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    CONFERENCE DE PRESSE : LORDI février 2013 - HARD ROCK CAFE, Paris  
 

- Nous sommes mi-février : Lordi vient de mettre en carton « To Beast Or Not To Beast », son 6 e (7 e pour les puristes) album, et s'apprête à partir le défendre en tournée. Entre les deux, ils décident de gratifier l'Europe de quelques soirées promotionnelles, dont celle à laquelle participa UltraRock au Hard Rock Café : Mr Lordi et Mr Mana, en costumes comme il se doit, après une après-midi où ils auront rencontré, apprendra-t-on, Swan de Blackrain, pour un brin de causette entre trois musiciens tout aussi monstrueusement costumés… Notre heure venue, si Mr Lordi ne tombe toujours pas le masque, il nous révèle en revanche un bonhomme enthousiaste et volubile, accessible et plutôt à l'aise dans l'échange, tout sourire dès que l'intervenante est féminine, et ne se départissant lors de la demi-heure ni de son humour ni de son verre de…
 
 

(Mr Mana) Whisky ?

(Mr Lordi) Oh non c'est du jus de pomme

(M) Hmm, du jus de pomme, dis-tu ?

(L) Et quel fort jus de pomme ! On lui trouverait même un goût de Whisky…

- Mr Mana, quant à lui, caché derrière ses crocs de sanglier, a beau être l'une, avec la claviériste Hella qui l'a suivi de quelques mois, des plus fraîches recrues du groupe, qu'il aura intégré dans des conditions pas évidentes suite au décès d' Otus au printemps dernier, il n'en semble pas moins déjà presque blasé… Faisons donc vite les présentations :

(M) Avant Lordi ? je jouais de la batterie. Oui, dans des groupes.

- Voilà, et venons-en à l'actualité du groupe, et premièrement, leur signature chez AFM, Sony ne gérant plus désormais que leurs sorties finlandaises, comme à leurs débuts…

(L) Nous avons changé de management, et nous en avons profité pour faire de même avec notre label, pour nous réorienter vers des gens plus efficaces. Sony est un géant et c'est évidement un bon point de signer chez un géant, mais nous avons vite compris que c'est aussi être un groupe perdu au sein d'une masse où se trouvent également des monstres comme AC/DC… Nous restons donc chez eux pour la Finlande, mais pour le reste du monde nous avons besoin de quelqu'un qui fera plus pour nous. Après tout, nous sommes passés par pas mal de monde au cours de notre carrière : il y a eu Sanctuary, qui a fait faillite, il y a eu Gun, qui a également fait faillite, dès notre arrivée d'ailleurs, à croire qu'on a vraiment la poisse… il y a eu Drakkar aussi, avec qui les choses se sont toujours bien passées d'ailleurs…


 

 
   

- C'était dans toute la première partie des années 2000, jusqu'à l'époque de cette fameuse Eurovision athénienne. Par la suite, on notera, plus que ces changements de labels, les changements de production puis cette association avec Michael Wagener, association surprenament productive (quel bon mot) qui le conduira à produire de nouveau ce « To Beast Or Not To Beast », et dans les mêmes studios de Nashville ! Auraient-ils trouvés une formule gagnante ?

 
   

L) Travailler avec Michael est de nouveau totalement génial. Il est aussi gamin que moi, c'est sans doute pour ça que ça fonctionne si bien. Vous savez, lorsque vous mettez vos gosses de 5 ans à jouer ensemble, ils s'entendent toujours et s'inventent des jeux formidables. Eh bien c'est ainsi que ça fonctionne entre Michael et nous… Mais pourquoi tu te marres, toi ?

(M) Parce que c'est tellement vrai que tu es gamin…

(L) Ce coup-ci ça a même été encore plus facile qu'auparavant puisque, s'étant si bien entendus la fois précédente, nous avons fait une première pour Lordi en rengageant le même producteur pour 2 albums de suite, et, ayant fini par réellement nous connaître, nous avons juste repris les choses là où nous les avions laissées avec « Babez For Breakfats ». Ça nous a évité toute la phase de prise de contact, et l'on a tout de suite pu échanger en toute simplicité… et se disputer franchement sans honte, aussi ! C'est important.

