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i   n   t   e   r   v   i   e   w   s
 
T H E   G R E A T   O L D   O N E S


Interview réalisée par Adel', le 18 juillet au Petit Bain, Paris.
 

Le groupe de Post-Black THE GREAT OLD ONES nous propose un nouveau voyage. Nous en avons discuté avec le fondateur et leader du groupe : Benjamin Guerry (chant, guitares).

 

ADEL : que représente votre nouvel album, « Cosmicism », dans le schéma de votre discographie ?

BENJAMIN GUERRY: pour moi, cet album c'est une vraie continuité de ce qu'on a fait jusque-là. C'est à dire avec plus d'assurance, un style plus affirmé mais avec une atmosphère encore un peu différente. Le but est jamais de refaire deux fois la même chose, même si on va pas faire de tout et n'importe quoi d'un coup, mais par contre le but était d'amener une atmosphère plus épique, le dernier (« EOD : A Tale of Dark Legacy ») était plus noir, plus sombre, plus direct, celui-ci a un côté plus épique. Je le placerai comme l'album le plus épique de TGOO pour l'instant, même si c'est subjectif.

Vos textes trouvent leur source dans les œuvres de Lovecraft, donc ce sont des thèmes et des sujets sombres, voir angoissants… est-ce que c'est la cohésion du groupe et l'affection du public qui vous empêche de sombrer dans l'obscurité ?

Non, je pense que… je pourrais dire qu'on n'est pas des gens sombres et tout ça… mais on a toujours cette part là quand même, on ne fait pas cette musique pour rien. Y a toujours une part de noirceur, on l'a forcément quelque part, ça peut venir d'un état mental, de ce qui s'est passé quand on était gosses, ça peut venir de beaucoup de choses. Mais après, dans la vie de tous les jours, on est plutôt des bons vivants, mais ça aide à exprimer beaucoup de choses. Je pense que le fait de faire cette musique, de faire des concerts, moi honnêtement, m'apporte beaucoup de choses, la joie en concert c'est encore autre chose mais ça fait partie du tout. Là, ça fait quelque temps qu'on fait pas de concerts puisque, du coup, on était concentrés sur l'album, mais ça me manque énormément ! Ca me manque parce que, quand on fait un concert - après c'est très personnel donc c'est difficile de parler pour les autres mais on le vit tous un peu pareil - quand on sort d'un concert on a, à chaque fois, l'impression d'un aboutissement. Un aboutissement vis à vis d'un projet entre des personnes et un aboutissement personnel parce qu'on a réussi à exprimer des choses. La vraie question c'est de se demander « si j'avais pas le groupe, est-ce que je sombrerai dans la noirceur? » : je ne sais pas. Mais en tous cas, ça aide à exprimer des choses et, quand on fait ce style de musique, on exprime des choses un peu noires mais on le transforme en quelque chose qui nous fait du bien, plutôt que l'inverse. C'est le principe de la catharsis mais il y en a qui considèrent qu'on utilise ce mot un peu à toutes les sauces dans le Metal… en tous cas, me concernant et concernant les autres membres du groupe, je pense qu'il est très adapté.

Vous n'avez pas encore fait de concerts en 2019. Comment appréhendez-vous le fait de repartir en tournée avec ce nouveau bagage musical ?

Ca va être assez classique, il n'y a rien d'absolument fantastique. C'est beaucoup de répétitions, beaucoup de travail perso, on va se remettre à répéter dans pas très longtemps mais là c'était une petite pause pour gérer plutôt la communication, la promo, etc.. Résultat des courses : on aura besoin de se le réapproprier mais on a tellement bossé dessus, c'était au mois janvier qu'on était en studio mais ça me paraît comme si c'était hier. Donc beaucoup de travail, beaucoup de répétitions, et aussi un vrai de travail de show, c'est-à-dire que là on va bosser sur les lumières et le son. On va réfléchir à ce qu'on peut emmener de plus scéniquement, généralement, ça va être sur la lumière parce qu'on n'a pas les moyens de faire venir de la méga-pyrotechnie, malheureusement, ça me ferait triper, mais on peut pas ! Par contre, on peut travailler pour que les gens en prennent plein les yeux et qu'ils sortent du concert en se disant vraiment : « Wow ! J'ai vécu une expérience différente, j'ai passé une heure et demi heu… je sais pas trop où je suis! » C'est vraiment l'objectif, comme quand tu vas voir un très bon film ou quand tu lis un bon bouquin, tu te déconnectes complètement du réel. On l'appréhende de cette manière-là, c'est-à-dire - bon on a déjà des idées - comment faire en sorte que les gens sortent complètement du réel grâce au concert.

