Ecoute ULTRAROCK en live sur ton ordi :
Sur les ondes de la radio RGB 99.2
 
 
   








V O O D O O  C I R C L E

Interview réalisée par The Outcast

V O O D O O  C I R C L E

Février 2013



En ce vendredi 8 février, nous rencontrons Alex Beyrodt dans son hôtel, plutôt confortable, même si la journée laisse Alex plutôt « kaput » - pour reprendre ce qui semble être l'une des expressions favorites de l'allemand… N'oublions pas que « More Than One Way Home », le 3 e album de son projet Voodoo Circle – notre sujet de ce soir – succède à « Unbreakable » de Primal Fear, qui succédait à « Kimball/Jamison », qui succédait à la tournée de Sinner, qui succédait à l'album solo de Scheepers, qui succédait au précédent Voodoo Circle... Et je n'ai remonté qu'un an. Et rien qu'en remontant la journée d'Alex, la promo chargée de « More Than One Way Home » nous le laisse lessivé, pas toujours loquace, se mélangeant les pinceaux avec les interviews précédentes, se remontant tant bien que mal au vin blanc entre et pendant les interviews, mais gardant malgré tout cette sorte de jovialité germaine…

(UltraRock) Je te propose de commencer par les débuts de Voodoo Circle, vu qu'UltraRock t'interroge pour la première fois. Donc, revenons sur vos deux premiers albums, et avant tout la création de ce projet… Tu travailles avec Mat Sinner depuis 1990, je crois ?

(Alex Beyrodt) 1988, même !

(UR) Fichtre… Et David Readman, tu travaillais sur son album solo avant la création de ton projet. Comment est-on donc passé de ces collaborations à Voodoo Circle ?

(AB) Hm, il faut que je réfléchisse un peu… Bon, à cette époque, il faut savoir que le Heavy Metal me fatiguait. Tu sais, être dans un monde où sortent 50 à 70 albums par mois de 40 groupes dont tu n'entendras plus jamais parler, ça ne m'intéressait plus. J'ai donc délaissé cette musique pour me replonger dans les 70s, dans Purple, Rainbow, Zeppelin… et j'ai juste redécouvert cette décennie. A l'époque je n'avais guère que 15-16 ans, donc 20 ans plus tard j'ai vraiment des oreilles neuves à poser dessus, et je me suis dit « Woah ! mais c'était bien plus génial que ce dont je me rappelais! »… et j'ai passé au moins deux ans à n'écouter que ça. Puis j'en suis venu à une constatation : plus personne ne joue ça aujourd'hui. Whitesnake ne la joue plus [t'es pas à la page, coco :D], Deep Purple non plus, Rainbow n'existe plus… j'ai donc commencé à en écrire, de la musique 70s-like, et… j'ai vite réalisé que ça me venait avec une facilité incroyable. Je n'avais même pas besoin de me pousser, ça sortait tout seul. Lorsque j'écris du Metal, ça me demande un effort, de la concentration… rien de tout cela pour pondre du Classic Rock, c'est un jeu d'enfant ! J'écrivais, donc, et plus je composais, plus je trouvais de potentiel à toutes ces compositions, j'ai donc commencé à me dire qu'il fallait que j'en fasse quelques chose. Et justement, il s'est trouvé qu'à ce moment, je jouais pour un groupe en tournée, composé de Mel Gaynor de Simple Minds, d'un bassiste allemand, moi à la guitare, et j'avais invité David Readman à chanter. Le bassiste était ce gars qui montait ces sessions, chaque mois il jouait avec un groupe différent, et l'intérêt du truc est justement de te retrouver avec des musiciens inattendus… Bon, je connaissais déjà David – et Mel aussi d'ailleurs – mais nous n'avions jamais joué ainsi ensemble. On se retrouvait donc simplement sur scène, pour deux heures de show à faire des reprises sans répèt' ni rien, c'était juste génial, on pouvait faire 5 titres en une heure et tout était affaire d'improvisation. Juste génial… Je me rappelle donc que, après le premier show, je rentrais en voiture avec David qui dormait chez moi et je lui dis en conduisant « c'était excellent, mec, j'ai adoré et tu sais quoi ? j'ai justement écrit des chansons dans ce genre, du Classic Rock… tu ne crois pas qu'on devrait monter un projet pour les interpréter ? Avec Mel à la batterie ! », et il m'a juste répondu « Ouais ! j'adore l'idée, je me suis réellement éclaté aussi ce soir, faisons-le ! ». Et voilà, Voodoo Circle était né. On a donc fait notre premier disque et depuis, l'aventure continue.

