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S A X O N

interview menée le 11 janvier 2018 par Powersylv et Eric à Paris
 
A peine après avoir juste récupéré des fêtes, nous sommes conviés pour une rencontre avec Biff Byford, chanteur et tête de proue de SAXON afin de le cuisiner sur le nouvel opus des vétérans de la NWOBHM, le bien nommé Thunderbolt. Il s’agit du 22ème album du mythique combo « british » qui n’a pas l’intention de raccrocher de sitôt.
La tragique nouvelle de la disparition de Fast Eddie Clarke (guitariste historique de MOTÖRHEAD et de FASTWAY) étant tombée quelques heures plus tôt, c’est un peu déroutés que nous nous mettons en route vers l’hôtel parisien où réside le chanteur, par un temps froid et gris digne du célèbre smog londonien.
Heureusement, le début de l’interview démarre bien, les cœurs se réchauffent et les langues se délient lorsque nous offrons à Biff un petit cadeau : une bonne bouteille d’un fameux vin français qu’il affectionne particulièrement. L’ambiance est détendue, on peut commencer. Let’s play rock’n roll!
 

Bonjour Biff, comment te sens-tu à trois semaines de la sortie de votre nouvel album Thunderbolt ?
A vrai dire je n’y pense pas vraiment. « In The Lap Of The Gods » (« A la grace de Dieu ») comme disait le groupe QUEEN :).

Avant d’entrer dans le vif du sujet, revenons sur ces deux dernières années encore une fois bien remplies et sur l’époque Battering Ram. Es-tu aujourd’hui pleinement satisfait de cet album et que retiens-tu de cette période ?
Battering Ram a donné lieu à une très longue tournée, deux bonnes années. C’était une belle et grande tournée, pleine de bons moments. Nous avons pu tourner entre autres avec JUDAS PRIEST, avec MOTÖRHEAD, UFO, FASTWAY … également en tête d’affiche bien sûr. L’album lui-même a été très bien accueilli, les fans ont répondu présent.

Je dois dire que je l’ai moi-même beaucoup écouté, il y a de super titres dessus, c’est un disque bien heavy …
Oui effectivement. Et avec un super son.

Thunderbolt est encore un album typique du style SAXON avec des morceaux de trempes différentes : des plus rapides, des plus heavy, d’autres plus sombres mais toujours avec votre griffe. Y a-t-il des titres qui datent de sessions antérieures ou s’agit-il de titres tout juste sortis du four ?
Ce sont des titres récents spécialement écrits pour l’album, même si nous travaillions depuis un bon moment sur ces chansons, avec Andy (Sneap), notre producteur actuel avec qui nous travaillons depuis quelques temps maintenant. Le processus d’écriture a été initié par Nibbs (Carter, basse) au début de l’année 2016. En revanche, nous avons dû ralentir la cadence d’écriture en 2017 qui a été une année intense en termes de tournée comme je te le disais plus tôt. L’essentiel a donc été conçu durant l’année 2016, complété par quelques ajouts en 2017. J’ai beaucoup travaillé chez moi, en collaboration très étroite avec Nibbs. Ensemble, nous avons composé disons … 85% de l’album. Les autres ont ensuite apporté leurs idées, peaufiné l’ensemble ou des éléments bien précis comme les riffs. C’est d’ailleurs ainsi que nous avions procédé pour Battering Ram et même avant pour Sacrifice. Lorsqu’on va en studio tous ensemble, nous avons déjà les fondations qui sont prêtes, il n’est pas exclu que certains passages écrits par Nibbs et moi soient retouchés. Par exemple, avant les sessions studio, nous utilisons une batterie digitale et nous réenregistrons ces parties avec une vraie batterie ensuite en studio, sous la houlette de Nigel (Glockler, batterie). On a fait à peu près 4 sessions en studio, notre souci était d’obtenir le son le plus « live » possible.

Nibbs Carter est donc toujours très actif et un contributeur important dans l’écriture des récents albums, Thunderbolt ne fait pas exception …
Il contribue surtout aux parties de guitares car, bien que bassiste, c’est aussi un excellent guitariste. Pour ma part je m’occupe surtout des arrangements des chansons, des mélodies, des paroles … après c’est ouvert. Si d’autres membres de SAXON arrivent avec une nouvelle idée, un nouveau riff, pourquoi pas ? Le principe est simple : si tu veux travailler dur et t’impliquer dans l’écriture d’un album, aucun problème. Si tu préfères laisser les autres s’en occuper, pas de soucis non plus, nous n’avons pas de règle particulière ou prédéfinie au sein du groupe lors de l’écriture d’un album.