- Il serait même franchement partant pour remettre le couvert pour un troisième album, nous dit-il… Alors, le résultat de tout ça, à quoi ça ressemble ? Plus dur, plus agressif que tous les albums précédents nous dit Mr Mana… Détails avec Mr Lordi :

(L) L'album est clairement plus agressif, ce que j'attribue à Otus. Lorsqu'il nous a rejoints il nous a révélé un style de jeu complètement différent de celui de Kita, aux batteries avant lui… C'était tellement plus technique, tellement plus purement Metal… Jusque-là, nous étions à 100% dans le Metal 80s, et son arrivée a donc introduit dans notre monde tout ça : [là il commence à nous mimer des parties de batterie, entrecoupées de remarques de Mana sur son « jeu »]. A l'origine, nous étions partis pour refaire un disque 80s à la « Babez For Breakfast », un truc soft, branché mélodie et « Woohoo, party ! », mais son arrivée nous a fait prendre conscience que nous avions désormais de nouvelles possibilités… En quelque sorte, Kita nous restreignait à un style d'écriture plus simple, car on écrivait en pensant à son jeu, on n'aurait jamais pensé à écrire des choses pareilles, car on ne le voyait pas les jouer. Et même si nous y avions pensé, on ne l'aurait pas fait car on ne le pensait pas capable de l'enregistrer. Alors qu'avec Otus on s'est tout simplement lâchés, on pouvait pondre ces titres, alors maintenant, pourquoi s'en priver ? Et pour la première fois, ce n'est pas moi qui ai inauguré l'écriture mais Amen, notre guitariste, qui est parti de trois riffs écrits sous l'inspiration du jeu d'Otus. Lorsque je les ai entendus, j'ai tout de suite décidé de me lancer dans cette direction. Nous nous sommes donc mis au travail, nous avons écrit tous les titres, nous avons fait des démos, et… Otus est mort. Merci, mec ! Nous voilà obligés de trouver un nouveau gars. J'avais quelqu'un en tête, capable du même style de jeu, mais il nous fallait obligatoirement un mec branché 80s et connaissant ses classiques : Kiss, Alice Cooper, Twisted Sister… Et, aussi, j'aurais bien aimé trouver quelqu'un de sympa, un mec bien, mais bon, finalement on a juste ce crétin. M'enfin on va faire avec, il joue pas si mal… Oh, allez, rassied-toi ! Bref, merci Otus, tu nous as bien fait chier.

- Ne vous offusquez pas de la façon dont il s'adresse au regretté Otus, Mr Lordi a une façon bien à lui d'envisager la mort d'une personne, qu'il nous exposera volontiers. La conférence ayant lieu le jour exact de sa mort à un an près, le sujet prend un sens particulier…

(L) Non, je n'ai absolument aucun problème à parler de lui. Vous pensez que garder le silence sur quelqu'un qui est mort va le faire revenir ? Au contraire, plus on parlera de lui et plus il restera vivant ! Et puis vous savez quoi ? Si je me mettais à faire des « gna gna gna », Otus serait le premier à me dire « Espèce de petit merdeux, poule mouillée ! T'es un mec ou t'es une Mickey ? »

- Le groupe a tout de même réussi à faire figurer Otus sur « To Beast Or Not To Beast », au travers de la piste « Otus Butcher Clinic », le 6 e « Scartic Circle Gathering », cette fois en conclusion d'album.

