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öOoOoOoOoOo

Interview réalisée par Vassago - 2017



Asphodel (ex Pin Up Went Down) et Baptiste (Ex Human Vacuum) sont les têtes pensantes de öOoOoOoOoOo, projet qui présente son premier effort : Samen, une petite perle expérimentale, rock, electro, dark etc. Voyons avec les intéressés de quoi il retourne exactement.

öOoOoOoOoOo c’est quand même un nom de groupe étrange, comment ça vous est venu ?

Baptiste : Alors que l’idée du projet existait déjà, nous nous sommes retrouvés Asphodel et moi devant la question suivante : “Comment c’est donc que l’on va s’appeler ?”. Nous avons donc commencé à brainstormer un peu, avant de partir dans des idées vraiment à la con - nous avons tous deux un humour vraiment nul - à la suite desquelles j’ai proposé, pour rire, “öOoOoOoOoOo” qui représente une chenille. L’idée a fait rire Asphodel et lui a aussi plu, je crois, parce que cela sortait du cadre des mots. Puis ça a du coup une prononciation qui varie selon la langue de chacun.

Asphodel : Il est vrai qu’au final la plus grande difficulté a été de trouver un nom. Celui d’öOoOoOoOoOo représente effectivement une larve éruciforme; nous souhaitions nous définir davantage par l’évocation que par l’identification immédiatement d’un logotype.

Qui est à l’origine du projet, doit-on parler de groupe ou est-ce plutôt une sorte de collaboration entre artistes ou un duo avec des guests ?

Baptiste : Histoire d’apporter une précision importante, c’est Asphodel qui est l’instigatrice de öOoOoOoOoOo. donc c’est à elle de s’y coller.

Asphodel : Lorsque j’ai créé le “germe” du groupe, j’ai décidé de rester dans la tradition du duo à laquelle j’étais attachée. Malgré mon côté tentaculaire, bavard et social, j’ai une forte tendance à travailler en solitaire, à chérir l’isolement -et l’analyse- et à fuir les groupes dès que je le peux (sauf exceptions). J’ai donc préféré une structure bicéphale. Loin de moi l’envie de remonter Pin-Up Went Down autrement : Alexis n’est pas Baptiste, Baptiste n’est pas Alexis. La distinction est claire.
Proposer à Baptiste d’intégrer le projet était une évidence. Je savais à quel point il était habité par son travail, j’admirais chez lui cette capacité à composer sans se poser de limites, cette pertinence. Il était à la fois magicien et artisan, et aussi parfois complètement inconscient. Baptiste fait de la musique comme les enfants font de leurs cabanes des châteaux. Peu importe le résultat, ils ne craignent ni la fragilité des matériaux ni l’effort à fournir pour faire tenir un pan de toit. Ils savent qu’ils l’auront, leur forteresse.
Ainsi, öOoOoOoOoOo se construit autour de nous deux. Pour le live, la formule à deux n’est effectivement pas viable, il nous a fallu choisir de nous entourer de gens de confiance. Germain Aubert (qui a enregistré et mixé l’album au Black Bear Studio ) et Benjamin Riggi sont des musiciens en qui nous avons une grande confiance. Ils respectent parfaitement notre volonté de rester un noyau créateur hermétique et d’être présents pour le live, ce qui est vital pour nous. Ils ne sont pas de simples guests, ils composent réellement la formule live d’öOoOoOoOoOo.

Sur Samen on ressent des influences très diverses, à titre perso j’y vois du Mike Patton période M. Bungle, mais ce serait très surement trop réducteur de se limiter à ça. Quels sont les artistes qui vous ont influencés durant la création de cet album ?