Avec Sacrifice (Mars 2013) et Battering Ram (Octobre 2015), Thunderbolt est le troisième album produit par Andy Sneap.
Pour Sacrifice, Andy s’était seulement occupé du mixage, il n’avait pas participé à l’enregistrement. Pour Battering Ram, nous l’avons produit ensemble, même si j’étais davantage dans le rôle de producteur exécutif : j’avais l’avantage de la décision pour dire « Telle partie devrait sonner différemment », ce genre de choses. Cette fois pour Thunderbolt, je lui ai laissé beaucoup plus de marge de manœuvre sur la production, pour le son des guitares, les parties de batterie par exemple. Donc oui, il a été impliqué à différents degrés dans les process des trois derniers albums. Pour Thunderbolt, cette façon de faire m’a permis de me laisser plus de temps pour me concentrer sur les paroles : cette fois j’ai donc repris mon rôle de « membre du groupe », sans réellement me préoccuper de la production. Ce qui ne m’empêchait pas, une fois le travail d’Andy quasiment terminé, de venir écouter le résultat et de lui faire part de quelques remarques.

L’introduction instrumentale « Olympus Rising », « Thunderbolt » et « Sons Of Odin » font référence à diverses mythologies anciennes, à différents concepts antiques, à … (ndlr : hésitation pour formuler ma phrase)
Oui, au paganisme en général, c’est certainement le mot que tu cherchais (rire). Effectivement ce sont des sujets qui m’intéressent. Par exemple, j’aime beaucoup les récits de la mythologie nordique, des vikings, les anciennes légendes celtiques de notre bonne vieille île britannique … j’aurai donné n’importe quoi pour être un viking (rire) …

Justement, et à juste titre, on connait bien le gout de SAXON pour les récits anciens, les légendes, les histoires épiques qu’on retrouve dans beaucoup de groupes de heavy metal …
Oui, il y a l’histoire, il y a aussi les histoires anciennes que tu peux calquer sur celles qui se passent aujourd’hui ici. Celle du monde, la tienne, la mienne … en fait j’aime raconter des histoires. Elles m’inspirent. C’est un sujet fantastique l’Histoire. La chanson « The Secret Of Flight » par exemple, ce rêve caressé par l’Homme depuis des siècles et qui s’est concrétisé très rapidement au siècle dernier, en passant par la légende d’Icare et les inventions de Léonard de Vinci. Vous lirez les paroles, elles sont importantes pour comprendre où la chanson veut en venir. Après j’aime toujours également écrire des textes sur les bolides, la vitesse (sourire).

Savais-tu que le P47 Thunderbolt était un avion de chasse américain utilisé lors de la deuxième guerre mondiale ?
Oui, cependant, concernant la chanson-titre de l’album il s’agit d’une évocation de Zeus, le dieu grec dont le symbole est un aigle tenant entre ses serres un éclair. Vous n’avez pas pu lire les paroles encore je pense, il s’agit de l’épisode de la guerre ente les Dieux dits Olympiens (avec Zeus à leur tête) contre les Titans qui les ont précédés (les anciens dieux).

Y a-t-il des chansons que tu aimes particulièrement sur ce disque et que tu veux absolument jouer en concert ?
« Thunderbolt » bien sûr. J’aimerais jouer « Nosferatu » aussi qui est un peu différente, plus sombre avec son aspect un peu gothique. Forcément « They Played Rock’n Roll ». « The Secret Of Flight ». Un titre comme « Sniper » également qui a une bonne force de frappe … « Sons Of Odin » … mais bon comme tu le sais au niveau des set-lists nous sommes imprévisibles : personne ne sait à 100% ce que nous allons jouer. J’aime ne pas faire la même chose chaque soir et j’aime aussi surprendre. Il faut aussi expérimenter avec le nouveau matériel : il y a des chansons que nous composons parfois en studio, qui sonnent bien en studio et qui étrangement passent moins bien l’épreuve du live. Le contraire est valable aussi : certaines chansons prennent une autre dimension en concert par rapport à leurs pendants studios. Tiens, prends « Crusader » par exemple : c’est un indispensable en concert et c’est toujours un grand moment live. Sur album, elle est bien aussi mais en concert : c’est un monstre !