(L) Vous savez, si vous vous adressiez à un autre membre du groupe il est probable qu'il réagirait différemment. Mais chaque personne est particulière, et chacun a sa propre façon de réagir à la mort, la tristesse, et à toute cette merde. Moi, je sais parfaitement qu'Otus aurait été le premier à nous filer son nouveau numéro, là-haut, pour qu'on l'appelle et qu'il nous dise : « désolé de vous lâcher comme ça les gars, mais tenez, prenez ces téléphones de potes batteurs à moi et appelez-les, vous trouverez forcément la bonne personne pour me remplacer ». Faire « Otus Butcher Clinic » ne nous a pas fait pleurer, non… Non, en réalité nous avons surtout eu du mal à trouver des bandes d'Otus à utiliser ! Le problème est qu'il nous a rejoints juste après la sortie de « Babez From Breakfast », donc après les sessions, et que ce salaud est mort au moment même où on faisait les démos pour le prochain ! On se retrouvait ainsi sans aucun enregistrement de lui pour Lordi… On a dû prendre son disque dur, et fouiller tout ce qu'il avait. On a ainsi trouvé le backing track qu'il avait préparé pour ses solos de batterie sur scène, et nous avons décidé de l'inclure, tel qu'il était et avec ses effets, car il était aussi très bon technicien audio et c'était très bien fait. On a juste rajouté quelques boucles et quelques rythmes en plus afin de rendre la chose plus consistante… Et au dernier moment, vraiment à la dernière minute dans le studio de Nashville, Amen re-parcourait le disque d'Otus, pour une raison que j'ignore, et le voilà qui surgit dans la cabine, où j'étais avec Michael : « vous ne devinerez jamais ce que j'ai trouvé ! un vrai solo d'Otus, enregistré lui-même ! », et d'ailleurs ici-même à Paris, lors de la dernière tournée. C'était vraiment le seul enregistrement qu'on avait de lui… Michael s'en empare immédiatement, et commence à tout écouter, il s'empresse de checker et re-checker pour voir si on pouvait en faire quelque chose… et heureusement ça s'est fait : c'est vraiment le seul enregistrement d'Otus pour le groupe ! Il a dû l'enregistrer avec sa caméra ou même son iphone derrière son kit, et Michael a fait de son mieux pour exploiter ça. On devait de toute façon l'utiliser d'une manière ou d'une autre. Durant toute notre recherche on avait l'impression d'avoir Otus au-dessus de nous, nous enjoignant : « cherchez dans mon disque les gars, vous allez trouver »…

 
   
- Le moment est venu d'aborder le contenu musical du disque. S'il est effectivement plus dur que jamais, il ne sort évidement pas de la ligne traditionnelle musicale du groupe telle que Mr Lordi la conçoit, et nous l'expose :

(L) Je vais vous dire comment je vois les choses : même chez un groupe comme Pantera, les morceaux sont essentiellement rythmiques, mais ils ont tous un fond de mélodie, et c'est grâce à ça que mes oreilles peuvent comprendre ce qui se passe et suivre. Je peux ressentir la musique là-dedans. Même chez Rob Zombie, la mélodie est encore plus faible, mais elle existe quand même. Dans le Death ou le Black, c'est autre chose : je vois parfaitement le travail, le savoir-faire, la virtuosité, les musiciens m'épatent, mais la musique m'échappe. Je ne peux pas suivre quelqu'un qui chante comme ça : [et là, il se livre à une magnifique imitation entre Black Metal, singe s'agitant au zoo, et cochon à l'abattoir]. Et pourtant, j'adore Udo Dirkschneider, Chronos de Venom, Lemmy… c'est autre chose. Il y a une mélodie, des notes à suivre, et pour moi c'est nécessaire. King Diamond est un de mes groupes préférés pourtant, mais je n'y arriverais pas s'il chantait comme ça : [et c'est au tour du Death de se voir gratifié d'une prestation comme sortie du gosier d'un suidé]

(M) S'il chantait comment, dis-tu ? Je n'ai pas bien saisi…

(L) [et d'y aller de magnifiques grognements encore plus profonds] C'est la raison pour laquelle je n'y arrive pas. Et c'est dommage car j'adorerais parvenir à écouter cette musique. Children Of Bodom par exemple, je vois bien des choses splendides dans ce qu'ils font, mais ce son… que voulez-vous que je vous dise, ça ne me touche pas, ça ne me fait pas vibrer. Mais Pantera, dont on parle, et Rob Zombie, sont des groupes tellement plus soft et gentils par rapport à des choses Black et Death…


   
   

- Entrons donc dans le vif de l'album, et le délicieux titre « Sincerely With Love »… le beau refrain « Fuck you asshole » serait-il adressé à Michel Drucker comme une personne le suggère ? Mr Lordi semble se rappeler de qui il s'agit, mais nous livre une explication plus haute en couleurs de son titre…

