Avec "Ascending To Infinity", c'est un nouveau départ pour toi et Rhapsody... Est-ce le début d'une nouvelle ère de l'histoire de ce groupe ou au contraire un effort de continuité ?
Un peu des deux en même temps... C'est une nouvelle étape dans l'histoire de Rhapsody, une page se tourne. La situation est maintenant bien différente d'il y a quelques années en arrière. Rhapsody était l'œuvre de plusieurs influences artistiques, de différents points de vue mais qui convergeaient dans la même direction. Cette méthode, qui implique forcément des sacrifices et des compromis, faisait que je ressentais le besoin de m'exprimer dans des projets parallèles, plus personnels, avec notamment des albums solos, puisque je ne pouvais m'exprimer pleinement au travers de Rhapsody. Maintenant que la situation est telle qu'elle est, je ne ressens plus du tout le besoin de mener ma carrière solo et je suis à 100% impliqué au sein de Rhapsody.
Et justement, tout ceci, nous l'avons fait dans un effort de continuité. Pour moi, "Ascending To Infinity" est tout simplement le 11 ème album du groupe Rhapsody, et clôt implicitement ma carrière solo.
Il est important que les gens comprennent que ceci n'est pas le fruit d'un projet personnel, que cet album n'est pas le dernier de Luca Turilli mais bien le dernier Rhapsody.

C'est assez rare qu'un groupe se sépare et que les deux projets qui en découlent conservent le même nom et la même typographie ! Expliques-tu cela par votre séparation en bons termes ou plutôt par une volonté des deux parties de conserver cette "image de marque" Rhapsody ?
C'est une question qui est revenue bien souvent, sous plein de formes ! Ici nous parlons d'amitié vieille de plus de 20 ans avec Alex Taropoli et tu te doutes bien que nous n'avons pas pris cette décision à la légère, dans une volonté également que chacun y trouve son compte.
Nous sommes tombés d'accord sur le fait que ni lui ni moi, qui sommes à l'origine de Rhapsody tout autant l'un que l'autre, n'avait à se défaire de ce logo et de ce nom qui nous appartiennent à tous les deux. Nous ne voulions en aucun cas que l'un de nous soit obligé de renoncer à tout cela. Nous avons donc cherché un compromis amical et nous l'avons trouvé : Rhapsody Of Fire conserve le même nom, et Luca Turilli's Rhapsody naît. Nous conservons tous les deux la typographie d'origine.

N'as-tu pas peur que les fans se perdent un petit peu dans ces remaniements pour finalement délaisser vos deux groupes ?
Non, je ne pense pas. Evidemment, il y aura certainement une légère confusion au début mais les fans comprendront très vite ce qu'il s'est passé, si ce n'est pas déjà fait. Et je pense qu'il ne sera pas si difficile de faire la différence entre les deux Rhapsody, notamment dans les sonorités, les orientations musicales. Et au contraire, je pense que chacun y trouvera son compte. Les deux projets seront forcément plus spontanés, beaucoup moins dans le compromis comme c'était le cas avant, et je pense que ça ne peut être que bénéfique.
Petit à petit, nos identités propres vont se former, et je suis sûr que dans quelques temps, plus personne ne pensera spontanément à tout cela.

Concernant ton projet solo, si je comprends bien, il est totalement terminé ?
Oui, c'est définitivement terminé. Tout simplement parce que sa raison d'exister n'a plus lieu d'être. Je ne ressens plus le besoin de m'exprimer sur tel ou tel sujet avec un projet solo maintenant que j'ai la liberté de le faire avec Rhapsody.

Ca a dû être vraiment intéressant de reformer un groupe de bout en bout. Est-ce toi qui aie choisi les membres de ce groupe ? Es-tu considéré comme le leader incontestable de ce nouveau Rhapsody ?
A partir du moment où tu composes l'intégralité des titres d'un groupe, tant la musique que les paroles, tout le monde te considères spontanément comme le leader du groupe. Je n'aime pas trop ce mot ni le sens qu'on peut lui donner car tous les membres ont leur mot à dire. Il est clair que je suis à l'origine de la grande majorité des choix artistiques, mais je suis à l'écoute et ne ferme la porte à personne.
J'aime prendre les exemples de Dominique Leurquin (lead guitare) et Patrice Guers (basse) qui, après le split, m'ont énormément aidé et soutenu dans cette nouvelle étape pour Rhapsody. Ces mecs-là sont aussi impliqués que moi au sein de Rhapsody et m'en ont donné de nombreuses preuves, ils m'ont notamment aidé à trouver notre nouveau chanteur (Alessandro Conti). Il est clair que Rhapsody n'aurait pas cette belle allure sans eux, et rien que pour cela je n'aime pas que l'on parle de moi comme d'un "leader".

Justement, dans quelles circonstances avez-vous accueilli Alessandro Conti au sein du groupe ?
A l'époque nous hésitions sur la tournure que Rhapsody devait prendre, si nous voulions quelque chose de très lyrique, de plus classique, voire monter un concept du style d'Avantasia avec de nombreuses collaborations à la place d'un chanteur à plein temps.
Et puis finalement, Alessandro est apparu comme la personne la plus intéressante pour ce rôle de chanteur au sein de notre groupe. Alessandro a une voix qui lui permet de s'exprimer dans différents registres, de prendre part aux ambiances que l'on créé, qu'elles soient épiques ou plus futuristes, heavy ou plus lyriques. Je suis très impatient de débuter une nouvelle tournée avec lui et mes autres compères pour défendre ce nouveau groupe et sa musique.

