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TIMO KOTIPELTO

Interview réalisée par The Outcast

STRATOVARIUS

Janvier 2013


De passage à Paris, c'est au bar du Hard Rock Café que Timo Kotipelto nous reçoit ce matin. Le matin, heureusement… lui – et surtout Jens Johansson – ayant déjà fait souffrir la presse la veille au soir. C'est donc au milieu d'une ambiance clips vidéos plus Pop que Metal que nous nous asseyons avec un Timo pas très frais pour parler de « Nemesis », troisième album devant convaincre qu'il y a bien un avenir pour Stratovarius sans Tolkki…

- (UltraRock) Avant d'entrer dans le vif du sujet, as-tu des nouvelles de Jörg Michael ? [qui a quitté le groupe avant l'enregistrement de l'album, et victime d'un cancer]

- (Timo Kotipelto) La bonne nouvelle, à propos de son cancer, est son opération il y a deux ans : c'est un succès, toute la tumeur est retirée, et il n'a plus de soucis à se faire, après ses deux traitements de radiothérapie. A propos de son départ du groupe, on a commencé à en parler bien avant ça, il y a quatre ans. Il nous avait annoncé sa décision de partir, et l'année dernière le moment nous a paru propice à tous. Nous avons fait pas mal de shows, nous avons réalisé notre DVD Live, et après les shows sud-américains nous nous sommes séparés. Nous restons très bons amis, et il travaille maintenant dans une agence de voyage qui se trouve organiser notre tournée ! Donc, en quelque sorte, même en dehors du groupe nous travaillons ensemble.

- (UR) Venons-en à votre intégration de Rolf Pilve…

- (TK) C'était l'année dernière. Après nous être séparés avec Jörg, nous sommes revenus en Finlande et avons balancé sur notre Facebook que nous cherchions un nouveau batteur : « envoyez-nous donc vos pires versions de nos titres ». 150 personnes nous envoyé des vidéos ! Ça nous a pris trois mois à tout trier, car nous avons tout écouté, mais nous avons fini par sortir quatre batteurs du lot. Nous les avons invités aux studios et avons joué avec. Rolf s'est vraiment distingué… C'est probablement le meilleur batteur avec qui j'ai joué. Il collait également à ce que nous recherchions, car après avoir joué avec Jörg qui avait un style assez spécifique, à la Bonham, à l'ancienne, nous voulions trouver un son plus moderne, et Rolf correspondait bien à cela aussi. Vous savez il est jeune, 25 ou 26 ans, mais il a déjà joué sur album et sur scène, donc l'année dernière lorsque nous avons fait sept shows avec lui nous avons heureusement constaté qu'il était très relax et cool, car avec Jens nous craignions qu'un jeune propulsé sur scène et en tournée ne perde la tête, se mette à boire et à jouer la star… mais au final on s'est retrouvé avec un parfait gentleman.

- (UR) Oh, ne nous dis pas qu'il ne boit pas ! même en cachette ?

- (TK) Un peu, un peu… mais vraiment pas beaucoup, ça ne serait pas bon pour le groupe. C'est vraiment un gars humainement adorable, et un batteur génial.

- (UR) Et votre son est indéniablement plus moderne sur cet album. Mais, avant de l'aborder musicalement, dis-nous comment Jani Liimatainen [qui n'est pas membre] s'est retrouvé aussi impliqué ?

- (TK) C'est simplement car l'album arrive après ma tournée acoustique avec lui [qui a donné l'album « Blackoustic »], et entre les concerts, et bien on avait tout simplement le temps de composer ensemble, par pur plaisir, mais il en est ressorti deux idées de chansons. Enfin, la première est un peu plus vieille [« If the story is over », composée ensemble], mais la seconde date de l'année dernière [« Out of the fog », commencée ensemble et finie avec Matias] où j'étais dans une maison de campagne au bord d'un lac qui commençait à se couvrir de brume… C'est de là qu'est venue l'idée, et j'ai commencé à mettre au point l'intro et soumettre mes idées à Jani. Ça a très bien marché à deux, mais c'est vraiment facile pour moi de composer avec lui. Et lorsque je me suis retrouvé avec le groupe et qu'on a commencé à rassembler nos démos, j'ai proposé ces deux titres écrits avec Jani, sous réserve qu'ils collent au groupe car ils étaient un peu différents. Mais les autres les ont adoptés et ils ont fini sur l'album sans problème.