(L) Quels mots peuvent être compris de n'importe qui, où que ce soit sur la planète, malgré le niveau d'anglais de la personne ? Réfléchissez… [il se met à chantonner] Hello, good day, thank you… Fuck you ! Voilà qui est bien universel, non? Tout le monde comprend ces mots. J'ai donc voulu écrire un refrain avec ces paroles, qui pourra être compris de n'importe qui. Et puis, je veux tenter une expérience lors des festivals d'été : je veux que tout le monde chante ça dans le public, mais je veux dire tout le monde ; car en festival c'est toujours pareil, tu as les die-hard fans au premier rang, les gens qui nous aiment bien dans les 10-15 mètres derrière, plus loin ceux que j'appelle la « Rock police », qui se tiennent comme ça [il nous regarde les bras croisés en hochant la tête] à hauteur des tables de mixage, et enfin, tu as ceux qui se fichent éperdument de toi et attendent le groupe suivant, les plus hostiles étant forcément ceux au stand de bière. Alors je me suis demandé quel titre pourrait faire chanter tout – mais alors tout le monde, vraiment ?

(M) Et ça ne pouvait pas être plutôt quelque chose comme « S'il-vous-plaît Monsieur » ? [En français à l'accent parfumé…]

(L) Non, non…

(M) Pff, il fallait bien que ça soit « Fuck you asshole »…

(L) Ce que j'espère, c'est que nos fans comme nos ennemis chanteront en chœur. Représentez-vous la scène : vous êtes au festival et vous nous détestez, pouah ! Lordi… vous êtes en train de vomir à pleins poumons « Je déteste ce groupe ! », vous êtes évidement au stand de bière et vous ne cessez de nous adresser des « Fuck you ! »… et en fait vous êtes déjà en train de chanter notre refrain, une bonne demi-heure avant qu'on attaque le titre ! Vous êtes là, « Fuck you ! you fucking suck, assholes », et voilà notre titre qui commence… tout le monde commence à reprendre le refrain avec nous, et vous aussi sans vous en rendre compte, toujours au stand de bière… J'attends vraiment de voir ce que ça va donner ! Bon, je n'aurais peut-être pas dû vous le dire d'avance, j'espère que ça ne va pas retomber comme un soufflé…

- Autre titre, autre question, autrement existentielle : Comment Lordi ose-t-il ridiculiser le Diable dans « The riff », premier single du disque ? Parce qu'ils sont… « Les Stryper des temps modernes ! » dixit Mr Lordi… qui va tout de même tenter de répondre tout aussi existentiellement… non, en fait, comme s'il parlait d'une BD :

(L) C'est pour ça qu'on a fait ce titre figurez-vous, car Satan le diable, le… enfin, ce personnage de fiction, est devenu une vraie idole dans le monde Metal… ça me donne juste envie de gueuler : « merde ! c'est un personnage de contes de fées ! arrêtez ! »

(M) C'est Mr Lordi le nouveau diable.

(L) Je veux ! Sur « Get Heavy » on avait fait « Devil is a looser » et vous n'imaginez pas le monde qui s'est plaint… « Horreur ! il ne faut pas se moquer du diable ! »… mais bon dieu vous vous rendez compte que vous ressemblez à de vieilles grand-mères ? J'ai juste envie de crier. « Meeerde ! Arrêtez ! Allô ?! [Hommage gratuit de ma part] ». La seule raison de ce titre est ma lassitude de voir tous les métallleux avec leurs « Devilllllll ! ». C'est cool hein ne vous méprenez pas, le Diable est un personnage plutôt cool, moi aussi je le trouve fun. Mais quand j'entends « Je hais l'église ! Je hais la religion ! J'encule Jésus ! J'encule Dieu ! » et tout et tout, j'ai envie d'entendre la même chose sur le Diable. Ça ne devrait pas prendre une telle proportion. Moi, j'enculerais bien le Diable ! Amenez-le-moi !

- Et l'album se prête à bien d'autres questions existentielles : il s'appelle « To Beast Or Not To Beast », contient « Something wicked this way comes », et sa (belle) pochette représente une fille au look années 40 tenant un crâne… Fichtre, Lordi serait-il féru de Shakespeare ?

