M A D I N A L A K E

Interview réalisée par Lulu et Ess

M A D I N A L A K E

Novembre 2011


A l'occasion du (très attendu) retour de Madina Lake en France (un album "World War III", fraichement sorti, et une tournée européenne passant pour 3 dates par la France) nous avons eu la chance et l'immense plaisir de rencontrer l'adorable Matthew Leone, bassiste du groupe et survivant avant tout. Effectivement, Au cas où vous n'auriez pas eu vent de sa tragique agression puis de son rétablissement que nous avions suivis pas à pas chez Ultrarock (dans les news de Lulu dans l'émission de radio), en 2010 Matthew après avoir tenté d'aider une jeune femme qui se faisait battre par son mari en pleine rue, a été laissé pour mort sur le trottoir par l'agresseur, victime de très sérieuses lésions craniennes. Après 5 jours dans le coma, entre la vie et la mort, et une longue période de convalescence, cette épreuve a peut-être contribué à faire de lui la personne qu'il est aujourd'hui et qui s'est gentiement prêtée au jeu de l'inteview, celle-ci tournant quasiment à la discussion entre amis tant le garçon est abordable, communicant et chaleureux.

Ultrarock : WWIII est le troisième volet d'une trilogie. On sent que cet album est plus extrème : certains vocaux sont plus agressifs et, à côté de ça, il y a des lignes beaucoup plus mélodiques. Est-ce directement lié à ce qui t'es arrivé ?
ML : C'est une excellente question et également un beau compliment. On a commencé à travailler sur cet album avant que cela n'arrive. On avait deux chansons terminées et le début d'une autre mais l'orientation du disque n'était pas du tout déterminée. Après ce qui m'est arrivé, toute l'agressivité de la composition s'est imposée à nous et les sentiments ont guidé notre inspiration. Les émotions dans le groupe à ce moment là étaient tellement extrèmes qu'on ne pouvait pas faire autrement que de capter ça. A propos des mélodies, c'est la première fois que Madina Lake n'avait simplement qu'à être juste "Madina Lake", l'alchimie entre nous quatre, l'expression de ce que nous sommes... Avant cela nous avions fait un disque (ndlr : Attics To Eden) entièrement produit par David Bendeth (ndlr : Paramore) qui était avec nous tous les jours, c'était un album avec des compromis. Celui-ci nous l'avons fait 100% nous-mêmes.

U : On ressent vraiment cela, effectivement. Quelles étaient les titres qui étaient finis avant ce qui t'est arrivé et quel a été le premier à être composé juste après ?
ML : "Fireworks" et "Across 5 Oceans" étaient finis avant et premier à avoir été fait juste après est "Howdy Neighbor!"

U : oui forcément...(ndlr : "Howdy Neighbor!" est le titre que Nathan a écrit sur l'agresseur de Matthew, une lettre ouverte de pure haine...ce que l'on peut comprendre aisément !). Malgré l'agressivité, une certaine sérénité émane quand même de cet album. Te sens-tu serein aujourd'hui, vois-tu la vie autrement, te semblre-t-elle meilleure ?
ML : Oui clairement ! Tu vois on n'a pas été élevés dans la religion mais nous sommes assez spirituels, nous croyons aux vibrations, ce genre de choses. Et, après ce que j'ai traversé...tu vois techniquement je suis mort trois fois (Electro plat) et, à chaque fois, j'ai ressenti la même chose, je me suis retrouvé au même endroit. Et cet endroit est fait d'harmonie, de vibrations, au delà de nos cinq sens qui ne sont que la façon dont les humains interpètent le monde, c'était au delà de ça. Et je suis revenu de là avec une sorte de paix intérieure.

U : Justement, quand tu étais dans le coma, Nathan dit qu'il s'est senti comme coupé en deux. As-tu ressenti des choses particulières entre lui et toi ?
ML : Oui, c'est fascinant. Je n'ai su que j'avais été dans le coma qu'environ un mois après m'être réveillé. Avec Nathan on a alors parlé de quelques trucs : Quand on m'a transféré à l'hôpital, je suis allé directement aux urgences puis en réanimation, j'étais dans le coma à ce moment là et personne n'était autorisé à me voir. Mais moi je ne le savais bien sûr pas et, pour moi, j'ai parlé à Nathan à ce moment, je lui ai dit que c'était grave et qu'il fallait faire attention, et il a dit "OK, je m'en occupe"... Bien sûr je n'ai jamais dit ça puisque j'étais dans le coma ! mais lui l'a entendu... Et l'autre évènement intéressant, c'est lors de ma deuxième intervention, il y a eu des complications et j'ai à nouveau été en mort cérébrale pendant 47 secondes et à ce moment là, nathan s'est évanoui (alors qu'il n'était pas présent !), et quand il a repris connaissance, c'est là que je suis revenu à la vie... c'est un peu dur, désolé (Matthew est visiblement très ému...nous aussi). Leur théorie, c'est qu'il y a eu une sorte d'échange dans nos cellules cérébrales. En quelque sorte, il s'est évanoui parce qu'il me donnait les cellules dont j'avais besoin pour survivre.