- (UR) Vous pensez poursuivre votre collaboration ?

- (TK) En fait on a déjà écrit de nouveaux titres ensemble, mais on ne sait pas encore où ils finiront. On va peut-être monter un projet Rock. C'est aussi une question de temps, car je vais être en tournée avec Stratovarius. On a cependant quelques concerts acoustiques ensemble, avant, et il n'est donc pas impossible qu'on compose encore un peu. C'est vraiment très facile avec lui, on est réellement sur une même longueur d'onde.

- (UR) Parlons un peu de Matias Kupiainen, car il a beaucoup composé pour « Nemesis ». Quand tu as pris le relai de Timo Tolkki à l'écriture, Stratovarius s'est clairement enrichi du style de tes albums solos. Avec Matias, que penses-tu qu'il gagne ?

- (TK) Matias lui apporte de plus en plus de choses. Il a écrit 5 ou 6 titres, cette fois, mixé et produit l'album, car même si nous contribuons tous à la production, en fin de compte c'est à lui qu'on laisse les manettes. Il apporte donc beaucoup, et en premier lieu son background musical, car s'il écoutait déjà du Stratovarius bien-entendu, il écoutait pas mal de Metal Progressif et de trucs plus durs, ce qui se ressent dans le son plus dur et moderne qu'ont nos guitares, maintenant. Et les claviers aussi se retrouvent être plus durs, ce qui est au final logique : nous avons un nouveau batteur, et chaque nouveau membre va avoir une influence sur notre son, sauf bien-sûr si tu te retrouves avec un producteur qui te dis comment jouer, « Non non non, joue de la manière que je te dis ! » [pique à l'égard de Tolkki ?]. Mais chaque nouveau membre que nous intégrons apporte son style de jeu, ce qui est plus normal, et plus naturel, et l'album a tout à y gagner. Tu vois, malgré tous ces apports on sonne toujours comme Stratovarius, avec notre force mélodique et notre virtuosité instrumentale, 100% naturel ! [il se met à mimer une sorte de guerrier… il est midi, Timo se réveille^^]

- (UR) On en vient au contenu musical. La première chose que je remarque, c'est la diversité des titres par rapport à « Elysium ». Etait-ce volontaire ?

- (TK) Pas vraiment. Je pense que, par la force des choses, à nous quatre, avec en plus Jani, on compose forcément de façon plus différente. Mais, après tout, vous avez les quatre mêmes compositeurs que pour « Elysium » et « Polaris ». Seulement, dans notre processus, n'importe qui peut soumettre une démo aux autres, et on fait tous notre choix. Pour l'album, nous avions plus de 20 titres, et avons tous voté, on fonctionne assez démocratiquement [nouvelle pique envers Tolkki ? :D]. C'est sans doute ce qui donne ce résultat : les titres de Matias ne ressemblent pas à ceux de Lauri, qui ne ressemblent pas à ceux de Jens. On se retrouve avec une certaine variété, ce qui est bénéfique pour l'album qui sonne quand même « Stratovarius » donc comme un tout cohérent. C'est pas non plus comme si on enchaînait un titre Reggae, un Rap, puis du Metal et de la Folk !

- (UR) Ah ouais du Stratovarius reggae pourquoi pas [l'idée emballe apparemment Timo qui se met à chanter « No woman no cry »]. Tu connais « White men do no reggae » de Pink Cream 69, avec Andi Deris, à ce propos? C'est assez poilant: « They drive me crazy with their music, they got guitars they don't know how to use it »…

- (TK) Excellent^^ Mais c'est vrai que c'est dur pour nous, « blancs ». Stratovarius ne pourrait pas écrire de Reggae, il y a un blocage mental je suppose.

- (UR) Certes, on reste bien dans du Stratovarius ! Et la base de votre musique, c'est la mélodie, les refrains puissants comme « Fantasy »… regardez-vous toujours ceci comme votre noyau dur ?

