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   P O P A  C H U B B Y

Juillet 2013



Popa Chubby s'apprête à sortir un nouveau disque, « Universal Breakdown Blues ». Fier comme il se doit, il marque l'arrêt à Paris pour en parler aux intéressés. Mais, abusant des bonnes choses comme un Popa, le voyage aura eu raison de lui et c'est un Popa ne cessant de lorgner vers son lit (il nous reçoit dans sa chambre d'hôtel) que nous interrogerons tant bien que mal pour une interview raccourcie par les circonstances…

Des gens comme Popa sont rarement dans nos pages, nous aurions aimé parler Blues avec lui, pour une fois que nous nous retrouvons devant un représentant du genre – dont votre serviteur est assez friand – il faudra se faire une raison. Le gars est claqué, tient à peine sur sa chaise, et finit par concurrencer le moins loquace lacédémonien sur les dernières minutes. Il reste pourtant tout sourire, donne de la voix comme sur scène (il faut se trouver devant le bonhomme pour prendre la mesure de son coffre) et nous répond de son accent new-yorkais coloré de « man » et de « yeah » à la pelle…

(UltraRock) Commençons par le commencement : cet album est né, de tes propres dires lors d'une interview passée, de « combats personnels et convalescences »… Veux-tu dire par là qu'il s'agit d'un album plus personnel qu'à l'accoutumée ?

(Popa Chubby) Oui et non : personnels, mes albums le sont toujours, ils sont tous un reflet d'où je me trouve à un moment de ma vie. Ces dernières années ont été dures pour moi, j'ai notamment divorcé, mettant fin à un long mariage… Tu sais, c'est ce genre de situations où tu te retrouves à redéfinir ta vie. Et en de tels moments, la musique prend une importance toute particulière. Le Blues est alors plus qu'une simple musique… Le Blues est ta vie même. Voilà donc l'importance de cette musique qui transparait sur mon album.

(UR) Tu as nommé l'album « Universal Breakdown Blues », je t'ai lu dans une autre interview présenter ce titre comme se référant à l'état général du monde.

(PC) C'est l'état général où est le monde, oui, c'est la condition humaine, j'entends par là la condition humaine en tant que condition universelle de l'homme, celle de chacun d'entre nous. Chaque être a la même expérience de la vie, mais chacun d'entre nous l'interprète différemment. Et malgré tout ce que ça implique, là est l'opportunité pour nous tous de choisir un autre chemin.

(UR) Si on lie ce titre et sa signification à cette conception pénible de l'album, on en ressort aisément un regard très pessimiste…

(PC) Moi je dirais l'inverse : c'est un regard très optimiste sur le monde. Pourquoi donc porter un regard pessimiste ? Qu'y gagnerait-on ? On n'a rien de bon à attendre en étant pessimistes, non, il faut voir les opportunités, des opportunités pour que des évènements se produisent, lorsque les évènements sont en ce moment mauvais.

(UR) Venons-en à l'album lui-même : première question, qui joue dessus ? L'habitude grandissante de nous fournir des MP3 nous prive de toute information.

(PC) Ah d'accord. Tu retrouves deux sections rythmiques différentes sur l'album. La première est mon groupe de tournée de l'année passée, à savoir Sim Cain [batteur] et Eric Boyd [bassiste]. La seconde moitié du disque est enregistrée avec Steve Holley [batteur], mon partenaire depuis longtemps, Chris Jefferson à la basse, Dave Keyes au Hammond, et une choriste nommée Sari Schorr.

(UR) Felipe Torres [batteur] n'est pas sur cet album ?

(PC) Non… enfin, pas sur celui-ci !

(UR) Musicalement, si je compare l'album aux précédents, tu nous proposes aujourd'hui quelque chose de bien moins Rock que « The Fight Is On », tu t'éloignes encore plus du Rock pour te rapprocher du Blues.

(PC) Oh ça reste du Rock, enfin du Blues Rock, ça reste Heavy… C'est même toujours du Heavy Rock, mais ce disque est beaucoup plus Blues. C'est un disque clairement plus Blues et traditionnel dans l'esprit.

(UR) Je le vois comme une seconde étape dans la même direction après « Back To New York City ».

