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(c) Dinesen

MIKE TRAMP

Interview réalisée par The Outcast


M I K E  T R A M P

Mars 2013


(c) Dinesen

« Cobblestone Street », l'album très acoustique de Mike Tramp, est l'occasion pour nous de retrouver l'ex-chanteur de White Lion – désormais cinquantenaire – plus intimiste que jamais, musicalement comme humainement. C'est donc parti pour une demi-heure d'interview avec un homme très communicatif, volontiers philosophe voire « spirituel », se livrant généreusement. Avec son look moitié rescapé des 90s, collier de surfeur au cou, moitié hippie, on ne sait trop comment l'aborder de prime abord, mais Mike semble hors du temps… S'il a bel et bien tourné la page du chanteur à crinière blonde de « Pride », il n'hésite pas à remonter encore plus loin dans son passé pour nous présenter cet album, voire à se poser en « outsider », plus ou moins indifférent à toute dimension temporelle… Première manifestation de ce détachement envers le présent : l'étonnant ravissement qu'il témoigne à la vue de mon magnétophone à cassette, ultime résistant à l'ère de la digitalisation…

(UltraRock) J'aimerais commencer par la conception de cet album… Je t'ai entendu présenter l'idée d'un album « unplugged » comme ancienne. Or ton dernier travail musical, « Stand Your Ground » [2 e album de son groupe Rock'n'Roll Circuz en 2011], montrait déjà une fibre plus Roots… Doit-on y voir les prémices de cette volonté peu à peu grandissante qui débouchera sur « Cobblestone Street » ?

(Mike Tramp) Déjà, merci d'avoir écouté Rock'n'Roll Circuz [ben y'a pas de quoi Mike, les deux albums valent le coup] ! La raison pour laquelle je suis passé d'artiste solo à Mike Tramp & Rock'n'Roll Circuz est que les musiciens qui m'accompagnaient avaient un si grand impact sur mes chansons que ce que nous produisions était vraiment la musique de tout un groupe. J'avais beau avoir écrit la majorité des titres, ce n'était plus les mêmes après le passage du guitariste ou du batteur… Mais, récemment, je me suis rendu compte que, tout au long de ma carrière, moi-même j'ai toujours composé des morceaux sonnant exactement comme ceux de « Cobblestone Street ». Je les écrivais seul à la guitare, et ils fonctionnaient ainsi, sans rien d'autre… Tout ce qui venait après se superposait simplement à cette base et était facultatif. Je tiens ça de l'époque où je me suis mis à la musique, entre les 60s et les 70s, où le mouvement Folk était très vivace et que j'en entendais beaucoup à la maison, au Danemark [rappelons les origines danoises de Mike, qui n'est arrivé à New York qu'à l'âge de 18 ans]. Les musiciens étaient alors sous l'influence de Bob Dylan, n'utilisant qu'une guitare et un texte puissant, et même la production de Phil Spector ne pouvait pas changer Dylan [c'est une image hein, Spector n'a jamais commis l'incongruité de produire Dylan] : il restait seul avec sa guitare, dans l'intensité et la puissance de cette nudité. Mais c'est comme ça que je fonctionne, à la base, je suis toujours entré en studio en saisissant ma guitare acoustique pour jouer mes titres seuls face à mon groupe. Ce que fait ce groupe, en fait, c'est bien produire une version électrique de la composition, qui est donc Unplugged à la base, soit tout le contraire… C'est ce que je compose, moi : de l'unplugged. Si ça finit en titre AC/DC ou Southern Rock, c'est par la suite, après le passage du groupe – et dans les 80s, on y allait ! Mais l'origine de mes titres était toujours la même. Moi, j'ai toujours su quelle était ma musique, simplement je n'ai jamais pu prendre la décision de me contenter de ma guitare pour un album. Je crois que j'avais besoin d'avancer encore de quelques années dans ma vie pour être prêt à produire cet album, car il raconte ma vie tout simplement, et à 26 ans il était trop tôt. Pourtant, « When the children cry » a bien été composée ainsi. Mais elle est née dans la décennie Glam, image et vidéo, et il fallait attendre que les évènements me ramènent dans un environnement plus calme et propice. Et là j'ai l'impression d'avoir parcouru une boucle complète depuis, le temps m'a ramené à un point où tout, mes émotions, mes peines, ma colère, prend un sens et s'assemble avec ma musique pour donner naissance à quelque chose de cohérent et sensé, quelque chose de global, qui est en fait moi. Là quand je te parle, entre nous et la musique ne se trouve aucune barrière, en fait les murs n'existent pas, si je vais chanter je ne change pas en changeant de pièce entre une loge et une scène : il n'y a qu'une pièce et je suis moi partout. Et j'y gagne, car il est bien plus facile d'être soi-même, nul besoin de jouer un rôle.