(UR) Tu réponds à une autre de mes interrogations, car la présence de Mel Gaynor m'interpelait… Il est si loin de cette scène Hard, c'est le batteur de Simple Minds !

(AB) En fait, je l'avais rencontré en Italie, à l'occasion d'un festival de musique auquel je participais, et lui aussi, pour le même agent. Donc on a été présentés [bah tu vois ? la mémoire te reviens ! c'est peut-être le vin…]. Je jouais donc par-ci par-là, lui il distribuait des autographes, et à un moment il me demande « Alex, à 5 heures j'ai un show, pour 500 personnes, je vais faire une démo de batterie mais en solo c'est chiant, pourquoi ne m'accompagnerais-tu pas à la guitare ? Et j'ai quelqu'un qui peut tenir la basse »… Bon Dieu ! Mel Gaynor, l'un des meilleurs batteurs qui soient, me demande de jouer avec lui ? « … ouiiii bien-sûr ! ». Et me voilà sur scène avec lui, évidement plein de trac, le bassiste monte aussi, on est devant 500 personnes et je demande à Mel : « Bon, on fait quoi ? », il me regarde et répond juste « Je n'en ai pas la moindre idée ! allez, joue quelque chose » ! OK, je me dis, joue quelque chose Alex…

(UR) [Notre Lulu commence à mimer Smoke On The Water…]

(AB) Ah non, il n'était pas question de se lancer dans une reprise ! En fait, j'ai tout bonnement pondu un riff, en direct, et nous avons joué une demi-heure. A la fin Mel me dit « Alex, c'était génial ! Tiens, voilà mon numéro, appelle-moi quand tu veux un batteur »… « Oh ? euh, OK Mel ! » Haha ! Et donc on s'est retrouvés pour ces sessions allemandes puis Voodoo Circle a été lancé.

(UR) Et – comme les choses sont bien faites – tu as effectivement eu besoin d'un batteur !

(AB) Et oui ! Mais malheureusement nous avons dû nous séparer après le premier album. Quand je l'ai appelé pour mettre le second en route, je lui passe un coup de fil : « Salut Mel c'est Alex, écoute, j'essaie de faire des plannings pour le studio, quel est ton emploi du temps ? », et là il me répond « Oh Alex comment dire, je suis en Australie ! Je tourne avec Simple Minds et je rentre dans un an et demi ». Evidement, c'était juste impossible comme délai, donc je l'ai remercié et j'ai continué sans lui. J'ai juste laissé tomber, il avait ses priorités…

(UR) Toi-même, n'as-tu pas de difficultés à t'organiser ? Tu as dû par exemple tourner avec Sinner il y a un ou deux ans, ce n'est pas trop dur de caler Voodoo Circle entre toutes tes activités ?

(AB) En ce qui me concerne, pas vraiment, car il se trouve que Mat joue dans tous mes projets ! [Sinner, Primal Fear, Scheepers… ils sont de plus tous deux basés en Allemagne]. Et, qui plus est, c'est lui qui s'occupe du management et de l'organisation, donc c'est rarement compliqué.

(UR) Avec David, en revanche [qui est anglais] ?

(AB) Ah, oui, c'est autre chose. David, évidement, et Markus [Kullmann, le remplaçant de Mel], et puis Jimmy [Kresic, claviers], il faut toujours nous caler. Mais pour l'instant on s'en sort bien !

(UR) J'ai une question bête…

(AB) Et j'ai une réponse bête pour toi !

(UR) Nous avons toujours des questions bêtes ! En fait, je me demandais si votre nom, Voodoo Circle, avait une quelconque signification ?

(AB) Et bien oui ! Lorsque j'ai dû trouver un nom à mon projet, je voulais quelque chose de significatif pour moi. J'ai donc repensé à mes débuts à la guitare, sous l'influence de Jimi Hendrix [Eh oui, Voodoo Chile ! j'avais vu juste… comme quoi, une question n'est jamais bête], et Ritchie Blackmore. J'ai donc suivi des idées : Hendrix, hippie, sixties, Woodstock, Stratocaster, Voodoo… Voodoo ! Et j'ai noté « Voodoo ». J'ai ensuite poursuivi : J'ai donc Mat, Markus [à force de commander verre sur verre tu t'embrouilles Alex : pas de Markus à cette époque !], Jimmy, David… on se connait tous, on est amis, friends… Voodoo Friends ? Non. Hmm… J'ai ensuite tenté « Circle Of Friends », Circle of… Voodoo, « Voodoo Circle », voilà, je l'avais ! Ensuite, j'ai rajouté mon nom, « Alex Beyrodt's Voodoo Circle », car avec Mel Gaynor dans le groupe [voilààà], un gars qui a vendu 50 millions d'albums, tout le monde aurait parlé de « Mel Gaynor's Voodoo Circle », voire même « Mat Sinner's Voodoo Circle », et je voulais vraiment que l'on rattache le groupe à moi, j'en suis le « directeur musical »… I'm the boss !