C'est déjà beaucoup le cas !

A priori ça fonctionne, mais je pense qu'on peut faire encore plus! ( rires ) Le but c'est d'évoluer, c'est de batailler, c'est de toujours aller un peu plus loin.

Vous avez fait beaucoup de prestigieuses premières parties, avec des groupes comme Shining, Behemoth, pour ne citer que ceux-là… est-ce que vous voyez ces expériences comme une forme d'accomplissement ou comme une porte ouverte sur l'avenir ?

Les deux. Concrètement, les deux, parce qu'en fait moi et Leo Isnard (batteur), on reste un peu des fan boys. Je l'avoue, y a des gens qui disent « moi je suis fan de personne »… Moi j'écoute du Metal depuis que j'ai 12 ans, j'écoute du Black Metal depuis que j'en ai 14, j'en ai 37 aujourd'hui donc ça fait quelques années ! Donc du coup avant d'être un musicien j'ai été d'abord un fan, et ça, ça ne partira jamais. Donc il y a une forme d'accomplissement quand je joue avec des idoles, des grands groupes, des gens que je regardais avec énormément de recul et en me disant « Ils sont loin ces gens-là, ils sont loin de moi » et quand je me retrouve à jouer avec eux ils sont plus du tout loin en l'occurrence, ils sont juste à côté ! Parfois même en face de moi, en train de discuter avec moi ! Du coup, il y a une forme d'accomplissement, je me regarde moi comment j'étais, même quand j'ai commencé à composer en 2009 et je regarde là maintenant ce que je peux faire, je fais « Wow ! Je prends encore beaucoup de plaisir à ça. » Ca on le prend tous comme un accomplissement, et en même temps comme une porte vers l'avenir, c'est pour ça que je disais les deux, parce que ça permet de voir qu'on compte. On compte dans le paysage Metal français, européen à moindre mesure, mais ça commence, après, le but c'est d'aller conquérir de nouveaux endroits…

L'espace…

Ouais ce serait génial! Ou le fond de la mer, ou la fosse des Mariannes tu vois… mais d'abord on va peut-être commencer par la Terre, l'Asie, les Etats-Unis, ce serait déjà bien ! Y a des choses à faire. Mais tout ça permet de se dire « on nous propose de faire ça, de jouer avec ces groupes-là qui ont pignon sur rue, ça veut dire que peut-être on sera les prochains ! » En tous cas, on doit continuer à travailler pour ça. C'est une grande motivation.

Tu as débuté ce groupe tout seul, pendant deux ans, avant d'être rejoint par Jeff Grimal et les autres. Est-ce que l'inspiration de base qui t'as motivé à faire ce projet est toujours présente sous la même forme ou est-ce qu'elle s'est transformée avec l'arrivée des nouveaux membres ?

La musique s'est transformée d'elle-même en fait. Ce ne sont ni le temps ni les autres membres… J'ai commencé ce groupe avec une certaine envie, cette envie est toujours là, si tu veux, même encore plus qu'avant. Quand j'ai commencé tout seul, je ne savais pas où j'allais, là je sais à peu près où j'ai envie d'aller donc l'envie est décuplée. Après, chaque personne qui est passée dans le groupe a amené sa sensibilité, son travail, et forcément ça a fait évoluer les choses, ça m'a fait penser différemment au niveau de la composition, ça a fait penser différemment le groupe vis à vis de son organisation. Donc oui tout a joué là-dedans. Mais aujourd'hui l'avancée du style est liée à tout ça, à nos expériences, à l'envie de faire de nouvelles choses et aussi aux nouveaux membres : Alexandre « Gart » a fait l'intro, il a fait les guitares et moi j'ai juste rajouté les synthés tu vois… donc j'ai vraiment laissé les parties de guitare en lui disant « Vas-y, fais-toi plaisir, fais-moi quelque chose dans ce style-là… ». Les soli aussi sont faits par les autres. L'évolution des gens dans le groupe a fait que ça a amené de nouvelles choses. Ce sont des choses qui se sont faites assez naturellement.