(UR) Certains de ces titres, disais-tu ailleurs, venaient d'être écrits alors que d'autres remontaient à 20 ans, soit la période où White Lion se sépare…

(MT) Il faut voir les choses comme ça : lorsque je quitte Freak Of Nature en 1995, j'avais consacré ma vie à trois groupes, et il faut voir ça comme être marié trois fois ! Ta première femme part avec la voiture, la seconde prend la maison et la 3 e les meubles… au final tu te retrouves sans rien. Et, autant j'avais alors toujours voulu être membre d'un groupe, j'ai alors réalisé que le temps était venu pour moi de travailler seul. Lorsque j'ai commencé à travailler sur Capricorn [on est en 1997, deux ans avant la fin de Freak Of Nature, c'est son premier album solo], j'avais des titres écrits alors que j'étais dans White Lion ou Freak Of Nature mais que je n'avais pas utilisés pour ces groupes car ils ne collaient tout simplement pas. Le morceau-titre de « Cobblestone Street » est une de ces compositions que je n'ai pas offerte à mes groupes. La jouer maintenant, c'est comme me dire « tu as toujours été le même, tu avais peut-être un aspect différent mais c'était toujours toi », et même en 1995 lorsque je préparais ce premier album solo je ne voulais pas paraître doué ou intelligent mais réellement être moi, et « Capricorn » me représente bien, déjà… Il n'y a pas tant de différences entre « Capricorn » et « Cobblestone Street », pour moi… le premier est simplement un album plus électrique, mais il représente tout autant Mike Tramp. Les chansons sont tout aussi personnelles, et le sujet est bien qui était le Mike Tramp de l'époque. La naissance des chansons et leur écriture n'ont jamais changé, et c'est pourquoi, maintenant que je pense à un prochain album, j'y inclurai des chansons accumulées dans le passé qui s'y insèreront aussi bien que des nouvelles compositions, car j'écris en dehors du temps, c'est mon écriture, et elle ne change pas.

(UR) Tu as également décrit cet album comme « un film », une fois… Est-ce aussi dû au fait que ces chansons sont issues de différentes époques de ta vie ?

(MT) C'est clairement un album constitué de plusieurs choses… et chaque chanson a été enregistrée dans l'ordre où tu les retrouves sur l'album ! Et lorsque nous nous sommes assis pour écouter l'album, il m'est vraiment apparu comme un film. Je ne sais pas lequel… tu pourrais imaginer Benjamin Button à l'envers [en deux mots pour ceux qui ne connaissent pas, il est basé sur une nouvelle de Scott Fitzgerald dont le postulat est de vivre une vie à l'envers]. Il s'agit d'une vie vécue du début à la fin, dont on suit chaque changement, avec ses évènements, et l'évolution de ma personne, on y retrouve mes peines, mes douleurs, mes colères, mes espoirs, toutes mes interrogations, et forcément tout cela m'apparaît comme un film, ou même un livre, où je feuilletterais ma propre vie, du début à la fin – même si je ne veux pas voir le mot « fin » comme un terme !

(UR) Tu dis donc avoir toujours composé sur guitare acoustique, et ce depuis l'époque de White Lion… Or l'album a deux morceaux bonus, « More to life than this » et « ‘92 » [titres de White Lion et Freak Of Nature]… On les entend comme tu les as composés, ou bien sont-ce des réécritures?