- (TK) Toujours. En tant que chanteur, sur des mélodies plates ou bien sans mélodie, je m'emmerde. Et puis, plus il y a de mélodie, plus on peut faire varier notre musique, ça reste notre base, et on y ajoute pas mal de choses : certains titres sont beaucoup plus Progressifs, ou complexes, appelle ça comme tu veux, mais ils gardent toujours ce fil conducteur, qu'on suit dès le début. Si, dès la première écoute ça sonne trop complexe, alors on ne poursuit pas. On ne veut pas faire de la musique réservée aux seuls musiciens, nos auditeurs sont des gens « normaux », qui veulent le genre de musique qu'on leur a toujours donné. On compose évidement pour nous-mêmes, aussi, mais la mélodie est une nécessité. Sans ça, chanter serait pour moi sans intérêt. Et puis je ne suis pas un growler ! Je suis un chanteur mélodique, ça n'aurait pas de sens pour moi de chanter un titre non mélodique. Et puis c'est ma signature : puissance, mélodie, tu rajoutes un solo élaboré, et voilà un titre de Stratovarius, qui peut avoir l'air simple mais ne l'est pas tant à réaliser. On évite simplement de faire trop compliqué car nous ne sommes pas un groupe Progressif non plus, juste un groupe de Metal mélodique avec des éléments Progressifs.

- (UR) Un autre élément qui était aussi comme une « signature » pour vous disparait, en revanche : c'est le néoclassique, qu'on retrouve encore mois que sur « Elysium », déjà plus avare que par le passé…

- (TK) C'est vrai. Déjà, on n'a plus utilisé d'orchestre depuis… « Elements », je crois bien. En tout cas ça fait un bout de temps et on ne s'y est toujours pas remis. Jens a composé un titre très néoclassique mais il s'agit d'un bonus japonais, je crois… Donc en effet on s'éloigne du néoclassique, et je ne sais pas si c'est un bien ou un mal. Encore une fois, ce n'était pas planifié, on compose ce qu'on compose, et une fois le résultat sorti, voilà ce qu'est Stratovarius aujourd'hui. Je ne peux pas dire non plus si notre prochain album aura ou non des éléments de musique classique.

- (UR) C'est une évolution naturelle. En revanche votre single « Unbreakable » surprend plus… Doit-on y déceler de nouvelles influences ?

- (TK) Pas pour ma part… mais sans doute du fait de Matias, qui a composé le titre. Personnellement, le dernier album que j'ai écouté était le dernier Van Halen !

- (UK) En voilà une nouvelle influence ! un petit groupe de jeunes, très prometteurs…

- (TK) Leur dernier album « A different kind of truth » m'a vraiment emballé, il était à la fois frais et à la fois à l'ancienne, ça sent l'enregistrement Live, juste une guitare, et… il me semble bien qu'il y a même une partie solo de Eddie dans guitare rythmique ! [il y a en effet des titres où la guitare rythmique passe simplement au solo sur le pont, sur une simple basse] C'est du Rock'n'Roll pur :D pas du Metal, mais…

- (UR) Je le considère aussi comme un des meilleurs albums de l'année

- (TK) Certes, le single « Tattoo » n'était pas terrible, mais… prend par exemple « China town », quel délice !

- (UR) Pour en revenir à vos nouvelles influences, il y a des titres comme « Halcyon days » qui donnent l'impression d'une tendance de plus en plus marquée à un nouveau son, résolument moderne. D'autres groupes Power, comme Rhapsody, se retrouvent aujourd'hui avec un son qui n'a plus rien à voir avec leurs débuts, tu penses que ça pourrait être votre cas ?

- (TK) Tiens, je ne suis pas au courant que ce que fait Rhapsody dernièrement. « Nemesis » sonne moderne, c'est sûr, mais je pense qu'on garde nos bases musicales traditionnelles.

- (UR) Et si tu vous compares au Stratovarius que tu as rejoint en 1995 ?

- (TK) Oui, bien-sûr, on a évolué, mais chaque album nous a fait avancer. On est un peu moins les mêmes, mais on en a effectivement parlé avec Jens, on se demandait si les titres les plus « complexes » de « Nemesis » n'allaient pas en dérouter certains. A ce jour, on ne connait pas encore les réactions, mais la presse a l'air plutôt satisfaite. Ça ne veut bien-sûr rien dire, les fans peuvent malgré tout rejeter l'album. Après, rien ne nous empêche de revenir à une musique plus basique, si nous le désirons, mais c'est dur de se copier soi-même. On peut refaire « Visions » 15 ans après, mais à quoi bon ? On aurait pu, mais ça n'est pas venu comme ça. Nous n'avons pas clairement décidé d'aller vers ce nouveau son, nous avons simplement écrit et c'est venu : « Tiens donc, c'est un titre progressif au final », je n'ai pas demandé à Matias de m'écrire un second « Kiss of judas » ! « Aller, change de clef, baisse d'un ton ou monte d'un ton mais compose la même chose ! », ça ne marche pas comme ça.