U : C'est une histoire forte et vraiment magnifique... nous sommes très touchés. Bon, allez, parlons un peu de Billy Corgan...!
ML : Ah oui, très bonne idée ! Il a toujours été une idole pour nous. Après avoir entendu ce qui m'était arrivé, il a récolté des fonds pour m'aider. Je ne l'avais encore jamais rencontré à ce moment là ! Et lors de ma dernière phase de convalescence, avant que je ne puisse encore tenter de remonter sur scène, Nathan m'a emmené en Arizona, là où les Smashing Pumpkins étaient en train de travailler sur leur nouvel album. A ce moment, Billy Corgan était seul (les autres membres étaient rentrés chez eux) et il nous a invités, Nathan et moi, au studio. Whoah j'en aurais pleuré ! Pendant 4 jours on a écouté ce qu'ils avaient fait, on l'a regardé travailler et le cinquième jour, il a remarqué qu'à chaque fois qu'on entendait l'un des riffs on devenait fous, on adorait ! Alors à la fin du cinquième jour, il nous a filé un CD avec les bandes et il nous a dit "faites en une chanson pour vous" (ndlr : ça a donné "Imagineer"). C'est un mec en or !

U : Tu nous as dit qu'il était une idole pour vous. Et toi, en tant que bassiste, as-tu des artistes de référence ?
ML : Oui bien sûr ! Les Claypool (Primus) est l'un de mes bassistes préférés. J'adore également le jeu de Sting (qui en plus chante en même temps) et aussi Chi Cheng de Deftones.

U : Vous jouez ce soir en france. Comment se sont passées les autres dates de la tournée européenne et peux-tu comparer le succès que vous avez en Europe avec celui que vous rencontrez aux Etats-Unis ?
ML : En fait, on n'est pas teès fans des Etats Unis...on n'aime pas vraiment la culture, elle est très égocentrée, le système de valeurs est très narcissique. Nos valeurs sont plus proches de celles qu'on trouve ici... nous avons notamment été totalement adoptés par les anglais !

U : Oui, vous avez fait 10 dates là bas !
ML : Oui c'était fantastique, il y a des milliers de personnes à chaque concerts en angleterre alors qu'aux US c'est à peine 200...

U : Et seulement 3 en France... Euh enfin 3 dates, pas 3 spectateurs hein !
ML : Non, non : 3 dates, mais 4 spectateurs ! (rires)

U : De toute façon même pour un groupe français ce n'est pas simple de jouer en france, surtout quand tu fais du rock...
ML : C'est partout pareil alors car aux US c'est la même chose !

U : Est-ce que tu peux nous donner ton point de vue sur le téléchargement illégal ?
ML : Je n'ai rien contre en tant qu'artiste mais mon problème avec ça c'est que je pense que la nouvelle génération loupe beaucoup de choses à cause de ça : l'art perd toute sa valeur. Nous on a grandi avec les disques, ça te faisait quelque chose d'acheter un disque, il y avait un investissement émotionnel, tu investissais du temps, de l'argent, du coup tu aimais ton disque, tu en prenais soin... Et la musique te donnait en retour... Du coup, il n'y a plus cette valeur et cet investissement et je pense que potentiellement ça prive la nouvelle génération d'une partie de l'art.

U : Peux-tu nous en dire un peu plus sur le changement de label ?
ML : En fait, le bureau américain de Roadrunner a fait n'importe quoi : ils ont investi beaucoup d'argent pour faire des clips qu'ils n'ont jamais fait diffuser à la TV, ils ne faisaient pas la promo pour qu'on passe à la radio...etc. Depuis qu'on a changé on est bien distribués et la promo est super bien faite partout. Chez SPV ils sont super, ils bossent partout avec des gens très efficaces. Et ici en france on est très bien accueillis également !

U : Un grand merci Matthew pour ta gentillesse !
ML : Merci à vous, c'était un grand plaisir de parler avec vous !

   
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