( UR ) God ?

(AB) …. The Godfather !

( UR ) Venons-en maintenant à vos album… Et je vais beaucoup te parler d'autres groupes, car l'un des principaux intérêts de Voodoo Circle est de nous rappeler tous ces grands noms : pour votre premier album, celui qui vient tout de suite – et tu me corrigeras si je me trompe – c'est celui d'Yngwie Malmsteen !

(AB) Oui !

(UR) Etait-ce une orientation clairement choisie ?

(AB) Tout à fait.

(UR) J'irais même pour cet album jusqu'à rapprocher David de Mark Boals, ou du moins de la période 80s de Malmsteen…

(AB) Pas forcément, c'est une impression… Moi je lui trouve déjà ce ton à la Coverdale, dès ce premier album.

(UR) On a des choses très typiques du Malmsteen 80s sur ce disque : des morceaux Speed, et même un instrumental, quelque chose qui disparait de vos disques par la suite… Est-ce un chapitre fermé ?

(AB) Je ne sais pas, je ne le dirais pas… En fait, c'était mon premier album sous mon nom, donc je voulais l'axer sur mon jeu de guitare. Je me suis ainsi rapproché de guitaristes, de Malmsteen, de Rainbow, Purple, que j'écoutais alors en boucle, et c'est tout naturellement que j'ai axé ce disque sur ce style. Ce qui était intentionnel de ma part, c'était de pousser les gens à dire de mon disque « Tiens, tu as entendu ce guitariste ? », et puis, peut-être pas de se dire « il joue comme » ou « il sonne comme » mais « il est orienté Malmsteen », avec mon propre style… c'est ça que je voulais. Ce n'était pas l'idée de mon second album… en fait pour le second, je n'avais pas d'idée du tout !

(UR) On sent d'ailleurs la rupture. Sur le premier, il y a un morceau qui m'intrigue, « Master of illusion »… il me fait penser à d'autres groupes que ceux ci-dessus, moi personnellement je pense à Kingdom Come, mais je ne sais pas à quoi tu pensais toi ?

(AB) à Led Zeppelin.

(UR) Remarque, on présente toujours Kingdom Come comme une continuité de Led Zeppelin [opinion communément admise, même si je ne la partage pas forcément…]

(AB) C'est la partie centrale qui te fait penser à eux ?

(UR) C'est le ton général…

(AB) En tout cas, ça évoquait volontairement Led Zeppelin.

(UR) Venons-en donc maintenant au second album… Il y a encore un nom qui vient à l'esprit, et même deux : Coverdale pour David, et Blackmore pour toi. De façon encore plus poussée qu'auparavant…

(AB) Tout à fait d'accord. Pour être exact, ce n'était pas une volonté de départ, mais c'est venu durant l'enregistrement. Les titres étaient déjà écrits, mais durant le process je me suis mis à chercher une couleur particulière à chaque titre, un son de guitare différent, un autre feeling sonore… et j'ai joué avec moins de distorsion, c'est ce qui donne cette impression Blackmore. C'est la musique avec laquelle j'ai grandi, et celle qui m'a poussé à la guitare. Je ne sais pas si tu es au courant, mais j'ai tourné avec Ian Gilian…

(UR) Tu me l'apprends.

(AB) On a joué ensemble deux mois durant, et… je te demande de taire ce que je vais te dire !

(UR) [on promet et on crache]

(AB) Il vient me voir après un show, me prend à part et me dit qu'il a quelque chose à me dire. « Merde » je me dis, « j'ai foiré et je suis viré »… [en fait non, Alex a eu droit à un beau compliment qu'on taira, on a craché on vous dit !]

(UR) Personnellement, Blackmore est aussi mon guitariste favori, donc j'ai peut-être les oreilles déformées à son écoute, mais deux titres me frappent sur tes premiers albums : « Dreams of eden » sur le premier, et le morceau-titre du second, au moins le solo : ils me rappellent tous deux « Gates of Babylon »…

(AB) A vrai dire… Je dirais que « Gates of Babylon » est mon titre favori de Rainbow, et qu'il contient le meilleur solo de Blackmore. Mais je n'ai jamais fait le rapprochement entre ce titre et les miens.

(UR) Moi je le fais, mais après tout ça n'engage que moi.

(AB) En tout cas ça ne me dérange absolument pas. Je ne vais pas me plaindre d'être comparé à Blackmore !