(L) Hamlet, dites-vous ? Non, sérieusement, c'est une blagounette. A la base, on voulait appeler le disque « UpgraDead », un jeu de mots… Et j'ai commencé à réaliser cette pochette (je fais toujours les pochettes du groupe), qui ne me satisfaisait pas. J'ai tenté divers recadrages, puis j'ai fini par tout virer pour ne garder que cette fille au look vintage avec son crâne. J'ai montré ça à Amen pour avoir son avis, et il a aimé mais il m'a dit « par contre on ne comprend plus le titre… là, c'est plutôt Hamlet, to be or not to be »… et on a tout de suite tilté : To Beast Or Not To Beast ! Génial ! On a notre titre ! On s'empare donc du téléphone pour appeler le label immédiatement, car les bandes avaient déjà été envoyées au pressage : « On a un nouveau titre ! On a un nouveau titre ! On peut le changer ? Il n'est pas trop tard ? » Autant vous dire qu'ils n'étaient pas ravis… « Oh vous exagérez, l'album a été envoyé, il va être pressé… », Mais on a insisté : « Oui mais notre titre est super, c'est To Beast Or Not To Beast ! », et ils ont fini par abandonner : « Bon, OK, on va voir »… Donc c'était vraiment un changement de dernière minute, au sens propre. Mais maintenant n'allez pas chercher de références à Hamlet, notre titre ne collait plus à la pochette, voilà tout.

 
   


 
   

- L'album étant pressé, le groupe attaque la nouvelle tournée (qui passera par chez nous pour le Hellfest) dès le mois prochain, et le programme est alléchant… Des nouveaux costumes, une nouvelle scène, mais pas que.

(L) Le show sera neuf, on a tout revu. La setlist est complètement différente. Ça fait dix ans qu'on joue les mêmes titres tous les soirs, à peine variés par quelques-uns de chaque nouvel album. Cette fois, on en a 7 ou 8 de « To Beast Or Not To Beast », là où l'on n'en incluait que 4 ou 5 auparavant. Ça va représenter une bonne moitié du show ! Et on écartera des titres trop joués, vous savez, « Get heavy », « Biomechanic man »… vous ne les aurez plus. En revanche on va inclure des morceaux quasiment jamais joués, dont quelques surprises : vous savez qu'on a sorti « Scarchives », qui contient l'album de 1997 jamais paru ? Eh bien dans la même idée, on a décidé de jouer un inédit de « Get Heavy », qui s'appelle « Hulking dynamo ». Avec tout ça, ce sera la tournée la plus fraîche qu'on ait faite.

Et comment l'aborde Mana, qui va faire ses premières armes Live dessus ? Eh bien avec le même flegme…

(M) Oh, je ne suis ni effrayé ni même anxieux. Là je prends mon pied : être ici, à Paris… n'est-ce pas magnifique ?

(L) Oui, pour l'instant c'est magnifique…

(M) Ça l'est…

(L) Tu feras moins le malin une fois cette tournée amorcée ! Je te promets une douche froide…

(M) Ecoute, laisse-moi apprécier l'instant présent.

(L) Oh oui, le cauchemar est sur le point de commencer !

Et après la tournée ? Il y a d'abord des projets déjà en route, comme « Lordi The Film », ce documentaire sur le groupe, où certains espèrent déjà les voir révéler leurs visages…

(L) On sera effectivement le visage à l'air libre dans le film, mais… nous ne le montreront pas à la caméra ! Hin hin… C'est quelque chose qu'on tourne depuis deux ans, enfin, « on »… pas nous même, d'autres le tournent pour nous. On va encore tourner durant les prochains festivals, cet été, et il devrait sortir l'année prochaine. Il s'agit d'une vision de l'envers du décor si vous voulez, de tout ce que vous ne voyez pas. Par exemple, je vais vous surprendre, mais nous n'avons pas toujours cet aspect monstrueux. Eh oui ! Le matin, lorsque je me réveille, je ne ressemble pas à ça. Le soir en me couchant pareil…

(M) Ah ? moi si.

(L) Oui, oui, toi oui, on sait. C'est d'ailleurs pour ça qu'on t'a choisi. Sinon, vous verrez dans le documentaire des choses comme des répétitions, ou les membres dans leur vie quotidienne. Vous me verrez par exemple nourrir mes serpents domestiques, promener mon chien, parler au téléphone, juste… composer, aussi. Bref, nous au quotidien. Et pas de visages ! Mais on se révèlera un petit peu, par exemple vous verrez des gros plans sur mes lèvres quand je parle, mais rien de plus… les mêmes lèvres que vous voyez maintenant, donc rien de neuf.

(M) Ses vrais lèvres sont effectivement noires.