- (UR) Moi, dans votre « nouveau son », j'apprécie particulièrement le côté Progressif de « Out of the fog » dont on a parlé mais aussi de « Castles in the air » de Jens. Ces titres constituent pour moi le cœur de « Nemesis » et je voudrais savoir si tu les vois comme une sorte de nouvelle formule que tu voudrais répéter ?

- (TK) « Out of the fog », comme j'ai dit, a été écrit avec Jani. Je ne sais pas quoi en penser, il est né de cette intro Progressive, puis Jani y a apporté le genre de choses qu'il faisait pour Cain's Offering, par exemple la partie bizarre au milieu… je l'appelle « la danse des trolls », on ne dirait pas des petits démons en train de danser ? [il se met à caricaturer la partie instrumentale] Bon, c'est pas tout à fait ça, mais tu vois ce que je veux dire ! C'est marrant, à un moment que me suis plaint à Matias que ses compos étaient trop compliquées. Il était en train de mixer, et je lui fais « tu trouves pas que tes titres sont trop complexes pour Stratovarius ? », et en réponse il se tourne vers moi et me lance « Mec, ton putain de titre est plus compliqué que les miens ! »… je lui ai juste fait « OK »… [il prend un air tout penaud] En fait il avait raison, je ne m'en rendais juste pas compte. Je ne voyais pas mon titre comme Progressif, je l'ai écrit de façon naturelle, et tu sais le premier chorus qu'on avait fait avec Jani était bien plus complexe, et passait de 4/4 à 3/4, c'est Matias qui a enlevé ça, pour simplifier. Et moi de mon côté lorsqu'il me filait ses parties à chanter je lui répondais « tes stupides lignes vocales sont illogiques, je vais changer tout ça »… du coup on retouchait tous les titres des autres, car ils semblent toujours simples à leur auteur, mais pas aux autres membres. Au final on passe par un vrai travail d'équipe avant que les titres prennent leur forme actuelle… Euh, en fait je ne suis pas en train de répondre à ta question, que j'ai déjà oubliée^^

- (UR) A la base je te demandais si tu comptais développer le style de ces deux titres plus Progressifs, qui sont mes préférés de l'album !

- (TK) Je ne sais pas, car on n'avait pas prévu d'écrire des choses si Progressives, c'est juste venu de soi-même. C'est parti d'un simple rythme [il chantonne l'intro de « Out of the fog »]… tu sais, déjà sur notre démo l'intro était plus complexe, on l'a simplifiée aussi. En fait, on a généralement eu besoin de se retenir, c'est sympa de complexifier sa musique, mais on fait quoi si elle devient même trop difficile pour nous ? ^^ « Hmm, OK… » [il mime une mine perplexe] On n'est pas Meshuggah ! Jens écoute pas mal Meshuggah en ce moment [… en tout cas ça ne se sent pas sur « Nemesis », où il signe encore les titres les plus Power et même néoclassiques]), certes on a signé quelques titres plus Progressifs, mais nous restons un groupe Power… et on n'est certainement pas Dream Theater ! [Certes, et tant mieux dans leur cas^^] Non, on est juste un groupe de Power Metal avec de simples influences Progressives.

- (UR) Un autre élément de votre nouveau son, c'est la basse. C'est peut-être une impression mais je la trouve plus présente. Et j'ai envie de le relier au fait que Lauri Porra, contrairement à Jari Kainulainen, compose…

- (TK) Moi je ne le ressens pas tellement… Mais c'est possible que du temps de Tolkki, en tant que producteur, il disait à Kainulanen comment jouer. Maintenant, nous laissons chacun jouer comme il le sent. Je pense que c'est la meilleure façon de faire. Au final, quand même, Matias tranche. Surtout sur ses titres, il peut demander plus ou moins de basse, mais à la base on laisse chacun interpréter le titre comme il le sent, et si ça convient au compositeur, parfait. Sinon… bah on sort un couteau et on l'oblige à jouer comme on veut : « Aïe ! OK ». Mais on se pousse chacun lorsqu'on n'a pas été assez bons, alors c'est peut-être pour ça qu'on se retrouve avec une basse plus solide. Cependant Lauri et Jari étaient tous deux d'excellents bassistes et en tant que chanteur les deux expériences ont été géniales, un vrai plaisir, à jouer avec de si bons musiciens… Dommage que le chanteur ne soit pas à la hauteur…