(UR) Il fait presque partie intégrante de toi, maintenant…

(AB) J'ai grandi avec, comme je vous ai dit…

(UR) Si je me penche sur les autres titres de ce disque, deux autres m'interpellent. D'abord « Blind man », qui est vraiment bluesy, presque du Hendrix, voire des choses plus modernes comme Stevie Ray Vaughan ?

(AB) Non, c'était bien Hendrix. Je voulais vraiment écrire une ballade avec ce style à la Hendrix, tu sais ? comme « Little Wing »… c'est cette envie qui a donné « Blind man ».

(UR) Mon autre titre, c'est « Heal my pain », un morceau très 90s, presque Funky ?

(AB) En fait je pensais à Philip Saice… eh oui ! J'adore Philip Saice, particulièrement son premier disque… ou est-ce le second ? Celui avec la pochette hippie au chapeau de cowboy [après vérification il doit s'agir de « Peace Machine », son premier]… Bref, je pensais à lui.

(UR) Décidément, tu me surprends…

(AB) Et tu m'en vois ravi !

(UR) Tu as bien raison. On en vient donc à « More Than One Way Home ». Je te propose encore de te dire ce que j'en pense, puis de te laisser me donner ton avis. Cette fois, le nom qui étend son ombre sur tout le disque est celui de Whitesnake ! Je vais même jusqu'à entendre précisément « Still of the night » sur « Heart of Babylon », « You're gonna break my heart again » ailleurs…

(AB) En fait l'intention n'était pas si claire en abordant l'album, mais au fur et à mesure qu'on écrivait, elle est petit à petit apparue. Lorsque j'ai commencé à écrire, sur ma Stratocaster, je me suis rendu compte que les riffs que j'écrivais étaient faits pour une Les Paul… J'étais en fait en train de composer pour une autre guitare, et ai donc commencé à m'interroger : « OK, tu ponds des riffs de Les Paul sur une Stratocaster… tu ne devrais pas changer de guitare ? ». Mais le problème, c'est que mon instrument est la Stratocaster, j'ai fini par y être clairement associé, était-ce bien malin de changer ma guitare ? Et puis je me suis dit merde, Joe Bonamassa change d'instrument entre chaque titre, d'autres en emploient même deux différents sur le même… si mes compos ont besoin d'une Les Paul je lâche ma Strat ! J'ai donc commencé l'enregistrement avec de belles FGN [marque japonaise spécialisée dans l'imitation de Les Paul], et au fil des sessions j'ai tout bonnement fini par tomber amoureux de la Les Paul , c'était incroyable… Je m'y suis totalement donné, et les titres s'en sont vus réellement transformés : leur son était autre, plus gros, plus épais… J'ai commencé à ne pas simplement doubler les guitares, mais à les quadrupler, en empilant parfois jusqu'à six… et ça grossissais, ça grossissais, et moi je contemplais le résultat en me disant « bon dieu de bon dieu c'est tellement bon, j'adore ce son ! Je sais, je sais que ça sonne comme Whitesnake et John Sykes mais bon dieu que j'aime ça ! Pourquoi pas, après tout ? ». Et ça a continué à s'épaissir et, au final, cette couleur avait envahi tout l'album. Evidement, ça sonne Whitesnake de bout en bout, mais ça s'est imposé de soi-même [Tu as beau dire, tu as composé « Heart of Babylon » sur « Still of the night » tu ne me feras pas avaler que c'est une coincidence^^]. Mais, comme pour le disque précédent, j'ai ce penchant naturel à écrire dans ce style, et pourquoi m'en priver, maintenant que Whitesnake et Deep Purple ne délivrent plus cette musique ? Je pense que leur public doit être très heureux que nous puissions la leur donner à notre tour. Tu sais, dans la presse, neuf chroniques sur dix sont positives, on me remercie même carrément d'être là pour faire vivre la flamme. Evidement , la dixième chronique dit « Ils sont impossibles, ces clones de Whitesnake, c'est du n'importe quoi ces copieurs » et blablabla, mais ça n'empêche pas les neuf autres de dire « Merci ! Sans vous, on n'aurait plus ce bon vieux Hard Rock aujourd'hui », et je me flatte évidement d'être comparé à Whitesnake, Led Zeppelin et Deep Purple ! Ça ne me fait pas peur, je le recherche !

(UR) Oui il n'y a pas de quoi se cacher ! Dis, si tu es partant pour une nouvelle question stupide, me diras-tu si le titre « The saint & the sinner » est une blague sur Mat ?