Baptiste : Surtout pas Patton, déjà, étant donné qu’il représente une étiquette qu’on allait d’office nous coller. À vrai dire, durant la période de composition de l’album, j’ai fait en sorte de me limiter le plus possible dans mes écoutes de musiques et de groupes barrés, avant-gardistes ou autres. Et pourtant, j’adore California de Mr. Bungle, j’aime énormément le premier album de Sleepytime Gorilla Museum, je suis un gros fan de Psykup et aussi des deux albums et de l’EP de Pin-Up Went Down, forcément. Ceux-là je me suis refusé de les écouter, je me retrouvais à bosser avec la même chanteuse, il ne fallait surtout pas que la musique se mette à y ressembler (toutes proportions gardées, je ne m’appelle pas Alexis Damien, j’ai à mon sens beaucoup moins de maîtrise et de connaissances musicales que lui). D’autant que proposer à Asphodel un environnement musical différent semblait assez logique, histoire de souligner la rupture avec ce qu’elle a fait avec son précédent projet. Le groupe le plus barré que je me rappelle avoir écouté était au final Cardiacs, notamment les albums Sing to God et A Little Man and a House and the Whole World Window. Et j’écoutais tout de même beaucoup de choses, pas mal de Devin Townsend, Benighted, Mammut (le groupe islandais de rock indé, pas le groupe suédois de stoner), Florence+The Machine, Moloko, Faithless, Audrey Fall et j’en passe. Bref, toute une pléthore de groupes qui n’ont pas influencé la composition de la musique dans le sens où je me serais dit “Ah tiens, je vais faire un truc dans le genre de machin”, mais dans le sens où étant donné que j’ai tendance à écouter pas mal en boucle, je m’en suis forcément imprégné et ils se sont très probablement incrustés dans le répertoire de mon inconscient musical, au même titre que tout ce que je peux écouter depuis que je suis en âge de retenir une mélodie.

Asphodel : Je vais suivre Baptiste. J’ai beaucoup écouté Audrey Fall, mais c’est instrumental. Les seules figures humaines qui m’ont influencée lors de l’élaboration de cet album sont des gastro-entérologues et des bactériologistes américains. Pour être honnête, je n’écoute pas Mike Patton non plus. J’adore quelques morceaux de Faith No More qui restent à mon sens de grands classiques, mais je vais davantage être influencée par des faits et des conclusions que des artistes musicaux. Paradoxalement, baignant continuellement dans la musique, je ne peux identifier ce qui m’a imprégnée. J’ai un rapport très sensitif à la fois, il m’arrive de chanter certaines mélodies ou de choisir certaines voix uniquement à cause des vibrations physiques qu’elles génèrent (je pense à Hemn, où l’utilisation du chant de gorge répond à une incapacité de décrire la douleur psychique via le langage).

On aime bien savoir comment se déroule la phase créative. Qui a fait quoi dans Samen ? Qui compose, qui arrange, enregistre etc. ?

Baptiste : Je compose dans l’ensemble le plus gros pour chaque morceau et le processus varie d’un titre à l’autre. Pour “No Guts=No Masters!” par exemple, qui est le tout premier morceau que j’ai commencé à composer pour öOoOoOoOoOo, tout est parti du riff de violoncelle. J’étais à ce moment dans Human Vacuum et je ne souhaitais pas forcément partir d’emblée sur de la guitare, saturée ou non. Pour “LVI”, idem, le début du morceau a déterminé le reste de l’ambiance et des couleurs. Sauf que c’est une partie qui a été éjectée parce qu’au final elle ne plaisait pas tant que ça, du coup personne ne l’entendra, mais voilà ! Je me rends compte que c’est un peu comme si je montrais un portrait en photo à un gosse : “Ça tu vois, Firmin, c’est ton grand-père. C’est en partie grâce à lui que tu existes. Mais il est mort et tu ne le connaîtras jamais que par le biais de ce que qu’il a laissé derrière lui. Tiens, reprends une part de quiche.”
Et l’arrangement, il est globalement pensé au moment de la composition, ce qui a parfois posé problème à Asphodel.

Asphodel : Sur Samen, je m’occupe surtout de la partie chant et paroles. Du visuel aussi. Nous avons réparti les rôles naturellement. J’ai également dû dire à Firmin que son grand-père était mort, mais il m’a répondu que c’était déjà fait, et qu’il fallait arrêter de le prendre pour un demeuré. Mais par chance, j’ai peu amputé mes parties (cette phrase n’a aucune connotation. Aucune).
Quant à l’enregistrement, c’est l’ursidé Germain Aubert qui nous a ouvert les portes de sa caverne avec toute la finesse d’écoute dont il sait faire preuve. Sans lui, l’album serait moins solide.