- (UR) Oh, allez, il n'est pas si mauvais que ça…

- (TK) Il est moyen, mais tu sais ça fait si longtemps qu'il est dans le groupe qu'ils n'arrivent pas à s'en débarrasser

- (UR) C'était donc ça…

- (TK) Quand j'y pense, ça fait vingt ans…

- (UR) Ouais mais dis-toi que tu aurais pu être employé dans une boîte pendant ces 20 années et crois-moi qu'elles auraient été bien plus longues…

- (TK) Honnêtement, c'est comme si c'était hier^^

- (UR) Et puis jouer du Rock pendant 20 ans est tout sauf chiant !

- (TK) Certes, ça passe juste si vite… Mais ça serait bon d'y passer encore 20 ans ! Qui sait si ça arrivera ?

- (UR) Tu pourrais être mort, aussi

- (TK) Ouais, c'est sûr que je préfèrerais repasser 20 ans dans le groupe qu'être mort

- (UR) Tiens, une remarque qui m'a traversé hier l'esprit : la couverture de l'album serait-elle une séquelle à « Elysium » ? Une sorte de nouveau chapitre d'une histoire, une « revanche » pour l'oiseau de « Elysium » ?

- (TK) Bonne question ! Ça pourrait avoir un sens subconscient, ne serait-ce que le titre… Il y a une histoire très marrante dont on parlait avec Jens il y a quelques jours : nous avons beaucoup de titres d'albums qui tiennent en un seul mot et, coïncidence, il fait très souvent sept lettres : « Polaris », « Nemesis », « Elysium », « Visions », « Destiny » [fichtre, c'est qu'il a raison ! on pourrait même rajouter « Episode »]… et c'est un hasard total ! Il y a de quoi devenir parano ! « Nemesis », c'est Matias qui a eu l'idée, on jouait en Espagne l'été dernier pour un festival et quand on rentre en Finlande, on se retrouve à l'aéroport « Barahas » – sept lettres aussi ! – Matias m'envoie par texto : « Nemesis ». Je pense que je lui ai juste répondu d'aller se faire voir [Fuck You – 7 lettres également…]. Mais depuis, c'est resté. Mais je ne sais pas, très souvent nos pochettes tournent autour de la nature, on traite beaucoup de l'environnement et c'est vrai que je vois « Nemesis » avec cette optique. A la base bien-sûr, il y a la mythologie Grecque. La pochette est de Havancsak Gyula, qui a aussi réalisé « Elysium » et « Polaris » avant ça [et, au sujet d'un possible lien, il avait d'ailleurs repris un élément commun entre les deux], Jens lui a donné le nom, je ne sais pas ce qu'il a pu lui dire d'autre, puis il nous a proposé ça. Ça colle à l'idée, la déesse Nemesis n'apportait pas uniquement une revanche, mais aussi la justice : si tu avais bien agi, tu pouvais attendre quelque chose de bien de sa part, mais sinon elle t'apportait un châtiment mérité. Nous, en tant qu'humains, nous dévastons la planète, et semblons nous en ficher. Elle viendrait donc nous punir, nous. Certaines personnes ont demandé, à propos de la pochette, si elle brûlait les bâtiments ou s'ils étaient déjà en feu… je pense qu'en fait elle détruit les hommes pour sauver la planète. Moi c'est comme ça que je vois la pochette. Les autres, je ne sais pas, chacun peut voir bien-sûr ce qu'il veut. C'est possible qu'il y ait un lien, et de plus « Elysium » se basait lui-aussi sur la mythologie grecque, d'ailleurs. L'Elysée c'est le paradis des héros, ceux qui ont accompli de belles actions au cours de leur vie et ont apporté à leur pays. On peut donc voir un lien, c'est vrai, mais il n'était pas intentionnel, et il ne s'agit pas d'un album conceptuel, ça c'est quelque chose que Stratovarius ne pourrait probablement pas réaliser ! Ou alors il faudrait qu'un seul d'entre nous se charge de tous les textes.

- (UR) Peut-on voir « Visions » comme un album conceptuel ?