(AB) C'est la deuxième fois qu'on me la sort celle-là aujourd'hui ! En fait ça n'a rien à voir. Tiens, un autre journaliste m'a fait remarquer que c'était un titre de Whitesnake, aussi ! Et merde il avait raison…

(UR) Mais oui ! « Saints & Sinners »… je n'avais pas remarqué.

(AB) Eh bien figure-toi que moi non plus ! Et il me demandait donc si on avait fait exprès de la nommer comme eux…. Et moi je ne comprenais pas, « comment ça, comme Whitesnake ? Oh mais oui, c'est vrai ! »

(UR) Vous n'êtes pas allés jusqu'à la renommer ?

(AB) Non ! Mais concernant Mat en tout cas ça n'a rien à voir^^

(UR) On a « Tears in the rain » aussi, qui, en plus d'avoir un titre qui évoque « Crying in the rain », en est proche aussi musicalement… Là je me demande vraiment si c'est fait exprès !

(AB) Ah, c'est la faute à David ça ! C'est lui qui l'a nommé comme ça : mon titre de travail n'avait rien à voir ! Je ne m'en rappelle plus d'ailleurs, mais lorsqu'il a écrit le texte, David a également changé le nom. Alors, je ne sais pas s'il avait Whitesnake en tête, lui, mais je n'y suis pour rien !

(UR) Dommage, ça m'aurait plus amusé si c'était volontaire ! Bon, par contre « Ghost in the machine », impossible de ne pas y voir un grand hommage à « Perfect Strangers ». Même les claviers donnent dans le « Knocking at your backdoor ».

(AB) En fait, je considère « Perfect Strangers » comme l'un des meilleurs titres de Deep Purple, et j'ai donc vraiment voulu avoir quelque chose dans cet esprit. J'avais déjà cette compo pour « Broken Heart Syndrome » mais on ne l'a pas mise sur bandes. Je l'ai donc fait pour cet album. Du coup, pour te répondre avec franchise, c'est effectivement une volonté consciente de ma part.

(UR) On ne peut pas t'en vouloir ! Un autre titre que j'ai envie de nommer est « Cry for love », un titre très Soul, qui peut évoquer « Here I go again » mais aussi des choses qui n'ont rien à voir avec Whitesnake…

(AB) C'est la chorale qui donne cette couleur. Et le fait d'être écrite en majeur, ça change beaucoup. C'est ce que je voulais en l'écrivant, d'ailleurs. Composer en majeur sans tomber dans la guimauve n'est pas facile, et lorsque j'ai mis au point « Cry for love » je me suis dit que j'avais relevé le défi : entraînante, puissante, et pas niaise ? Elle est bonne pour l'album ! On a fini par faire notre clip sur ce morceau [vous le trouverez sur youtube]. Je pense qu'elle possède tous les éléments essentiels à Voodoo Circle, l'orgue Hammond, les gros riffs, le chant de David… Mélodique et puissante, c'est nous.

(UR) J'aimerais un peu parler de « Alissa », aussi, elle se démarque de ce que vous avez fait jusqu'ici…

(AB) Haha, tu veux voir sa photo ? C'est ma copine, Alissa. Tu sais, je sors de quatre années très difficiles, vraiment : ma vie personnelle est passée par un divorce, le départ de ma femme pour le Japon, avec mes gosses que je ne reverrai probablement pas, puis mon emménagement aux Canaries, pour m'installer en Espagne, où tout est allé de travers. J'ai perdu tout l'argent que j'avais, ainsi que bien d'autres choses, un vrai cauchemar. Et à chaque fois que je croyais relever la tête, autre chose me tombait dessus… C'est d'ailleurs d'où vient le titre « Broken Heart Syndrome » : un médecin m'a dit « Si vous ne changez pas de vie vous mourrez d'un syndrome du cœur brisé ». C'est un terme médical, ça n'a rien à voir avec l'amour, c'est une vraie maladie. Voilà à quoi ressemblèrent les quatre dernières années de ma vie, puis… j'ai rencontré cette très jeune fille, de 22 ans [Alex en a quand même plus du double], et elle a amené tant de joie dans ma vie. J'ai écrit ce titre pour elle, et je l'ai mis sur l'album : il est différent. Il peut passer à la radio aussi. Elle m'en a été très reconnaissante ! Ça me fait vraiment plaisir que les gens l'apprécient, il semble plaire à tout le monde.

(UR) Et bien, à moi aussi ! Il est acoustique, quelles sont tes influences en la matière ?

(AB) Je n'en ai pas tellement… J'ai en fait commencé à jouer sur l'électrique directement. Aujourd'hui, j'ai beau posséder des guitares acoustiques, je les utilise en studio pour doubler des parties mais je ne suis pas pour autant un guitariste acoustique. Il me faudrait pour ça pas mal de travail, je pourrais sans doute le faire mais je ne me vois pas y consacrer le temps.