öOoOoOoOoOo est-il un one shot ou est-ce un projet qui compte s’inscrire dans la durée ? Allez-vous constituer un groupe live pour tourner ?

Baptiste : C’est prévu pour continuer, nous avons commencé quelques morceaux, mais nous ne nous pressons pas. Avec le recul, nous nous sommes mis pas mal de pression sur la tête durant la création de Samen, pas sur la totalité des trois années qui ont abouti à sa sortie évidemment, mais sur les périodes où nous travaillions dessus ensemble, ou même parfois à distance.
Asphodel : Le groupe live est effectivement en construction. Oui, öOoOoOoOoOo continue.

Parlez-nous un peu de la pochette de l’album. Qui en est à l’origine, qu’est-ce que ça représente ?

Asphodel : J’ai l’avantage d’avoir plusieurs métiers -choisis-, dont celui de photographe. Je suis plutôt “industriellement” spécialisée dans la mode, le portrait, les books de comédiens… Je pratique la photographie de manière plus personnelle et expérimentale en basant mes séances sur la culture de moisissures et leurs prises de vue, mais également sur le corps.
Pour öOoOoOoOoOo, j’avais une idée en noir et blanc que j’ai dû abandonner, faute de temps et de difficultés logistiques. M’est venue en tête cet amas de chair organisée, silencieuse, une sorte de charnier dénué de toute notion mortuaire. Il s’agissait de travailler sur la matière humaine, en lui retirant l’indice d’identification le plus immédiat, qui est le visage, dont la simple évocation peut éloigner de la considération corporelle. Le visage a cette particularité d’attirer l’humain : l’affrontement facial incite à l’échange, ou au refus de l’échange d’ailleurs, il précède le langage et inclut immédiatement sa possibilité. Le corps dénué de visage évite au spectateur de projeter cet affrontement et de se soustraire à l'identification immédiate.
Le corps est déshumanisé dans le livret, puisqu’on lui retire son identité prime. Pourtant, il est ré-humanisé, dans le sens où l’amas n’appelle pas à la comparaison des corps. Il s’agit, par l’anonymat, de déhiérarchiser les manifestations du Beau.
J’avais également envie de redonner un sens à la notion d’image dans l’industrie musicale, aussi le visuel est pensé comme le catalogue d’une exposition photographique (d’ailleurs, les images ont été réellement exposées). Je suis particulièrement chagrinée et alarmée par l’effet “emballage-marketing” des visuels musicaux.

Vous avez des actus à communiquer à ceux qui voudraient vous découvrir en live ou de n'importe quelle manière ?

Asphodel : Des actes, non. Des noms, oui. Nous sommes actuellement entrés dans un processus de répétitions. Pour cela, nous nous sommes entourés de deux musiciens en qui nous avons une confiance totale, tant techniquement qu'humainement. Il s'agit de Germain Aubert, que nous avons précédemment évoqué et dont les prouesses mises au service du regretté groupe Fluxious nous ont convaincus et Benjamin Riggi, excellent batteur de Rootsworld, anciennement au sein de Fluxious lui aussi.

Baptiste : Nous travaillons donc en vue de proposer un set solide, avant de pouvoir communiquer des dates. De toute façon y a rien de programmé pour l'instant. Voilà.

Qu'est-ce qu'on peut vous souhaiter pour 2017 ?

Asphodel : De vraies nuits de sommeil et suffisamment de détachement pour accepter le fait que les nouvelles compositions puissent être complètement différentes de celles de Samen. Aussi, des plans pour jouer, ça me manque la scène…

Baptiste : Plus de temps pour nous retrouver au-delà même du fait de répéter. Passer des moments ensemble fait avancer öOoOoOoOoOo de quelque manière que ce soit.

V.

 





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