi pris du niveau, on s'est amélioré autant individuellement qu'ensemble, du coup le contexte était plutôt propice à l'inspiration. Ça nous a permis de poser les bases de cet album et de le développer beaucoup plus aisément que sur le précédent.

J'imagine qu'une fois que les bases des morceaux sont faites, le fait de les jouer en « live » transcende tout l'amas de travail qui a déjà été fait.

David S. : Oui ça repousse la chose!

David B. : Et puis il y a le regard sur les chansons aussi, on a fait 250 concerts en 5 ans, on joue une musique taillée pour le « live » et qui a vocation à être jouée sur scène, tout en étant (on l'espère) agréable et intéressante à écouter sur album. On a ce regard peut-être plus clair et plus direct sur comment tel ou tel morceau va sonner en « live », c'est aussi pour ça qu'on enregistre comme ça, on n'a pas envie de faire des trucs en studio qu'on serait incapables de reproduire en concert, ça c'est vraiment à l'inverse de notre philosophie. On a quand même une façon de faire assez « à l'ancienne ».

David S. : On dénature moins notre musique avec plein d'effets numérisés ou ce genre de choses… pour moi le vrai effet il est employé dans les doigts quoi, il est pas forcément sur un bouton. Ça apporte beaucoup plus de chaleur, plus de groove, à l'enregistrement, et puis c'est joué ensemble quoi ! Enregistrer chaque piste séparément, même si t'as le tempo et le rythme, il y a pas ce jeu instrumental qui se construit tout autour. Et c'est une musique qui s'y prête, c'est une base très Rock'n Roll, si tu perds cette chaleur-là, y'a pas d'intérêt à jouer cette musique.

L'année dernière vous avez sorti un album live, «  Keep it Fast! » , qu'est-ce qui vous a le plus surpris dans cette aventure anglaise ?

David B. : Ce qui nous a le plus surpris au niveau négatif, ce sont les conditions générales : t'es payé au lance-pierre, tu payes ta bouffe, tu payes tes boissons, on n'était pas forcément habitués à ça. On n'est pas des précieux mais ça nous a quand même marqués.

David S. : ça forge, l'Angleterre… je dirais, pas en terme de survie mais en terme d'hospitalité, après ça on est parés à tout faire.

David B. : on savait qu'on reprenait à zéro mais on ne s'imaginait pas à ce point-là. ( rires) Après, là où on était agréablement surpris, c'était au niveau du public, on était face à un public très réceptif ! Il y a encore un gros background de toute cette histoire musicale là-bas. Tu vois, le public qui était présent avait une moyenne d'âge de 35-50 ans, fortement masculin, tu sens la génération qui écoutait ce style de musique-là il y a une vingtaine d'années et qui continue à suivre, la nouvelle génération est peut-être moins là-dedans en Angleterre. Après, on pourrait peut-être parler de l'Angleterre en tant que pays… c'est un peu morose pour être honnête, dans certains aspects. C'est quand même assez différent de la France au niveau culturel, par exemple on parlait d'hospitalité, mais ça c'est nos mots à nous, après ils sont pas forcément inhospitaliers.

David S. : Même le Rock en général, c'est moins vivant qu'en Allemagne, là-bas, la culture Rock n'est plus aussi actuelle que dans d'autres pays. Ils se reposent sur un acquis culturel qui a pas dépassé la fin des années 80 et ça reste là-dessus quoi. C'est pour ça, justement, qu'on se retrouve à jouer face à des gens qui ont entre 35 et 50 ans généralement… c'est même pas un problème, c'est un constat!