(MT) Non ce sont de nouveaux arrangements… mais l'esprit est le même, celui d'un morceau que je joue guitare à la main en arrivant dans la salle de répétition, avant que le groupe n'arrive et amplifie la chanson à coup de guitares et d'agressivité. Tu dois être au courant des bonus via le site internet, je suppose car ils ne sortiront pas en France. Tu connais sans doute ces deux morceaux… « ‘92 » est moins personnelle, car elle a été écrite avec Oliver Stephenson lorsqu'on a lancé Freak Of Nature [Oliver était un ami guitariste avec qui Freak Of Nature a été lancé, mais qu'il a quitté avant la sortie du premier album, qui contient néanmoins trois titres co-signés], et est de lui à la base. Ce titre, contrairement aux autres, est donc né comme un morceau Hard. Cependant, si tu écoutes cette nouvelle version, je pense qu'elle ne te dérangera pas du tout. J'ai, de toute façon, toujours ramené les morceaux que je chantais vers quelque chose de plus personnel. Lorsque j'interprète un titre, j'y laisse mon empreinte. Même les titres de Vito Bratta [cofondateur de White Lion], même « Lady of the valley » ou les titres de « Pride »… Lorsque je l'interprète, le titre en est modifié, il aurait suffit qu'il y ait un autre chanteur pour que ça finisse en Led Zeppelin ou carrément autre chose. Mais je prends un chemin différent, et ma simple présence transforme tout en White Lion – ou Mike Tramp, maintenant. Mais c'est très important à mes yeux, car c'est ce qui rendait cette musique personnelle, et non celle d'un énième groupe des 80s. J'en parlais une fois et disais à mon interlocuteur que même si jamais je travaillais avec Tony Iommi de Black Sabbath, il ne fallait aucunement s'attendre à en voir sortir un « Heaven & Hell », car ma contribution aurait amené les morceaux sous une influence toute différente… en fait une telle collaboration serait impossible ! Je ne pourrais pas copier un autre chanteur, et me tiendrais à être moi-même.

(UR) Hum, bon exemple, tant le Sabbath de Tony Martin avait peu en commun avec celui de Ian Gillan ou Dio, sans parler de Ozzy^^

(MT) C'est bien ça. Mais c'est le plus important, et pas le plus facile pour un tel groupe, où le vocaliste arrive, intègre un groupe si ancien, se retrouve avec un tel répertoire, et puis ça, et ça et ça… [and it's on and on and on…] Non ce n'est pas évident, c'est comme un footballer qui est passé par 5 équipes avant d'enfin trouver celle qui lui convient.

(UR) Parlons du contenu de « Cobblestone Street » maintenant… Moi je le vois plus comme du Folk à rattacher aux 90s, pourtant toi tu cites volontiers Dylan ou Neil Young… Personnellement, de quel type de Folk te sens-tu le plus proche ?

(MT) Malheureusement tu as toujours un genre de catégorisations dans une chronique, lorsqu'un journaliste présente un nouveau groupe de Metal, un nouvel album, ou dans une biographie, malheureusement on te parlera toujours d'autres groupes pour te décrire le « produit », pour t'assurer qu'il est bien pour toi… c'est comme dans un supermarché en fait ! Pour te vendre un nouveau produit, pour te permettre de le comparer à ce que tu connais et savoir ce que c'est, pour être certain que tu achètes bien du pain ou du savon. Dans mon cas, la référence était la scène musicale qu'on pouvait trouver au Danemark à l'époque où j'ai émergé, et le temps était au Flower Power, à Dylan ou Neil Young… C'est le son que tu pouvais trouver dans la rue, à chaque coin tu pouvais tomber sur un musicien, fleurs dans les cheveux et guitare acoustique en main, et c'est donc ainsi que j'ai découvert la musique. Mon frère écoutait bien Black Sabbath et Led Zeppelin, mais il était presque d'une génération de plus que moi, et j'étais bien trop jeune pour comprendre ces groupes, je ne pouvais juste pas absorber leur musique, elle me faisait presque peur. Donc je me suis logiquement retrouvé à m'asseoir dans la rue, moi aussi, et jouer les mêmes chansons, « Blowing in the wind », « Knocking on heaven's door », tout ça... Du coup, j'avoue que ce n'est pas très malin de ma part de me référer au Folk pour parler de ma production, mais c'est dans cet esprit d'expliquer à l'auditeur extérieur de quel style de musique on parle… qu'il ne s'agit pas de Kiss, quoi ! De toute façon, entre dans une FNAC [sic] ou un Virgin Megastore, et tu trouveras tout classé par catégories. Même sur iTunes, tu choisis un album et tu vois apparaître « Metal », même si toi-même tu n'appellerais jamais ça du Metal, mais c'est ainsi, on vit avec des catégories, des labels. Mais c'est vrai, j'ai beau y jouer de la guitare acoustique, mon album n'a rien à voir avec Bob Dylan – qui reste bien un de mes héros absolus, hein. Mais tu sais, il y a tellement de gens que je considère comme des artistes m'influençant, comme Freddie Mercury par exemple, qui en fait ne font que me procurer du plaisir devant leur splendide musique ; jamais je ne suis pour autant entré en studio en essayant de chanter comme Mercury. C'est simplement une influence, mais dans le sens d'une inspiration… je peux très bien me lever après avoir regardé « Le Bon, la Brute et le Truand » avec l'envie d'écrire une chanson ! Le film m'a juste mis dans une disposition particulière… Je ne sais pas comment l'expliquer mieux [t'inquiète Mike je comprends et me réjouis de voir quelqu'un distinguer influence et inspiration]. Mais certains tiennent un groupe pour leur influence et sonnent à 100% comme eux.