(PC) Je crois que ça l'était… En fait on peut voir ces trois disques comme une trilogie qui m'a fait revenir au Blues.

(UR) Bien qu'Ultrarock soit un magazine Metal, j'aimerais discuter musicalement des titres avec toi, car bien que profane je goûte particulièrement cette musique… J'ai particulièrement apprécié ta version de « Rock me baby »…

(PC) Cool ! C'est vrai qu'elle est assez Heavy. C'est du « Riff Rock », c'est un riff, bien Heavy, sous l'influence de Hendrix… voire Black Sabbath, c'est normal qu'un fan de Metal aime le Blues ! Black Sabbath c'est du Blues, tous ces groupes jouent du Blues. Motörhead joue du Blues…

(UR) Il y a eu quantité de versions de « Rock me baby ». Ce que j'aime particulièrement dans celle-ci c'est que tu as monté un riff de toutes pièces – et un riff très Jimi Hendrix comme tu l'as d'ailleurs dit.

(PC) Oui, il s'agit de prendre le titre et de l'amener dans un nouveau domaine. [Popa commence déjà à fatiguer, et un Popa fatigué n'est guère bavard… je vais avoir du mal à en tirer plus sur les autres titres]

(UR) OK… c'est sans doute mon titre préféré, parmi les covers. Une autre intéressante est « Somewhere over the rainbow ». Je sais que tu la joues souvent sur scène – je t'ai déjà vu Live – et là tu nous proposes apparemment une version Live, justement ?

(PC) Oui c'est Live, ça a été enregistré en février au Radio Bar de New York.

(UR) Question bête : tu ne voulais pas de version studio ?

(PC) Ça sonnait mieux Live, c'est tout. L'enregistrer en studio aurait fait perdre pas mal au titre. Je voulais l'énergie qu'avait le titre sur scène… Et puis j'aime bien avoir un titre Live au milieu du disque, ça implique plus l'auditeur je trouve. Quand j'étais jeune je voulais toujours trouver des titres Live sur les disques que j'écoutais, j'ai toujours trouvé ça plus excitant.

(UR) Bien… à part ces covers, il y a un titre qui a des allures de « semi-reprise » : c'est « The peoples blues », qui emprunte un passage à « Bleeding heart » de Elmore James…

(PC) C'est à cause du début où je chante « People peoples people »… c'est juste un truc de Blues, mec. Ça sonnait, et puis je le sentais comme ça sur le coup, et je ME sentais comme ça. C'est rendre hommage, et en même temps exprimer mon état du moment, je parle de moi : « People peoples people do you know how it feels to be alone ? »

(UR) C'est un vieux truc de Blues – et de Folk – mais qu'on reprochait déjà aux groupes de Rock de reprendre dans les 60s… Se détacher de la tradition et ne pas reprendre de vieux thèmes….

(PC) Il n'y a pas de mal, c'est un concept Folk. C'est toujours pareil, tu prends un vieux thème, et tu l'introduis dans le présent.

(UR) Tu te voyais donc dans la lignée de cette tradition en faisant ça ?

(PC) Exactement.

(UR) D'autre part, malgré ton amour pour Hendrix, aucune référence à sa version…

(PC) Du tout. Je n'avais pas Hendrix en tête mais juste ce que je t'ai dit : « Do you know people peoples people, do you know how it feels to be alone? »… Everybody does.

(UR) Moi personnellement – tout profane que je suis, donc – il y a un autre morceau qui me fait penser à Elmore James : « Back to amsterdam ».

(PC) Ça a été écrit par Mason Casey, qui tient l'harmonica. Le gars a beaucoup joué en France, d'ailleurs. « Reefer smoker man », ça veut dire ce que ça veut dire ! « Going back to amsterdam, reefer smoker man ». C'est un Blues dans les formes de l'art… mais ouais il a un arrière-goût d'Elmore, sans doute car j'y joue de la slide. C 'est un bon morceau… et le disque manquerait de slide sans lui. Mais dis-moi, tu me parles de Blues, et pas de Metal ! et « Mind bender » alors ? si c'est pas Heavy, ça… c'est du Hard Rock bien couillu comme il faut.