(UR) Ça n'empêche pas des guitaristes de nous pondre des titres « acoustiques » avec encore moins de background que ça !

(AB) Mais tu sais ce morceau est très basique, pas besoin de maîtriser quoi que ce soit de spécial comme technique pour le faire. Ça sonne peut-être autrement, mais ce n'est vraiment rien de spécial, 4 accords et le tour est joué…

(UR) Ecartons-nous un peu de toutes ces grosses influences que nous avons nommées, et tentons de définir ce qui fait la personnalité de Voodoo Circle par rapport à elles… Moi, je citerais ce son résolument moderne et absolument pas 70s-like. Et toi ?

(AB) Je vais vous dire comment je vois ma musique – j'espère ne pas me répéter car c'est une définition que je donne souvent, j'ai du la sortir à plusieurs personnes dans mes interviews aujourd'hui et j'espère que vous n'êtes pas dans le lot ! Nous prenons ce que nous considérons comme le meilleur de tous ces groupes, nous le mélangeons, et nous en faisons notre musique. C'est ça Voodoo Circle. C'est un pur mélange de Whitesnake, de Purple, de Rainbow, vous mélangez et vous obtenez notre album ! C'est exactement notre approche et j'espère que les gens nous abordent de cette façon.

(UR) Et le résultat est bien le vôtre et non une reproduction.

(AB) Nos chansons sont toutes marquées d'une trademark du groupe, oui. Nous sommes énormément influencés par tous ces groupes, mais c'est volontaire et c'est ce que nous voulons faire ressentir à celui qui nous écoute.

(UR) Que vous l'assumiez crée aussi la différence, avec nombre de groupes dissimulant leurs influences, ce qui brise l'honnêteté de leur démarche…

(AB) Evidement, mais… avec un groupe comme le mien, que veux-tu nier ? Ecoute ! Franchement, ce n'est pas flagrant ?

(UR) Je pensais à des groupes aux influences tout aussi flagrantes mais reniées.

(AB) A ce propos je me rappelle de la sortie du premier Kingdom Come – plus Zeppelin tu meurs – où le gars déclarait « Oh mais je ne les ai jamais écoutés, qui est Led Zeppelin d'ailleurs ? Je n'ai aucun de leurs albums »… Ouais, bien-sûr mon pote !

(UR) Eh bien il devrait ! haha… A propos de déclarations, je me rappelle avoir lu de toi celle-ci : Ces titres légendaires des 70s seraient particulièrement impressionnants car ils seraient nés de Jam Sessions. Je me demandais si vous jammiez aussi ?

(AB) Non, j'écris majoritairement chez moi. Parfois avec Mat, David aussi pourquoi pas, mais nous ne composons pas lors des répétitions. Ou du moins pas encore ! Parce que je veux essayer ça pour le prochain album : louer un studio, y installer la batterie, et tout et tout, y prendre nos quartiers 3-4 jours et juste jammer, ensemble, et l'enregistrer. J'aimerais récupérer le résultat et en tirer les compositions du futur album [en voila une belle idée].

(UR) Tu n'as pas ton propre studio, il me semble ?

(AB) Si j'en ai un, mais il n'y pas cette grande salle nécessaire pour faire cela, ce n'est qu'un studio comme tout apprenti musicien peut se l'installer : un PC dans ta cave et tu peux tout faire, voilà ! Ça a ses avantages et ses inconvénients. L'avantage est que tu ne le paies pas, tu peux prendre tout ton temps dedans, mais l'inconvénient est que tu ne communiques avec personne, et que tu dois assumer deux rôles, celui de l'artiste, et celui de l'ingé-son : « Je suis musicien… je suis ingé-son… » [il mime des passages incessants entre un instrument et une console]… c'est fatiguant…

(UR) Ce n'est certainement pas l'idéal…

(AB) Et ça dure une éternité ! J'enregistre mes parties rapidement, généralement, mais lorsque je dois tout faire moi-même, mon dieu ! J'ai besoin de 4 semaines pour enregistrer les rythmiques, ce que je fais normalement en 10 jours, tu imagines ? Non, c'est vraiment une horreur… Mais reste le luxe de pouvoir essayer tout ce que tu veux.

(UR) Ça doit avoir ses avantages pour une démo, mais pas pour l'enregistrement de l'album.

(AB) Oui… J'ai du mal à me passer de la facilité de travailler en studio avec un ingé-son, pouvoir me concentrer sur ma guitare et juste jouer… Ah, ça c'était le bon vieux temps ! Nostalgie…

(UR) Tu comptes retravailler avec Bill Ward ? Euh non ça c'est Black Sabbath ! Le producteur David Ward?