David B. : là, le concert qu'on a enregistré, c'était au Unicorn (Camden, Londres), c'est un des meilleurs concerts qu'on ait fait pendant ces trois mois passés en Angleterre. C'était pas prévu qu'on en fasse un album « live », en fait, quand on est arrivés, l'ingénieur du son nous a dit qu'il enregistrerait, pour 20£, il nous donnerait l'enregistrement. Pour te dire à quel point on était dans la dèche, les 20£ c'est moi qui les ai sorties de ma poche, parce que la compta du groupe ne le permettait pas. Et on s'est retrouvé avec les pistes, au début on s'est juste dit : « ça nous fera un bon souvenir de Londres » et, en fait, ça sonnait bien, les morceaux étaient plutôt bien joués, il y avait une bonne ambiance… on s'est dit : « Bon, quitte à avoir un bon témoignage de notre expérience anglaise, peut-être que que ça intéressera d'autres gens. ». Et c'est ce qui s'est passé !

Restons un peu en Angleterre. J'imagine que les comparaisons avec Motörhead ça doit vous arriver tout le temps…

David B. : oui oui !

David S. : t'es pas le premier ! ( rires )

Je vais justement me détacher un peu de ça. Est-ce qu'il y a des groupes qui vous ont influencés et auxquels on ne vous compare jamais ?

David B. : Thin Lizzy.

David S. : si, le mec de l'interview d'avant a dit qu'il sentait une petite influence de Thin Lizzy.

David B. : Deep Purple… nous on écoute du Rock depuis ces années jusqu'à ce qui se fait maintenant. Alors je dirais que, dans notre musique, on fait un peu l'impasse sur les années 90, c'est pas forcément là où on a le plus à choper… on est des gros fans d'AC/DC aussi, pareil, c'est pas forcément des trucs évidents tout de suite, mais pour nous c'est un background musical qui reste. Après, voilà, la comparaison avec Motörhead… la formule, la voix, c'est vrai, mais nous on est des gros fans de Motörhead, on connaît bien le groupe. Et généralement on connaît même mieux que ceux qui nous disent « oui mais c'est du Motörhead ce que vous faites ». Je réponds « Ah.. c'est un peu réducteur ce que tu dis! » ( rires ) On a des influences blues/rock aussi, David est peu plus fan de Heavy Metal que moi…

David S. : même de Rock sudiste, c'est assez variable. Je sais que ce qui m'inspire, ça va d'Iron Maiden à Lynyrd Skynyrd, en passant par du Rock Progressif des années 70 tel que Caravan Soft Machine, et ça, je pense que c'est pas ce qui vient en premier à l'esprit des gens en écoutant notre musique mais, parfois, ça m'arrive de m'influencer de ces groupes-là, quand j'entends un riff, une sonorité, une couleur, j'essaye de les caler dedans quoi… même si ça s'entend pas forcément, mais ça enrichit mon jeu, ça enrichit certains motifs que je peux exploiter dans des soli de guitare par exemple. Y a même des fois du Pink Floyd, sans s'en rendre compte, par exemple la fin de « Cobra Cadabra », pour moi, c'est clairement parce que j'avais écouté un morceau de Pink Floyd la veille, tu vois… David avait trouvé toute la cadence.

David B. : en fait on l'avait composé à l'envers ce morceau! ( rires ). Ca définit l'évolution du groupe, on est partis sur cette base-là, un peu à la Motörhead, à la base ce projet c'est typiquement un projet de copains qui jouent dans un garage pour rigoler. On a commencé la première répétition avec 1h de retard ! ( rires )

David S. : pour un groupe de « Fast » Rock'n Roll, c'est pas mal quand même…

David B. : et on a fait des reprises de Motörhead pendant un an, pour se marrer, et puis on a apprécié jouer ensemble, pour l'aspect musical et humain. Et puis c'est devenu un projet sérieux qui prend du temps et, à un moment donné, on a entamé un premier album et, l'évolution du groupe, ça a été d'incorporer des influences qu'on ne savait pas comment utiliser au début, et ça, c'est la maestria que t'acquiers quand tu joues beaucoup, quand tu répètes beaucoup et que tu fais beaucoup de concerts. Autant, sur le premier album, la comparaison avec Motörhead, oui, carrément, on va pas dire le contraire, ça me fait plus chier quand on me dit ça sur le dernier album. C'est pas que c'est faux mais c'est pas complètement vrai non plus.