(UR) C'est effectivement le cas. Pour en revenir à toi, donc, tu mentionnes la scène Folk classique, mais « Cobblestone Street » sonne donc plus 90s pour moi…

(MT) Oui, et dans les 90s c'est exactement ce qui m'attirait. Pearl Jam me plaisait beaucoup pour ça, et au début de la décennie j'appréciais particulièrement Eddie Vedder [leur vocaliste, qui s'est effectivement plus tourné vers le Folk par la suite… on lui doit plus récemment la BO de « Into The Wild »]. J'aimais alors cette réinterprétation du Folk, qui remontait dans la musique, qui se retournait vers les guitares acoustiques… Dans les 80s on avait les ballades acoustiques mais qui étaient très Pop et mélodiques, alors que dans les 90s la musique acoustique était sombre, voire mélancolique. C'est une période qui m'a beaucoup plu… et ce n'est pas par hasard que Neil Young y a trouvé sa seconde jeunesse. Il s'y est simplement retrouvé, alors que les 80s l'avaient quasiment effacé. C'est comme moi, quand j'écoute ça je me dis que c'est moi, ce son est en accord avec qui je suis, il me représente, c'est tout ce qui me plait. Euh… je ne sais pas si c'est la réponse à ce que tu voulais.

(UR) Ça m'indique bien en tout cas la position que je te prêtais vis-à-vis des 90s… Bon, après « Cobblestone Street », tu disais tout à l'heure avoir déjà envie de renouveler l'expérience. Je t'ai lu ailleurs déclarer que cet album ne devait pas être considéré comme un break mais bel et bien le début d'une nouvelle période… Comment vois-tu aujourd'hui le prochain chapitre de cette période ?

(MT) J'essaie d'avancer comme un artiste devrait, à mon sens… c'est-à-dire que, même lorsque j'ai lancé Rock'n'Roll Circuz, c'était quelque chose de spontané et non calculé. J'ai, encore aujourd'hui, envie d'avancer avec ce groupe qui offre, je pense, la meilleure version électrique de ma musique. Mais, tel qu'est le business musical actuellement, on ne nous offre guère d'avenir, nous n'avons guère de perspectives pour percer et nous nous en rendons compte : nous ne sommes plus des ados, chacun a ses propres engagements, et surtout lorsque tu travailles avec des danois, ils sont très réticents à sortir de leur pays, tu les amènes ailleurs et c'est tout de suite « Oh quelle horreur, la vie est si chère » [sérieux ?] etc… et ça ne peut pas fonctionner s'ils ont une attitude moins Rock'n'roll que la mienne, qui me pousse à aller au bout, quel que soit le risque financier, là où me conduit ma simple envie. Donc, l'année dernière, je reviens au Danemark, le temps passe, sans trop de problème, et… l'envie me reprend d'enregistrer. Je n'avais pas de contrat, ni une idée précise de faire un album ou quoi que ce soit mais l'envie m'a poussé en studio chez mon ami [Soren Andersen, guitariste de Rock'n'Roll Circuz, en grande partie responsable de « Cobblestone Street », qu'il produit par ailleurs], et à deux nous élaborons ce projet : m'enregistrer à la guitare tout simplement jouant mes titres, comme nos héros d'antan le faisaient. Nous avions envie de le faire depuis longtemps, nous en avons souvent parlé, de cet album brut qu'on ne polirait pas, et qu'on n'avait jamais osé faire, sans guitares et grosses batteries qui en faisaient ces albums énormes qui ont fait notre succès. Là, je me suis enfin assis dans le studio pour écrire et enregistrer cet album, Soren était donc ingénieur et co-producteur et me disait de temps en temps « laisse-moi ajouter ces quelques claviers », ou autre, puis nous nous asseyions pour écouter le résultat, qui nous comblait au plus haut point : « Wow, c'est exactement ce qu'on aimait ! Laissons-le comme ça, c'est fait pour rester ainsi »… et on pouvait le faire, car personne n'attendait ces chansons, je n'avais ni label ni contrat et je pouvais faire ce que je voulais, j'étais réellement libre. Je suis immédiatement passé à la seconde chanson, et à la fin de cette journée nous avions nos quatre premiers titres terminés et sur bande. Et les quatre jours suivants, nous avons finalisé les autres titres, qui apparaissent donc sur l'album exactement comme ils ont été enregistrés, dans le même ordre ! C'est magnifique de s'asseoir après ça et d'écouter : tout a été fait naturellement, selon moi-même, sans rien écouter d'autre, sans penser « est-ce ainsi que je dois faire ? Est-ce que ça conviendra pour la radio ? La presse va-t-elle aimer ? », et tout l'album a été fait ainsi, du début à la fin. Notre question était : Si tu pouvais enregistrer tout un album sans te poser aucune de ces questions, à quoi ressemblerait-il ? Eh bien voilà la réponse ! « Cobblestone Street ». Donc le processus s'est déroulé naturellement et sans questionnement aucun, et il raconte simplement qui est Mike Tramp, ça me parle et j'ai donc tout stoppé à ce stade, je n'ai rien rajouté, c'était exactement tel que ça devrait être. Imagine-toi réaliser un tableau par exemple, chaque jour tu reprends ta peinture et tu ajoutes quelque chose : eh bien parfois, « less is more », le genre de résultat que je voulais requérait le moins d'ajouts possibles.