Impossible de passer sous silence le titre « They Played Rock’n Roll ». Tout le monde sait comment MOTÖRHEAD a influencé la scène heavy metal britannique à la fin des années 70. Et tout le monde identifie la personnalité de Lemmy Kilmister comme une sorte de « Parrain » pour les groupes de votre génération, par exemple SAXON ou encore GIRLSCHOOL. Plus que ça encore, Lemmy était perçu comme une icône du heavy metal et même plus largement comme le garant d’une certaine idée du rock’n roll en tant que style de vie, dans le sens où il a toujours vécu sa vie comme il le voulait. Toi qui le connaissais bien et qui l’a fréquenté par exemple en tournée, que retiens-tu de lui ?
Lemmy et moi partagions ce sens de l’humour très spécial, assez sombre. Les gens étaient parfois déroutés par certains de ses traits d’humour car Lemmy était « cash » et cet humour pouvait sembler parfois brutal. Comme tu le sais, il aimait l’Histoire et il était surtout fasciné par la Deuxième Guerre Mondiale et tout ce qui avait trait à l’armée allemande particulièrement. Dans les années 80 on allait souvent dans des magasins où ils vendaient des uniformes allemands, des badges en forme de croix de fer, tout ça.

Comment vous est venue l’idée de la chanson « They Played Rock’n Roll » qui est dédiée à MOTÖRHEAD ?
J’ai demandé à Nibbs de me trouver un riff typique du style de MOTÖRHEAD que nous avons introduit dans une chanson propre à une chanson rapide de style SAXON : on a ainsi un titre qui mélange nos deux groupes pour cet hommage et je dois dire qu’on a fait un très bon travail. J’ai arrangé le tout pour qu’il sonne très « eighties », je me suis occupé bien évidemment des paroles et … il faut que tu saches que j’avais déjà écrit cette chanson avant même la mort de Lemmy. Le décès de Fast Eddie Clarke ce jour-même rend cette chanson encore plus poignante. Nous avons fait un clip vidéo de la chanson avec des images d’archives qui datent de 1979 et où l’on voit nos deux groupes. Fast Eddie qui était hospitalisé l’a vue quelques jours avant de mourir la nuit dernière. Etrange. C’était des mecs bien. Nous étions effectivement très proches d’eux au début de notre carrière. En 1979/1980 c’était une période très difficile en Angleterre : il y avait des grèves nationales à répétition et la politique de Margareth Thatcher n’arrangeait pas les choses car elle s’en prenait principalement aux classes laborieuses et ouvrières. C’était dans ce contexte agité que nous étions en tournée avec MOTÖRHEAD, et les gens voyaient bien que nous venions du même milieu qu’eux et s’identifiaient à nos deux groupes et à notre musique. Tout ceci a porté ce que l’on a appelé la New Wave Of British Heavy Metal.

Nous avons effectivement appris cette après-midi le décès de Fast Eddie Clarke. Peux-tu nous dire ce qui s’est passé ?
Il avait été hospitalisé pour des problèmes aux poumons. On s’était vus à Noël, il allait bien. Du coup, j’ai été saisi quand j’ai appris sa disparition. Il n’était pas du tout malade depuis de longs mois comme l’avait pu être Lemmy, tu vois ce que je veux dire. Il a dû attraper quelque chose dernièrement, c’est arrivé si soudainement … c’est un ami qui m’a appelé la nuit dernière pour m’annoncer son décès. Triste. Nous lui avons rendu hommage en postant sur Facebook une vidéo de 2016 où il était venu nous rejoindre sur scène pour jouer « Ace Of Spades ». Tu sais, spécialement à leur grande époque, les MOTÖRHEAD étaient complètement givrés et ont connu tous les excès : ces gars-là ont vécu en brûlant la chandelle par les deux bouts. Je pourrais t’en raconter des vertes et des pas mures sur leurs exploits passés …

Oui, rien qu’à lire « White Line Fever » (ndlr : l’autobiographie de Lemmy) …
Oui c’est sûr. Après, ils ont eu une fantastique carrière. Même Eddie avec FASTWAY qui était aussi un très bon groupe. Ils ont eu un beau succès aux Etats-Unis. Malgré tout, les gens le voyaient toujours comme le guitariste des gros succès de MOTÖRHEAD et c’était le dernier du trio Lemmy/Eddie/Philty « Animal » Taylor à être encore en vie.