Ma prochaine question se résume à trois mots: pourquoi le serpent ?

David B. : Alors, le serpent c'est un grand symbole de vie et de mort, de santé et de maladie.

David S. : de sagesse aussi. Justement, il y a souvent ce lien entre la mort et la renaissance.

David B. : c'est l'aspect circulaire des choses, l'Oroboros, le serpent qui se mord la queue. Ça peut être un symbole très agressif… et le serpent c'est quelque chose qui se faufile, te chope, te mord et puis te fout son venin dans les veines : c'est un petit peu ce qu'on essaie de faire avec notre musique !

David S. : et ça guérit aussi ! Le Rock'n Roll peut aussi sauver le monde, quoi.

David B. : On chope ces thématiques pour les développer au niveau des paroles aussi, le côté « morsure », l'album s'appelle Cobra Cadabra , il y a un aspect mi-psyché, mi-ésotérique. C'est une espèce de formule magique : « Cobra Cadabra »! » et le Rock'n Roll va sauver le monde ou, en tous cas, nos âmes.

J'imagine qu'au cours de vos derniers concerts vous avez joué des morceaux de votre nouvel album, quelle a été la réaction du public face à ces nouveaux morceaux ?

David S. : assez surpris je pense, des nouvelles sonorités que peut avoir le nouvel album… mais sans déplaire.

David B. : je trouve que ça se marie très bien avec les anciennes chansons. On a des morceaux comme « Pancho Villa », « Jungle Speed », que ceux qui nous suivent depuis le début aiment entendre et que, nous, on veut jouer, mais on n'a pas forcément envie de refaire les mêmes chansons. Et ça permet d'avoir un set assez varié, on a une certaine expérience « live », qui nous permet de gérer le tempo d'un concert. Ça va vite tout le temps, mais on rajoute de la nuance quand même.

Iron Bastards s'est formé il y a environ 6 ans, en 6 ans comment percevez-vous, à votre niveau, l'évolution du public « Heavy Metal » en France ?

David S. : moi, je trouve ça cool parce que t'as une nouvelle génération qui revient à des goûts plus classiques comme la « New Wave of British Heavy Metal » ou du Speed Metal un peu « old school », et ça tu le remarques ! On voit le retour des vestes à patchs, de la part de jeunes qui ont entre 16 et 18 ans, ou même avec toute la vague qui a participé au « revival » 70's depuis 2013 ou quelque chose comme ça, et qui fait que ça croît depuis. Je trouve ça cool, le Rock'n Roll revit ! Parce qu'il était mort, vraiment, je pense qu'il y a une grosse période où il était pratiquement mort. Et là, il renaît avec de nouvelles têtes, de nouvelles gueules, et on est conscient qu'on participe un peu à cette nouvelle vague-là. C'est trop cool !

David B. : ça va même plus loin qu'un « revival », je trouve qu'il y a une volonté de réécouter cette musique et d'avoir des nouveaux groupes. Il y a une tranche du public (sans vouloir critiquer, c'est juste un constat) qui se contente d'aller voir les mêmes groupes et ce sont beaucoup les mêmes groupes qui font les grosses scènes, sauf que ces groupes-là commencent à être vieux et, à un moment donné, il faut pas louper le coche de l'émergence d'autres groupes parce que, sinon c'est toute une scène qui risque d'avoir vraiment très mal. Moi je m'inquiète de ce que va devenir le Hellfest quand il n'y aura plus Iron Maiden, Ozzy Osbourne et cie.. pour faire venir 100 000 personnes. Et je pense que c'est un coche à ne pas louper, tant pour les groupes que pour les organisateurs, nous, on fera notre part du boulot mais on peut pas tout faire, et heureusement, on n'est pas tous seuls à le faire.