 
   

- Peut-être des photos d'enfance, au moins ? Histoire de les voir autrement que maintenant mais vraiment eux ? Allons, quand-même…

(L) Hm, peut-être, je ne sais pas…

(M) Même enfant il était comme ça.

(L) Bien dit [joli rot, amplifié par le micro] Excusez-moi… c'est le jus de pomme écossais !

Un autre projet cinématographique qui pourrait aussi voir le jour à plus long terme, ça serait un vrai film d'horreur réalisé par Mr Lordi, « Dark Floors », leur premier essai, étant passé relativement inaperçu…

(L) Le truc, c'est que les producteurs, financeurs et autres huiles assis sur l'argent on jugé ce film sans espoir, et nous ont tout cassé, à moi et au metteur en scène. Mais que voulez-vous, c'est eux qui sortaient l'argent donc bon… Ceci dit, je ferai, tenez-vous-le pour dit, un vrai film un de ces jours, j'y suis bien décidé ! Un putain de truc épique, croyez-moi ! Mais… ça implique beaucoup de choses : tout d'abord, trouver un financement sûr, et surtout, du temps. Même Dark Floors s'est révélé compliqué à faire, et pourtant je n'étais en charge que du scénario, de quelques effets spéciaux, et d'un petit rôle – on parle d'une minute et demie à tout casser ! Malgré tout, caser tout ça dans mon planning fut un casse-tête. Impossible de tenir un tel projet et une tournée en même temps, donc, si je m'y lance, ça implique une pause pour Lordi. Mais je meurs d'envie de le faire.

 

 
   

- Souhaitons-lui bonne chance pour ce projet ; et des projets il n'en manque pas… cela inspire une question à certains : quel serait son projet rêvé, celui qui constituerait le défi qu'il serait le plus fier de relever ? Aller, comme ça, tu dirais quoi ? A première vue, pas grand-chose… il se trémousse sur sa chaise à la question, mais est bien en peine de répondre. Il imite la sonnerie d'un portable venant de sonner (il se sera montré très doué au cours de la soirée, imitateur est une autre carrière manquée de Mr Lordi), mais…

(L) Mec, je ne sais pas quoi te répondre… et c'est rare que je n'aie rien à répondre ! Aucune idée. Mais j'avoue que je prends rarement les évènements comme des défis à relever, je les prends juste comme ils viennent. J'avance, je ne me soucie guère d'autre chose. Je me soucie juste de faire ce que je veux, ce que j'ai envie de faire, et je ne me pose pas de question sur les autres ou sur comment ce que je fais sera pris. J'apprécie que mon travail plaise, mais je me concentre sur ce que je veux faire avant tout, indépendamment de cela. Ce n'est pas un défi pour moi, c'est la manière normale d'avancer. Bref, je ne peux pas vraiment répondre à ta question. Tu pourrais, toi, Mana ?

(M) Moi je veux faire une belle tournée américaine avec ce disque.

(L) Ah ouais, ça pourrait être un défi…

(M) Avec le Madison Square Garden à la clef !

(L) Oh, tu parles d'un défi ! Mais bon, on parle de rêve ou de réalité ? Si tu me demandes des rêves c'est autre chose. Ou des cauchemars, gnéhéhé… Hm, bref, cette question est trop difficile pour moi, suivante ! Je ne vais pas en dormir… je te rappellerai demain !

On peut leur demander, pour rester dans la réalité, quel producteur ils choisiraient s'ils avaient le choix, le groupe étant connu pour en changer régulièrement… Et là effectivement les idées ne leur manquent pas :

(M) Moi je dirais Bob Ezrin.

(L) Ah oui, oui…

(M) Sinon ?

(L) Sinon Bob Ezrin ? Ou alors je pense à Bob Ezrin.

(M) Il y a Bob Ezrin aussi.

(L) Attend… et Bob Ezrin ? Bon, non, je suis sérieux, Bob Ezrin j'adorerais.

- Entre le rêve et la réalité, il y a les éternelles idoles de Lordi, l'essence de la création du groupe : Kiss. Mr Lordi (alors simple Tomi Putaansuu) a commencé sa carrière « musicale » par la direction du Fan Club local de Kiss, et Lordi doit au quatuor une bonne partie de sa dimension visuelle comme musicale… La grande fierté de Mr Lordi – bien réelle celle-là – est de désormais les connaître personnellement.