- (TK) Pas vraiment… [il y repense…] pas du tout, même. Il y avait quelques liens entre les pistes, et encore, plus dans leurs noms qu'autre chose. On est plusieurs à écrire les textes, donc lorsqu'on travaille séparément c'est dur de se synchroniser pour avoir un concept. Mon album solo « Waiting for the dawn » était conceptuel, lui. Il développe une histoire, mais c'était possible car je l'écrivais seul. Maintenant si Jens écris des textes en Suède et moi en pleine Finlande, ça marche moins. Mais on y a déjà pensé : il faudrait que tous les textes soient définitifs lorsqu'on s'attaque aux démos. Et… on n'y est jamais arrivé ! Et je ne peux pas me retrouver à chanter des titres dont j'aurais eu le texte il y a cinq minutes car on ne me les a pas envoyé avant ça, non, un titre requiert un certain apprentissage, une préparation. Je ne peux chanter qu'un titre par jour, même si j'en connais la mélodie, car si on me change le texte je dois me remettre à tout réapprendre, je n'en ai juste pas le temps si tout n'est pas définitif. Et même si j'écris le texte, je me retrouve confronté au même problème ! Je ne l'écris que quelques jours avant. Ça serait vraiment chouette, de partir avec des textes écrits deux mois à l'avance, mais on n'a tout simplement pas assez de discipline pour y arriver.

- (UR) On peut quand même espérer que ça se produise un jour ?

- (TK) Je l'aimerais, mais ce n'est pas si facile. Nous avons des contraintes de temps, aussi, et quand tu travailles avec une deadline tu as tendance à te caler dessus et ne pas suffisamment travailler avant. Peut-être devrais-je mentir à tout le monde et leur donner une fausse deadline deux mois plus tôt ? Mais là encore, je devrais me mentir à moi-même aussi ! Et je doute que je me croirais…[Timo-schizo ?] Mais encore une fois ça serait une belle idée.

- (UR) Elle m'enchanterait… On voudrait enfin te poser deux dernières questions, plus globales. D'abord, j'aimerais savoir quelle musique tu écoutes, et particulièrement en ce moment, des groupes que tu aurais découvert récemment ou qui t'ont marqué…

- (TK) J'écoute peu de nouveaux groupes, mais il m'arrive d'avoir la radio allumée car je conduis pas mal. Comme j'ai dit, le dernier disque qui m'a marqué fut ce Van Halen. J'écoute bien-sûr les disques des groupes dont je connais les membres, par exemple l'année dernière j'ai fait des chœurs pour Sonata Arctica donc j'écoute pas mal de choses comme ça, et évidement si un nouveau Nightwish sort je vais l'écouter. Mais je vais vous décevoir : le dernier album que j'ai écouté était « Back In Black » de AC/DC [Non, non, on n'est pas déçus]. On l'écoutait avec Jani dans ma voiture, il nous a pris par surprise car j'avais une playlist aléatoire, et on s'est pris à suivre le texte de « Let me put my love into you » [et il lâche un « babe ! » d'une voix très Coverdalienne…] et on a pris notre pied : « Héhé, ces gars savent de quoi ils parlent » ! Bon, maintenant, pour ce qui est des musiques actuelles, notre label nous envoie parfois des choses aussi, de nouveaux albums qu'il pense que nous devrions écouter mais honnêtement ça ne nous arrive pas souvent de le faire.

- (UR) Et les gens avec qui vous jouez, vous influencent-ils ?

- (TK) Comme j'ai dit, je vais bien-sûr m'intéresser à ce que fait un musicien que je connais personnellement. Mais, aussi, lorsqu'on enregistre ou tourne, nous avons la tête tellement pleine de notre propre musique qu'il n'est pas aisé d'écouter autre chose. Et il y a un autre risque lorsqu'on est en studio : car c'est bien beau de recueillir des influences mais, lorsque tu es en train de créer ta propre musique, des mélodies extérieures peuvent t'entrer en tête sans que tu t'en aperçoives ! Après tu te retrouves à te congratuler de ta composition avant de te rendre compte que « Oups, ce n'est pas moi qui ait écrit ça » !

- (UR) C'est assez courant, beaucoup de musiciens à qui on pose la question nous répondent que, lorsque ta vie est ta musique, il est dur de trouver le temps pour partager celle des autres, car il s'agit d'un partage spirituel, et un musicien travaille avec cette âme…

- (TK) C'est exactement ça.

- (UR) Sinon, notre dernière question était de te demander ton avis sur le téléchargement illégal. Certains artistes ne s'en offusquent pas, alors que d'autres le considèrent comme du pur vol… qu'en penses-tu ?