(AB) … Dennis Ward?

(UR) Merci^^ [Alex n'est décidément pas le seul à avoir eu une longue journée…]

(AB) Il n'a pas produit « More Than One Way Home ». Il a mixé nos deux premiers albums, et sur le nouveau c'est Achim Köhler. On peut retravailler ensemble, Dennis est très bon et nous nous connaissons bien... Vu le temps depuis lequel on se côtoie, il est fort possible que nos chemins se recroisent. Pour cet album, en fait, je voulais changer de production. Je cherchais un son différent et c'est ce qui m'a amené à choisir Achim, qui nous mixe de façon plus consistante, avec des guitares plus épaisses, et cet album mise beaucoup sur les grosses guitares ! Je les voulais aussi épaisses que possible. Dennis, lui, mixe différemment, il fait clairement ressortir chaque instrument. Achim est plus – excusez-moi – couillu. C'est tout sauf une critique de Dennis, hein, ce sont juste deux approches différentes, et ces chansons-ci m'ont fait préférer Achim.

(UR) Concernant le futur de Voodoo Circle, David vient de finir le nouveau Pink Cream 69, tu as une idée de quand vos disponibilités respectives vous permettront de vous remettre au travail ensemble ?

(AB) J'espère pouvoir enregistrer le prochain Voodoo Circle, de façon réaliste, l'année prochaine, possiblement l'été 2014, ça me semble faisable. Cette année, je suis trop occupé, c'en est un cauchemar : j'étais hier encore à Stuttgart pour les répétitions de « Rock Meets Classic », je suis arrivé ce matin en train et je repars demain matin. La semaine prochaine je tourne pour Paul Rodgers [t'en plains pas! Je donnerais cher pour jouer avec lui^^], puis je rentre pour enregistrer le prochain Sinner. Je pars ensuite sur la route avec Voodoo Circle, puis j'enregistre pour Primal Fear, je fais les festivals avec eux, puis avec Voodoo Circle, j'enregistre le prochain Silent Force, je tourne ensuite avec Primal Fear et on en est déjà à la fin de l'année ! Puis j'embraierai sur la tournée « Rock Meets Classic », et au milieu de tout ça je dois dénicher le temps de voir ma copine, et d'écrire pour Voodoo Circle… Cette année va être folle. Mais tant mieux !

(UR) Et à côté de tout ça, je crois que tu prends le temps de faire des leçons de guitare en ligne.

(AB) Oh non, j'ai essayé mais c'est fini. L'idée me semblait bonne, mais je me suis vite rendu compte que c'était trop. Et puis tu sais, je ne suis pas un bon professeur, je n'ai pas la patience nécessaire, je suis trop du style « aller vas-y, c'est comme ça [il fait mine de balancer un shred] » ! Je ne suis pas bon professeur, mais dieu merci je m'en rends compte.

(UR) Pour avoir donné des cours je suis d'accord, ce métier n'est pas fait pour tous.

(AB) Oh non… et quand ton élève n'est pas fait pour ça non plus, tu te retrouves à le faire travailler juste pour toucher des sous… ce n'est pas correct, il serait bien plus honnête de lui faire comprendre qu'il perdrait moins son temps à jouer au foot ou au tennis !

(UR) On va finir par deux questions plus générales. Peux-tu, d'abord, nous dire si tu as fait des découvertes musicales récemment, si tu découvres des jeunes groupes à côté de tout ce bagage 70s ?

(AB) Pas vraiment… [Là, Alex nous oublie totalement pour se plonger dans la contemplation de ses phalanges curieusement égratignées] Aoutch, qu'est-ce que c'est ? Étrange…

(UR) Bah oui il faut cesser de mettre des coups de poing aux gens, Alex…

(AB) Hm, je ne sais pas ce que c'est… [le retour à la réalité lui prendra quelques instants] Euh, j'aime Black Country Communion !

(UR) Aaah !

(AB) Oh oui, surtout leur second album. J'ai aussi découvert Adrenaline Mob de Russell Allen… Au fait, je vous ai dit avoir enregistré pour lui ? Pour son album solo, j'ai aussi composé pour !

(UR) Non rassure-toi de nouveau, ce n'est pas à nous que tu l'as dit !

(AB) Tant mieux ! Et bien mes titres et mes guitares figureront sur son album à sortir dans deux mois [Mat Sinner devrait aussi y figurer], et… vous me faites penser que je lui dois encore un solo ! Il faut vraiment que je fasse ça demain, ou dimanche…

(UR) Note tout ça, tu as tellement à faire que tu vas oublier !