(UR) Ce projet ne peut certes être que solo, mais peux-tu t'imaginer investi dans deux projets, celui-ci et Rock'n'Roll Circuz en parallèle ? Ce qui me fait poser cette question est que Rock'n'Roll Circuz – et particulièrement votre dernier album – n'était pas non plus aux antipodes de « Cobblestone Street »…

(MT) Tu t'en rends peut-être compte car tu connais les deux, même si le son est différent tu vois la ressemblance entre eux, et pour cause puisqu'il s'agit du même artiste… il porte juste du cuir et son Stetson sur l'un des deux et pas sur l'autre! Mais, dans un cas, il s'agit de quatre musiciens et non un seul ; j'ai pris beaucoup de plaisir à travailler avec eux, ils m'ont beaucoup inspiré, et je pouvais imaginer les employer sur mon prochain album, même si j'envisage une séquelle à « Cobblestone Street ». Je ressens beaucoup de force dans cet album, je m'y suis vraiment affirmé, et ça me pousse à évoluer dans la même direction car il me semble que j'ai encore des choses à dire là-dessus. Peut-être que le prochain album verra plus de participation de musiciens extérieurs, mais ça s'écartera probablement peu de ce qu'est « Cobblestone Street », ça restera proche, disons simplement plus proche de « Revolution », « New day » ou « Angel or devil » qui sont les titres de l'album où tu entends le plus d'instruments… J'ai l'impression d'avoir dressé le décor, défini une couleur et de pouvoir continuer en toute confiance. Je veux un album similaire, le genre d'album pour lequel j'entre en studio et fais tout en une semaine, où j'arrive… pas sans aucune préparation, mais me contente de jouer ; et chaque musicien doit donc être en phase avec moi, je dois le ressentir. Aucune pré-production ni rien, tout doit tendre à capturer l'honnêteté du moment. Je veux qu'une chanson sonne comme à sa première écoute, une composition est exactement ce qu'elle est à sa naissance, c'est sa vraie nature, tu peux avoir commis des erreurs en l'écrivant mais c'est ainsi que tu l'as créée. Je le ressens, que c'est ce que je veux écrire, et je sais ce que je veux pour l'avenir, je veux continuer sans tenter de me rapprocher d'une scène ou d'un autre artiste : je veux être moi-même, ce que je suis à l'instant présent. J'étais aussi Mike Tramp en 1987 [pour «Pride »], c'était simplement le Mike Tramp de 26 ans, qui faisait ce qu'il faisait alors… mais lorsque j'écoute ses démos de l'époque, toutes les chansons de toutes ces années sont exactement les mêmes… elles sonnent toutes pareilles.

(UR) Tu tournes cet été, tu as joué avec Beth Hart en France il y a dix jours et joueras pour la dernière fois chez nous demain même à l'Olympia. Ensuite, tu as des shows cet été, tu as des affiches moins évidentes comme Stryper… Pour quel contenu as-tu opté en définissant tes set-lists ?