- (TK) Mon avis est mitigé, c'est un phénomène contre lequel on ne peut rien. Mais si je faisais de même, si je commandais en ligne mes « croissants » [avec accent français appuyé à notre attention !] ou mon café gratuit, je me demande ce que, eux, ils en penseraient. Le fait est que réaliser un album nous demande encore beaucoup d'argent, les labels nous y aident un peu mais les temps sont plus difficiles et nous ne pouvons plus vivre de notre musique comme avant. On peut tenir quelques mois, mais en aucun cas se reposer sur ces albums, depuis qu'on peut se les procurer gratuitement en ligne. Une bonne chose est que les fans de Metal sont généralement plus loyaux qu'un fan de Pop, par exemple, ils comprennent qu'acheter notre album revient à nous aider : si le label récupère son investissement, pour notre prochain album il investira plus et l'on pourra continuer à enregistrer. Si plus personne n'achète d'album, ça fichera un sacré coup à la musique. Bien-sûr, elle ne disparaîtra pas, mais la qualité et la diversité en pâtiront. Je dirais qu'on se retrouvera avec de la musique simple pour un public simple. Une autre conséquence est qu'avec la chute des ventes, les groupes doivent tourner de plus en plus. Nous avons beau être musiciens, nous avons des loyers à payer, de la nourriture à acheter et des familles à faire vivre. Ça n'a plus rien à voir avec il y a dix ans où les albums se vendaient encore, ou même 20 ans où tourner n'était même pas une nécessité, comme aujourd'hui, car depuis lors le nombre de musiciens sur les routes a dû être multiplié par cinq. Et tu sais quoi ? Le fan n'a pas l'argent pour voir tous ces groupes... Rien que ce soir, tu dois avoir plusieurs concerts à Paris, je sais qu'il y a Marillion, et doit y en avoir plusieurs autres. Mais c'est comme ça. Et, de plus, cette surcharge de travail nuit à la créativité. Mais, encore une fois, il ne faut pas tenter de changer cet état des choses, et il y a un aspect positif quand même : le gars qui découvrira notre clip sur YouTube nous connaîtra plus facilement, c'est un sacré outil promotionnel. Seulement, je n'aime pas l'attitude de ces Partis Pirates qui se multiplient et déclarent avoir le droit d'avoir notre œuvre gratuitement : ce n'est pas un droit, et ils ne l'ont pas. Je me fiche à la rigueur de savoir si un gamin de 10 ans télécharge notre album et pense qu'il est dans son droit, mais si un gars qui gagne grassement sa vie le télécharge, s'en fout et déclare qu'il en a le droit, j'ai un problème : non, ce n'est pas son droit. Je ne ferai évidemment pas de procès à quelqu'un qui nous aura téléchargé… en fait, c'est même bien dans le sens où s'il apprécie l'album ça l'incitera à venir au concert, qui sait…

- (UR) voire acheter l'album ? Ou le vinyle, tiens, je ne sais pas ce qu'il en est en Finlande mais les vinyles redeviennent prisés ici.

- (TK) C'est vrai. Et pour les gens comme moi, un peu plus âgés que vous [genre il connait notre âge ??] ça réveille les souvenirs de ces pochettes qu'on découvrait et qui révélaient sans cesse de nouveaux détails… D'ailleurs on sort « Nemesis » en vinyle aussi, un beau double-vinyle avec 14 titres dont un bonus.

- (UR) Je vais l'acheter ! [Lulu, ça n'engage que toi…]

- (TK) Marché conclu ! Bon, sérieusement, la réponse à la question est difficile, et elle se situe entre les deux.

Au bout de cette demi-heure d'échanges accordée de bonne grâce par un Timo décidément bien amène et communicatif, on finit par quelques mots sur l'environnement que l'on évoquait tout à l'heure, un sujet qui semble bien lui tenir à cœur, puis un sympathique compliment pour nos question, ce qui fait chaud au cœur… Semblant vraiment apprécier l'échange, seuls les effluves d'une cafetière en train de chauffer au bar l'y arracheront subitement, ses yeux s'ouvrant à cette seule odeur comme on ne pensait pas qu'ils puissent le faire, une fraction de secondes plus tôt. Et – désolé pour les inconditionnels du chanteur – votre idole boit son café… au lait.

The Oucast

 

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