Vos pochettes, y compris celle de « Cosmicism » , témoignent d'une réelle originalité au milieu d'autres artworks dans le Black Metal, du fait de l'effet du dessin et des représentions à la fois abstraites et évocatrices… quelle importance accordez-vous au visuel d'un album et intervient-il dans le processus de composition?

L'artwork n'intervient pas du tout dans le processus de composition, ni de près ni loin. Ce sont deux choses complètement différentes puisque l'artwork va rester un accompagnement de la musique. Mais, par contre, il y a une notion extrêmement importante : autant le visuel n'intervient pas dans la composition, autant il est essentiel. Les pochettes qu'a développées Jeff (Grimal) depuis le début ont toujours été en accord avec le groupe, on a toujours bossé particulièrement tous les deux sur ce que je voulais exprimer vis à vis des textes, sur la manière dont il allait mettre ça en peinture ou en dessin. Là je suis très content de la pochette du dernier album, on a fait beaucoup d'abstrait jusqu'ici, mais celle-ci a un côté beaucoup plus illustratif, c'est vraiment ce vers quoi je voulais aller. Après il va y avoir plusieurs formats, sur le vinyle ce sera une pochette différente qui sera un peu plus abstraite, mais la pochette principale a un côté plus illustratif et pour moi c'était essentiel que ça invite au voyage en fait. Et je trouve que cette « cover » invite beaucoup au voyage parce qu'il se passe beaucoup de choses, je voulais vraiment qu'il y ait l'espace de représenté, il y a une entité qui t'invite à venir. Même si derrière, ce que tu vas voir va pas forcément te rendre très bien… mais c'est le principe du Black Metal, c'est la beauté dans la noirceur qu'on va chercher. Et là c'est un peu la même chose, c'était représenter cette beauté dans la noirceur, c'est-à-dire : t'as envie d'y aller, tu sais que ce que tu vas découvrir va peut-être te rendre fou, mais tu veux y aller parce que t'y vois beaucoup de beauté. Et donc oui c'est extrêmement important.


Etant donné que le concept de The Great Old Ones est basé sur une œuvre littéraire finie, limitée par les écrits, n'as-tu pas peur d'arriver à un moment où tu estimeras avoir fait le tour ?

Je ne sais pas, je ne pense pas pour l'instant. J'ai déjà l'idée pour le prochain album, donc ça devrait aller. Il y a beaucoup de choses à voir, beaucoup de choses à faire… mais peut-être qu'un jour, comme j'ai pas envie de me répéter que ce soit au niveau musical ou textuel, je me dirai que je suis en train de me répéter. Par contre dans tous les cas, je ne m'éloignerai jamais trop de Lovecraft. Peut-être que ça ira aborder un auteur qui l'a inspiré, ce qui est déjà le cas sur « Cosmicism » : le quatrième morceau, ‘Lost Carcosa', est basé sur « Le Roi en Jaune » de Robert W. Chambers, c'est un auteur qui a inspiré Lovecraft et notamment Hastur (un des grands anciens). Ce nom-là c'est une invention de Chambers. Et comme Lovecraft ne l'avait pas trop décrit dans ses nouvelles c'était compliqué, j'avais vraiment envie que ce soit basé là-dessus. Du coup j'ai écrit sur le Roi en Jaune, avec des références aux nouvelles de Lovecraft dedans mais déjà tu vois, il y a un petit aparté. Mais ça restera qu'à ce niveau-là, il y aura toujours un point d'ancrage là-dedans. Ca reste quelque chose d'essentiel.

Quel message est-ce que tu souhaiterais adresser au monde entier ?

Il faut écouter The Great Old Ones parce que c'est génial ! ( rires ) Et peut-être prendre mesure de la place qu'on a, la philosophie littéraire de Lovecraft c'est que l'humain ne représente pas grand chose dans tout ce qui se passe dans le cosmos, dont on n'est absolument pas conscients. Parfois c'est bien de se remettre au centre, c'est pas forcément bien de mettre des divinités, mais c'est bien de savoir rester à sa place pour prendre conscience des vraies choses qui sont importantes. Et d'écouter The Great Old Ones surtout !


Ce sont de très précieux conseils. ( rires ) Merci beaucoup !

Le site : https://www.facebook.com/thegreatoldones


Adel




   

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