A l'écoute de ce disque, j'ai retrouvé pas mal de sonorités de ton projet solo, des petits bouts de "The Prophet Of The Last Eclipse" ou même "The Infinite Wonders Of Creation". Des sonorités parfois loin de l'épique et qui te sont propres. Tout cela n'est-ce pas un peu contradictoire avec la volonté de faire perdurer l'esprit de Rhapsody ? On s'écarte un peu de ce que le groupe a toujours fait non ?
Tu sais, je pense que tout cela est très subjectif. Tout au long de cette journée de promo, j'ai entendu un peu tous les avis possibles et imaginables, certains comparant ce disque au premier opus de Rhapsody, d'autres à mon ancien projet solo, effectivement. Au final, les discours divergent beaucoup, et cela me conforte dans l'idée que nous apportons quelque chose de nouveau, et que la comparaison avec ce que nous avons ou ce que j'ai pu faire avant reste très subjective.
Bien sûr, on retrouve un peu de moi, et aussi un peu de l'ancienne formation de Rhapsody, et c'est bien normal. Mais ce qui m'importe, c'est de conserver cet aspect orchestral de la musique, voire cinématographique parfois, ce qui n'était pas du tout le cas dans mon projet solo, qui était beaucoup plus "simple" structurellement.
Le chant aussi change par rapport à ce nous avons pu faire auparavant, Alessandro n'aborde pas du tout le chant de la même façon qu'Olaf (Hayer).
Avec ce groupe, je veux repartir sur la dynamique et le concept qui nous a fait créer Rhapsody en 1993 : l'amour de la musique orchestrale, cinématographique, en laissant peut-être un peu de côté l'aspect épique. Tout, dans la composition de cet album, est basé autour de ça.
Toujours par rapport à ce concept, nous avons réalisé le clip de "Dark Fate Of Atlantis" autour de la science-fiction cinématographique.
C'est une renaissance, à partir du même concept de base, qui nous emmène vers une autre direction par rapport à celle que nous avions prise en 1993.
Toujours dans l'idée de rester dans ce concept, nous préparons pour notre future tournée quelques surprises visuelles lors des concerts qui nous attendent, et j'espère que cela plaira.

J'ai remarqué que tu avais composé au moyen de plusieurs langues, notamment l'anglais et l'italien, les deux seules que j'ai su reconnaître ! Un peu à la manière d'une tragédie lyrique. Qu'est-ce que cela a apporté à ta musique ?
Tu en as reconnu deux, c'est déjà pas mal, mais sur "Dark Fate Of Atlantis" par exemple, j'en utilise cinq ! J'aime beaucoup faire cela, notamment lorsque je parle de thèmes comme Atlantis, d'une civilisation incroyable, et cela me permet de pousser le concept jusqu'au maximum de mes possibilités.
Je trouve que cela apporte de la diversité à la musique, tant dans les paroles que dans le chant qui a des reliefs différents en fonction des langues.

Parlons un peu de la promo de cet album. Quel est le programme qui t'attend jusqu'à la sortie de "Ascending To Infinity" ? Avez-vous des visées européennes ? Mondiales ?
Tout se passe très bien, c'est une fantastique promo. C'est vraiment très agréable de travailler de cette façon, tout est très bien organisé, Nuclear Blast fait tout pour favoriser la promotion de ce nouvel album. Et malgré cette organisation et les enjeux, j'ai une certaine liberté.
Y compris dans l'élaboration de cet album, on m'a laissé carte blanche sans m'imposer tel ou tel axe de travail à visée purement marketing. Pour moi, cette idée de liberté était très importante, et je suis très satisfait de la manière dont se déroulent les choses.

As-tu des précisions à nous donner sur cette future tournée ? Notamment les endroits où tu t'arrêteras le temps d'un soir ?
Tout ce que je peux te dire pour le moment, c'est que notre tournée débutera en Novembre. Pour le reste, il faudra attendre encore un peu. Pour ce qui est de la France en tout cas, je suis sûr que nous viendrons y faire quelques dates.

La France aura le droit à plusieurs dates ?
Oui bien sûr, la France est un pays où Rhapsody a toujours eu un accueil très chaleureux et nous comptons là-dessus pour cet album. Nous n'oublierons jamais ce qui s'est passé en 2011 : après de nombreuses années où nous n'étions plus revenus jouer ici, nous ne savions pas trop à quoi nous attendre pour ce qui est de l'affluence de nos concerts en France et ça a été vraiment incroyable d'être accueillis par tant de personnes et ce, lors des différentes dates que nous avions faites en France.
C'est d'autant plus appréciable quand on sait que la France n'est pas un pays ou le heavy metal est roi.

Que puis-je te souhaiter pour cette deuxième moitié de 2012 ?
Beaucoup de choses m'attendent pour ces 6 prochains mois avec Rhapsody, je pense Rhapsody 24h/24, et je souhaite que la sortie de cet album et la tournée qui suivra se passent du mieux possible. J'espère également que le groupe se portera au mieux et que les petites surprises que nous préparons pour cette tournée plairont, surprise ! Je n'en dirais pas plus sur ce dernier sujet.

(et pourtant j'ai insisté pour essayer de savoir!)

Xavier