(L) Gene Simmons nous soutient depuis nos débuts, l'une de mes plus grandes satisfactions. Je l'ai rencontré lorsqu'il travaillait sur « Asshole », son album solo, et nous, on venait alors de sortir « Get Heavy ». J'ai pu le rencontrer et je lui ai donné l'album, qui était un gros hommage à « Love Gun » de Kiss. Sur le coup, il m'a juste fait « OK, cool »… Puis « Get Heavy » est devenu disque platine, et là il était tout fier : il nous disait « mes garçons sont devenus platine ! »… Nous sommes donc devenus « ses garçons ». Il nous a toujours soutenus depuis, ce qui est une immense fierté pour moi !

(M) Tu ne parles que de Gene, et Paul alors ?

(L) Oh, Paul… c'est différent. Moi ça a toujours été Gene mon favori, et Paul est finalement quelqu'un de plus réservé, il ne s'enthousiasme pas ainsi pour quelqu'un…

- Si lui a atteint son rêve, un rêve pour ses fans serait de voir une tournée commune Kiss-Lordi… ça peut se faire, ça ?

(L) Ce serait génial, mais je pense que ça dépend plus de nos managements et promoteurs respectifs… Mais il se trouve qu'on a joué une fois ensemble, à un festival en Nouvelle-Zélande, avec une affiche parfaite : Ozzy Osbourne, Whitesnake, Poison, Alice Cooper, Kiss, et nous… quel groupe n'est pas à sa place là-dedans, hein ? C'était il y a quelques années, et juste magnifique. Tu t'imagines monter sur scène, puis laisser la place à Alice Cooper et puis Kiss ? Pour une tournée, ça serait magnifique, mais comment faire ? Si vous avez le moindre contact à me donner, n'hésitez pas !

- Ah, les rêves… Il y a la nostalgie, aussi, et après ces 20 années d'existence, 15 années d'activité discographique, 10 d'activité scénique flamboyante, Lordi peut s'y adonner. Alors, quel serait le plus beau souvenir qu'il garderait, et le pire ?

(L) Je ne vais pas être très original, mais mon plus beau souvenir est la sortie de notre premier album… Il faut dire aussi qu'on y a bien mis 10 ans ! Alors, tu imagines ma joie. De façon plus générale, ce que je retiens de plus beau est d'être devenu l'ami de certaines de mes idoles. Vous pouvez comprendre que, si gamin on m'avait dit que je deviendrais ami avec Udo Dirkschneider ou d'autres, Jay Jay French de Twisted Sister par exemple, je t'aurais ri au nez ! Tu imagines ce que c'est pour moi ? Il s'agit de mes idoles. Et nombre d'entre elles ont également salué mon travail, ça c'est une fierté. Se faire saluer par Gene Simmons ou Alice Cooper, ça a tellement de signification à mes yeux… là je suis fier de moi, je me dis que oui, je fais du bon travail. Que veux-tu que les critiques me fassent, lorsque les hommes qui comptent le plus pour moi me disent qu'ils aiment ce que je fais ? C'est plus important que tout. Bon, maintenant je vais parler du pire moment que j'ai connu…

 
   

(M) Mon intégration.