David S.: mais le Rock revient, assez timidement mais il revient ! J'ai aucun doute là-dessus. Le Rock est redevenu un peu underground, il est moins pourri par le côté « pop », les motifs sont authentiques, ils sont pas là pour plaire. En fait, certainement, le Rock est victime de son succès, c'est ce qui l'a pourri et c'est ce qui fait que ça n'a plus intéressé grand monde à une époque, parce que les groupes ont trop abusé de certains motifs musicaux qui ont fait que cette musique a pu déplaire.

David B. : ça fait plus peur…

David S. : ouais ça fait plus peur, c'est plus intéressant, ils ont fait le tour. A force de bouffer dans la même assiette, tu finis par creuser dedans quoi !

Je me demande même si c'est pas justement le fait que ce soit plus underground qui fait ça revient, le fait de sortir de sous les projecteurs et de retrouver une certaine dose de liberté.

David B. : totalement, parce que, avant, l'underground, tu le trouvais seulement dans le Punk et le Grindcore, ce genre de choses. Maintenant, le Rock, il y revient. C'est pas pour rien qu'on fait des fins de soirées de festivals de Grindcore, des fois… c'est assez intéressant, c'est là que tu vois le lien qui existe entre toutes ces scènes-là.

David S. : c'est là que tu vois que t'appartiens à la grande famille du Rock, et que le Rock, au-delà de la musique, c'est un état d'esprit aussi et qu'on s'éclate de voir qu'il y a des « keupons » qui sont réceptifs à ça. Même nous, ça nous plaît, dans le sens où on n'est pas un groupe de « poseurs » quoi ! Ça reste aussi authentique.

Sur Cobra Cadabra , quelle chanson a représenté le plus gros challenge à enregistrer ?

David B. : « You Only Live Twice », celle avec l'harmonica… pas forcément fastidieuse mais y a eu du travail ! Déjà parce qu'on a rajouté un membre, Vincent, qui a fait la pochette aussi...

David S. : et la structure est beaucoup plus complexe, y a énormément de variations, des passages assez inhabituels par rapport à ce qu'on peut faire d'habitude.

Ça tombe très bien que me parliez de celle-là parce ma prochaine question porte là-dessus. Dans le Rock, celui que vous jouez aussi, il y a beaucoup cette notion de vivre sa vie à fond la caisse, « on ne vit qu'une fois » justement, il y a toutes ces phrases-là qui reviennent un peu. Du coup, je me demandais, pourquoi « You Only Live Twice » ?

David B. : alors, le titre, ça vient d'une une de journal sur laquelle j'étais tombé en Angleterre. C'était l'histoire d'un journaliste ukrainien qui s'était fait passer pour mort pour, en gros, pointer du doigt les Russes. Et puis, le lendemain, le type a dit en fait qu'il n'était pas mort, et du coup le titre en une c'était « You only live twice ». Et ce titre, ça m'a accroché, ça a fait tilt ! Ça m'a donné un bon titre par rapport au texte de la chanson qui raconte nos péripéties anglaises. Vincent joue avec nous dessus, il était avec nous en Angleterre donc il a vécu toutes nos galères, tous nos moments, les difficultés, tous les concerts qui se sont bien passés aussi, et c'est un peu de tout ça dont ça parle. Parce que, quand on est partis en Angleterre trois mois, on a laissé nos copines, nos boulots et nos apparts pour aller se taper un délire là-bas et il y a avait un peu le côté « on a repris à zéro ». D'où la phrase « You only live twice ».

David S. : ça rejoint aussi la thématique du serpent dans l'absolu.

Oui c'est vrai!

David B. : tout est lié!

David S. : il y a un vrai concept…

C'est à croire que c'est fait exprès… Le serpent qui attaque et qui revient pour attaquer une deuxième fois!

(rires )

Dernière question : quel serait votre message à tout le monde ?

David S. : écoutez du Rock !

David B. : vous valez mieux que le monde dans lequel vous vivez.

Ce sont deux très belles phrases! ( rires ) Merci beaucoup les gars!


Le site du groupe : https://www.facebook.com/ironbastardsrocknroll/

Adel


   

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