(AB) Laisse, je ne suis pas encore prêt ! Bon, quoi d'autre ? J'écoute beaucoup Ritchie Kotzen en ce moment, ainsi que Joe Bonamassa… Mais évidement ce ne sont pas des artistes modernes, n'est-ce pas ? Tiens, l'autre jour ma copine m'a passé Slipknot [je compatis] pendant qu'on conduisait, et sur le coup j'ai pensé « et merde »… Puis elle l'a remis, puis re-remis, et encore, et… j'ai fini par y arriver, par m'y faire. Bon, je ne dis pas que j'aime vraiment ça, mais je peux comprendre leur succès, je ressens leur énergie, et leur force. Du coup, j'ai tenté d'écrire un titre dans ce genre ! Et… ça a marché. En fait, je trouvais vraiment le titre bon ! Mais enfin, je ne vais pas sortir ça [dommage, j'aurais bien écouté], ça ne me ressemble pas assez. C'est en tout cas sympa de s'y frotter. Tiens, je peux tenter de le refiler à quelqu'un !

(UR) Essaie Russell Allen ! Pour finir, on voudrait te demander le regard que tu portes sur le téléchargement illégal…

(AB) Euh… on a combien de temps ? ^^

(UR) Je me doute que ça t'inspire pas mal de choses ! Disons… en quelques mots ?

(AB) Que voulez-vous que je vous dise, sinon que ça ruine la musique ? Je vais vous donner un exemple personnel et très parlant : Lorsque j'ai commencé à jouer pour Silent Force en 1999, j'ai reçu une avance du Japon, de 150.000$... Et pour enregistrer avec ce même groupe aujourd'hui on me donne 12.000$.

(UR) En effet…

(AB) Un zéro de moins ! Vous vous rendez compte ? Et Silent Force est tout sauf une exception. Mais… les amarres sont lâchées, impossible de jeter l'ancre maintenant. Oui, c'est attristant, et injuste, mais c'est devenu tellement répandu… tout le monde télécharge tout.

(UR) Eh bien nous ne sommes pas concernés !

(AB) Ah ? Moi non plus. Mais… je me rappelle de la première fois où j'ai réalisé ce qu'était le téléchargement illégal : c'était un ami qui est arrivé chez moi avec un disque dur externe, qui me l'a fait brancher et qui me sort « Connecte-moi ça… », « Tu as un truc à me montrer ? » je lui fais, « que oui ! Connecte ce truc et tu vas t'en prendre plein les yeux ». Et une fois que c'est fait il dit, tout fier, « Tiens, prends ce fichier, copie-le sur ton PC, et… voilà ! Tu as 10.000 chansons sur ton ordinateur mon pote »… Je suis resté bouche bée : « quoi ? C'est aussi simple que ça, tu es sérieux ? »… Il me fait juste « mais réveille-toi », et commence à me montrer tous les albums qu'il y avait dans son fichier. Evidement, que des bons trucs ! Je n'en revenais pas… Et, on est d'accord, je mourrais d'envie d'avoir tous ces albums, mais… voilà, ce n'est pas acceptable. Mais c'est tout simplement ça qui rend notre secteur …« kaput » ! Ça le détruit, simplement, c'est trop simple de télécharger, tu peux avoir tout ce qu'a fait Silent Force, Voodoo Circle ou Primal Fear sur n'importe quel site russe pour un cent le titre… tu te doutes bien que je ne verrai jamais le début de la couleur de cet argent. Sur la page LastFM , il y a 4 millions d'écoutes pour Primal Fear… donc 4 millions de personnes qui ont eu accès à notre musique gratuitement. Et 1.5 millions pour Silent Force… et cet argent non plus ne verra jamais mon porte-monnaie. C'est injuste, oui, c'est voler. Mais comme je disais, les amarres sont jetées.

Sur cette expression fort pessimiste, un Alex bien lessivé nous remercie, avant d'enchaîner sa journée de promotion, perdant voix et énergie à mesure qu'il gagne en vin blanc dans l'estomac – mais il faut bien ça pour tenir ses journées. Nous aurons la surprise de le voir s'attabler quelques instants avec nous, le dernier phoner plié, pour nous narrer (entre autres) sa rencontre du « maire Heavy Metal » de Kavarna en Bulgarie, force « kaput » et autres expressions « typiques »… Mais pas de repos pour les guerriers : Alex repart dès 8h le lendemain pour la Germanie, et nous pour notre routine quotidienne parisienne… heureusement ponctuée de ce genre de rencontres aussi riches humainement que musicalement.

The Oucast




 

© essgraphics 2011