Biff, parlons maintenant de votre prochaine tournée. Elle débute en Europe le 23 février, où vous serez en tête d’affiche, avec DIAMOND HEAD et ROCK GODESS en ouverture. Puis, vous partez pour les USA où vous assurez la 1ère partie de JUDAS PRIEST. Ce sont des concurrents ? Des amis ? Les deux ?
Ce sont des amis avant tout ! Et en second, des concurrents. C’est naturel, vous êtes sur scène, ils sont sur scène, il y a de la compétition, les choses sont ainsi ! Nous avons joué avec eux en tournée en 2015, on se connait bien, on s’entend bien. Les concerts que l’on propose ensemble, c’est une sorte de pack « British Special ». Les ventes de billets marchent très fort pour le moment. Ça va être de super concerts. Comme nous, ils ont une actualité avec un nouvel album qui sort dans quelques semaines, et qui a été produit également par Andy Sneap. C’est à celui qui aura réalisé le meilleur album !

Andy Sneap semble donc être le producteur attitré des groupes de métal des années 80 !
Je pense que JUDAS PRIEST a observé ce que SAXON a produit récemment : sur les 3 derniers albums, on a vraiment fait de très bonnes choses, il y a des trucs qui « déchirent » et qui ont bien marché. Je crois que c’est ce que JUDAS PRIEST cherche à reproduire actuellement : un super album de heavy metal, un retour aux sources après les critiques qu’ils ont subies sur leurs albums récents, notamment Nostradamus. J’aime ces albums, mais ce n’est pas l’avis de tout le monde. JUDAS PRIEST, ce sont les rois du métal, ils ont besoin de reconquérir leur trône.

JUDAS PRIEST a-t-il influencé SAXON à ses débuts ?
Je connaissais JUDAS PRIEST dans les années 70. Je peux me tromper, mais je pense qu’ils n’ont pas vraiment influencé SAXON comme d’autres groupes ont pu le faire. Je pense notamment à UFO, WISHBONE ASH, DEEP PURPLE ou BLACK SABBATH. Je ne connais aucun autre chanteur qui a le talent de Rob Halford : il a une voix unique. Je n’ai jamais cherché à être en compétition avec des chanteurs comme Rob, Ronnie James Dio ou Ian Gillan. J’ai toujours cherché à exister par moi-même. Mon album préféré de JUDAS PRIEST est British Steel. A ce moment-là, nous réalisions Wheels of Steel et nous avions fait le premier concert de la tournée avec eux, à Paris.

Y aura-t-il une date à Paris pour la tournée Thunderbolt ?
Oui, c’est prévu au mois d’Octobre, a priori au Trianon. Cela devrait être annoncé très prochainement.

Parle-nous du superbe tee-shirt de SAXON que vous avez sorti fin 2015 (ndlr : un chevalier portant un drapeau français et comportant la devise « Liberté Egalité Fraternité, votre serviteur le portait le jour de l’interview). Vous en êtes à l’origine ?
Oui, c’est moi qui l’ai réalisé. C’était pour l’attentat du Bataclan.

Quel message avez-vous voulu adresser ?
Le tee-shirt parle de lui-même. Le message c’est « Liberté » et « Résistez ». C’est dingue ce qui s’est passé au Bataclan. Nous étions en tournée avec MOTÖRHEAD en Allemagne, on l’a appris dans le bus. Ça nous a rendus très tristes.

Pour finir, après 40 ans de carrière, y a-t-il quelque chose que vous voudriez faire avec SAXON que vous n’ayez déjà réalisé ?
Je ne pense pas … Je voudrais sortir mon album solo l’année prochaine, il est temps, car j’en parle depuis trop longtemps ! Et puis, nous allons fêter l’année prochaine les 40 ans de SAXON, nous prévoyons quelque chose de spécial pour cette occasion, un festival ou quelque chose comme un « Saxon Cruise ». Vous verrez !

Un grand merci à Biff pour sa gentillesse et disponibilité, nous avons pris un très grand plaisir à réaliser cette interview !



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