(UR) [force m'est de lui donner raison] Pour parler plus de tes compositions propres, « I don't want nobody » qui ouvre l'album est quelque chose que tu as peu proposé par le passé, c'est un morceau très Stevie Ray Vaughan.

(PC) Ah oui c'est du Texas Shuffle, bien-sûr ! J'en ai en effet peu proposé jusqu'ici… ben voilà pourquoi je l'ai fait ! Voilà, histoire de faire quelque chose de nouveau, montrer aux gens ce que tu as dans ta besace.

(UR) Le morceau-titre, « Universal breakdown blues », essaie autre chose, lui : moi il me fait penser à du Rock 70s, le genre de trucs que Free faisait alors, par exemple. Toi tu le vois comment ?

(PC) Ça venait de Jimi Hendrix, de « Electric Ladyland » ou « Axis Bold As Love », pour moi.

(UR) Ah ouais, ça pourrait, aussi… mais ça sonne plus mélodique. On pourrait multiplier les exemples, mais de façon générale je trouve que tu te tournes vers plusieurs styles de Blues auxquels tu touchais moins, avant… comme le Blues 80s pour « 69 dollars » pour donner un autre exemple, assez Robert Cray pour moi…

(PC) Tu sais, je raconte surtout une histoire quand j'écris un morceau. Je ne me pose pas ce genre de questions, j'écris qui je suis, où j'en suis… Je ne raconte que des histoires, avec mon stylo et ma guitare… et ma musique. Il s'agit juste de ça, mec. Sur ce morceau tu as un beau mode mineur, du Rumble, un bon solo par-dessus, et Blues 80s ou pas, les gens comprennent. Je ne pense pas au style, sort ce qui sort.

(UR) Penses-tu que certaines « histoires », comme tu nommes ça, t'orientent plus vers un style qu'un autre, en revanche ?

(PC) Non.

(UR) OK… Passons à autre chose : « Danger man ». Je vais encore parler style désolé mais on est dans les 60s, à Chicago peut-être…

(PC) Clairement, on est chez Willie Dixon. C'est exactement ça.

(UR) [ayant de plus en plus de mal à le faire parler] Willie Dixon ?

(PC) Oui. Mais encore une fois je raconte une histoire, écoute les paroles plutôt que la musique.

(UR) Bon, je veux quand même évoquer le titre le plus original peut-être, « The finger bangin' boogie », que j'apprécie vraiment. C'est à la fois presque Pub Rock, à la fois Folk très Laid Back…

(PC) Ah oui on est plus Laid Back, c'est une autre vibe… Mais de nouveau c'est une histoire : ça parle de « finger-banguer ».

(UR) J'espère que vous la finger-banguerez sur scène celle-là^^ Je t'avais vu sur scène fin 2010, donc… sans première partie. C'était un choix, ou bien la scène Blues française est trop inexistante pour trouver une affiche ?

(PC) Je ne pense pas en termes de scène, mec. J'ai un sacrément bon following en France, j'adore y jouer et les gens répondent toujours présent. Ce n'est pas une question de scène, c'est une question de ce que tu as à dire, là aussi. Passons outre les genres, soyons unis et profitons de la musique !

(UR) Vis-tu les choses de la même façon aux US, où la « scène » - ou appelle ça comme tu veux – est beaucoup plus développée qu'ici ?

(PC) Non. [la fin est proche]

(UR) J'aurais pensé, du fait du sous-développement du Blues en France… Quoi qu'il en soit, vois-tu – toujours aux US – une quelconque communauté d'artistes individuels plus proches entre eux ?

(PC) Oui bien-sûr il y a une communauté de musiciens qui font la même chose, et qu'on essaie de développer évidement. On travaille extrêmement ensemble, ainsi.

Sur ce je propose à Popa d'en rester là, pour « ne pas plus le torturer »… Ce qui est pour lui le signal pour pousser un soupir digne d'un sanglier et s'affaler sur le lit – non sans avoir d'abord ouvert sa housse de guitare afin je suppose d'en harmoniser la température. Ce fut court, dommage… ce fut instructif aussi, on retiendra cette vision plus thématique que stylistique de sa musique, qu'on n'aura pas plus le loisir de voir illustrée d'exemples, mais même dans ses mauvais jours on ne refuse pas de voir Popa.

THE OUTCAST

 

 

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