(L) Comment tu y vas… Non, calme-toi, tu n'as été que le second pire moment. Le pire a été sans conteste notre apparition à Moscou en 2007 ou 2006 ou 2000-quelque chose… c'était lors du sommet du G8 [peut-être celui de St Petersburg en 2006 ?]. Il y avait Scorpions et pas mal d'autres groupes pour l'occasion, des trucs RnB des Etats-Unis… des choses comme ça. En tout cas, beaucoup de beau monde, et avec le G8 c'était un sacré évènement. Ça se passait en pleine Place Rouge, devant des millions de personnes. C'était télévisé, depuis la Russie vers le monde entier et nous avions deux titres sur scène. Bon, tu vois le topo, en Live pour la télé, regardés par des millions de personnes. Et en arrivant l'organisateur nous fait [attention on va avoir droit à la plus belle prestation d'imitateur de Mr Lordi, se lançant dans un accent russe incroyable] « Bon vous allez jouer en acoustique ou en playback ? », « Euh, non nous on va jouer en électrique mais Live ». « Non non ça ne marche pas comme ça, soit vous faites du playback soit de l'acoustique ! ». Bon, on n'a jamais fait de set acoustique évidement, alors on lui dit que ça sera playback du coup mais on n'est pas content « Merde quoi, pourquoi ? On n'a pas envie de faire du playback ! », « Non non non tout le monde fait comme ça ici, c'est l'un ou l'autre ! ». « OK, OK, c'est nul mais on va faire playback ». Et là on voit notre CD sur sa machine… Nos techniciens ont des bandes et tout ce qu'il faut et s'apprêtaient à les ramener, mais ce gus nous fait « Non non on a notre lecteur CD »… « Quoi ? Tu te fous de nous ? Sérieusement, en direct à la télé, depuis un CD ?! », « Oui oui oui c'est bon vous en faites pas ». Bref, il met le CD, on monte sur scène… devant littéralement de millions de personnes ! La scène est OK, et sur le coté il y a une petite table, avec un petit lecteur CD, et un putain de câble qui en part, tout seul… Et le gars appuie sur play… On se lance dans le premier titre, et au bout d'une minute [autre imitation tout aussi superbe d'un CD rayé]. Là je réfléchis, et j'ai une idée : je me dis qu'on joue pendant le G8 et qu'ils ont parlé de piratage. Je vais faire comme si tout cela était fait exprès ! Content de mon idée, je saisis le micro pour dire « Voilà, vous voyez ce que ça donne le piratage de la musique ? Vous n'aviez qu'à acheter votre CD ! » Et là mon dieu… [Il nous fait des bruits de lèvre – évidement somptueux] C'est un putain de faux micro ! Il a tout, la petite lumière qui clignote etc, mais c'est un faux ! Ça bon dieu c'était un moment terriblement embarrassant, et… je ne veux plus jamais le vivre. Et attendez ! Il y a une cerise sur le gâteau : on sort donc de scène tous dépités, et là se tient Klaus Meine de Scorpions, tout souriant : « Alors, vous avez choisi l'option playback ? »… « Grrr, Klaus ! ». Scorpions monte ensuite sur scène et nous fait un set acoustique de toute beauté.

 









 
   

- Un autre projet concrétisé de Lordi était « Rockstaurant », son propre restaurant, ouvert en Finlande dans leur ville… Mais lui aussi risque de devenir un mauvais souvenir.

(L) Aujourd'hui il est fermé, la société existe encore mais nous n'avons plus d'activité. On pensait s'installer à Helsinki, mais c'est alors qu'est arrivée la crise, et on s'est retrouvés en pleine récession. La conséquence est que tous les financeurs avec lesquels nous étions en pourparlers se sont retirés du projet et nous nous sommes retrouvés tous seuls. Nous avons encore la société, nous n'avons pas du tout déposé le bilan, mais nous devons attendre le bon moment, trouver le bon endroit, et surtout le bon partenaire avec qui tout relancer. Parce que le bordel est encore à nous ! On a encore la société, mais on ne peut pas la relancer seuls, c'est ça le problème. Rovaniemi, notre ville natale où le restaurant était installé, est une ville de touristes, ce qui veut dire qu'il n'y a guère d'activité en dehors de Noël et un peu l'été. Le reste de l'année, il n'y a que la population locale… et les finlandais ne sont pas du genre à sortir pour dîner ! Donc pour l'instant on est coincés.

Aller, vous finissez par un petit conseil aux groupes de la génération suivante ?

(M) La première chose, c'est de vous entraîner. Ensuite, il vous faudra vous entraîner, puis ensuite, vous entraîner. Après cela, vous devrez vous entraîner. Vous aurez besoin d'un peu de chance, connaitre les bonnes personnes, quoi... Il faut croire en vous, faire ce que vous désirez vraiment, et juste y croire… c'est vraiment important.

(L) Je crois aussi que c'est le plus important. Si vous ne croyez pas en ce que vous faites, comment diable voulez-vous qu'un autre y croie ? Il faut vraiment y avoir foi à 100%, si jamais vous doutez c'est que vous n'êtes pas bon, vous ne serez OK que lorsque vous serez persuadés que vous êtes le meilleur, you're the best ! yeah

THE OUTCAST



 

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