(MT) Jouer pour Beth Hart fut une excellente surprise, qui m'a permis de jouer mes compositions devant un public pas vraiment au courant de qui j'étais, et tout simplement de me produire sur scène avec ce nouveau répertoire, que j'étrennais donc et découvrais moi-même pour la première fois Live. J'ai déjà bien tourné sous mon seul nom solo, à travers le monde, et il y aura beaucoup de vieux titres dans mon show, et là je vais introduire mes nouveaux titres en plein milieu des anciens, même de Freak Of Nature et White Lion, et mon but est de montrer au public que j'ai avancé, et l'inviter à avancer avec moi, l'inviter à accepter que je ne me contente plus de ces anciens titres. Je me suis posé la question, l'année dernière, après l'album… « bon, je fais quoi » ? et j'ai décidé de booker ces 42 dates, chose que je n'avais encore jamais fait seul, de monter en voiture, de parcourir l'Europe et de monter seul chaque soir sur scène, faire mon show tout seul et, je crois, éprouver ma foi en ce que je fais, la sincérité de ce que je fais, et au bout de quelque temps force m'était de reconnaitre la justesse de mon choix : j'avais l'impression d'être né pour ça, ça m'allait comme un gant, ça collait à moi et à ma personnalité. J'ai commencé à expliquer aux gens comment j'en étais arrivé à ces compositions, et le reste s'est mis en place de lui-même. Me voilà maintenant pour promouvoir mon album, et je veux assurer à mon public qu'il ne s'agit pas d'une incongrue tournée Unplugged, mais bien du vrai Mike Tramp, je veux leur expliquer qui je suis, puis j'essaierai de repartir en tournée avec d'autres groupes, jouer sur de nouvelles scènes devant de nouveaux gens, autant que je le peux. Ce sont mes prochains objectifs, pour l'instant j'ai juste sorti un album pour les 10.000 fans que j'ai dans le monde, qui vont l'acheter et puis rien d'autre, et maintenant je vais ouvrir des portes à des gens qui avaient peut-être écouté White Lion à l'époque, puis qui s'étaient mariés, avaient changé et m'avaient perdu de vue, n'avaient pas suivi le reste de l‘histoire, mais qui aujourd'hui se diraient « Oui j'écoutais ça à l'époque, ça me plaisait et ça fait partie de mon histoire, j'ai participé à cette aventure, et voilà ce gars qui chantait ça à l'époque, qui vient aujourd'hui chanter sa vie, et elle ressemble à la mienne »… cette connexion me plait beaucoup.

(UR) Tu as enregistré des shows en Australie, tu a des projets pour du matériel Live ?

(MT) Pour l'instant j'enregistre ce que je peux, dès que j'ai une occasion pour avoir du matériel audio ou vidéo. Par la suite sans doute qu'un moment viendra où je pourrai examiner ce matériel et monter un projet. Pour l'instant je n'en ai pas assez, et je veux des choses plus diverses, je ne veux pas sortir un show unique, mais plus un montage de différents concerts, pour avoir des shows d'aspects différents les uns des autres. Aujourd'hui tu as des spectacles, genre un concert de U2 à Los Angeles et tu as l'impression qu'ils l'ont filmé depuis l'espace, avec 25.000 caméras sur un script de Stephen King réalisé par Steven Spielberg ! Après ça, je me vois proposer ma vidéo « voilà, euh, ça vient d'Australie avec 3 caméras »… Mais j'ai des idées, par exemple je voudrais monter un DVD entrecoupé de différentes interviews, me permettant de faire des introductions aux chansons. Il ne faut pas perdre non plus de vue que mes concerts seront forcément très statiques, on verra juste un gars jouer de la guitare, sans feux d'artifices ou explosions et autres kits de batterie volant... J'aimerais donc insérer peut-être des petites histoires filmées, à différents endroits, conduisant chacune sur un titre sur scène, des choses comme ça… ça ferait presque un concert documentaire.

Ça augure plutôt d'un produit intéressant, dit comme ça… Pour l'instant on va le laisser se préparer pour le concert de demain, échangeant quelques derniers mots complètement informels sur sa tournée, qu'il accorde avec une ouverture non feinte… il s'agit d'un personnage vraiment honnête dont se dégage une sorte d'authenticité absolument charmante. Ayant apparemment bien apprécié notre entrevue, à l'en croire, il aurait poursuivi l'échange avec plaisir s'il ne devait se plier à un emploi du temps tranchant avec son personnage libre et idéaliste, sincère et honnête. Du moins l'ai-je ressenti ainsi et ce sera l'impression que j'en garderai.

The Oucast




 

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