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W E L C O M E  T O  H E L L  ( f e s t )


Interview réalisée par Mélissa, le 30 septembre, au Hard Rock Café Paris
 

Welcome to Hell(fest) est un carnet de voyage en trois tomes qui retrace les aventures de Sofie von Kelen et de Johann Guyot dans la jungle hellfestienne, de l’édition 2012 à celle de 2017. Ils décident aujourd’hui de sortir une édition intégrale réunissant les trois tomes, plus du contenu exclusif sur les éditions 2018 et 2019 du Hellfest.


Vous allez donc sortir une édition intégrale avec du contenu exclusif, pouvez-vous nous parler de la genèse de ce projet ?

S. : La version intégrale contiendra les trois tomes, ainsi que de petits live reports des éditions 2018 et 2019, plus un cahier graphique avec des illustrations que nous n’avions pas mises dans les autres volumes. Elle fera plus de 300 pages. Pour ce qui est de la genèse du projet, de 2009 à 2012, j’ai travaillé pour « Abus Dangereux » qui était plutôt un gros fanzine axé rock indé et il m’avait pris pour apporter un touche un peu métal, donc j’avais eu l’occasion d’aller au Hellfest pour eux, afin de faire de gros live reports, des photos et, au bout d’un moment, je me suis dit que ce serait plus sympa de faire ça en BD puisque mon travail à côté était critique de bandes dessinées. Puis, j’ai demandé à Johann qui est un ami, à la fois dessinateur de bd et fan de métal. Nous nous étions rencontrés quelques années avant sur le festival de BD d’Angoulême et Johann avait sorti un projet autobiographique nommé « BD, vinyle et headbanging » en 2010, qui parlait déjà de concert et de groupes. Du coup, quand j’ai eu cette idée je me suis dit que ça collerait bien, surtout que nous avons des points de vue complètement différents. Moi, je traine dans les festivals depuis que je suis ado, lui pas du tout.

J : Exactement, c’est vrai que la musique m’intéresse énormément mais le milieu je ne l’ai jamais côtoyé.

Du coup, ça n’a pas été trop difficile de mêler vos deux univers ?

J : Non, je pense que, du coup, elle arrive avec un côté très journaliste, là où je mets beaucoup plus de déconne et de dérision. J’aime dire que j’ai pas mal d’anecdotes de « pissotière », c’est vraiment le côté connerie dites par le voisin que je note et que je ressors comme ça. Après, il y a aussi le côté où les groupes m’intéressent énormément, donc j’en parle un peu sérieusement quand même.

S : On va dire que ce que tu fais est plus autobiographique dans la BD et moi, plus journalistique.

Avez-vous rencontrées des difficultés pour sortir le tome 1 ?

J : Oui et non. La seule difficulté que l’on a eue, c’est que nous ne savions pas du tout où nous allions.

S : Oui, voilà, on a commencé à récupérer de la matière en 2012 et en 2013 sans savoir ce que nous allions en faire, si cela allait être un blog ou autre. On s’est donc dit qu’on allait en faire un livre.

J : C’est vrai que l’on ne savait pas encore, la seule difficulté c’était de trouver le ton.

S : C’est pour ça que le premier volume court sur trois années, le temps de trouver notre voie. Et puis il y a aussi cette histoire de format carré ! En fait, Johann avait eu un lot de carnets en format carré et les premières années, il a dessiné là-dessus sans penser au graphiste qui allait galérer à adapter au format, du coup, nous l’avons sorti au format carré, ce qui a couté beaucoup plus cher à l’impression puisque ce n’est pas un format standard, même les libraires se sont plaint que ça ne rentrait pas dans les étagères ! Ça a été très apprécié par les lecteurs mais, sur le moment, on a été obligés de le sortir comme ça.

Johann, quel est le processus créatif derrière tes dessins ? Les fais-tu sur place ? Comment est-ce que tu les traites ensuite ?

J : Alors, il y a des croquis faits sur place, certains sont très mal faits à cause de l’obscurité, de la foule et l’écran est minuscule, d’ailleurs en 2012 il n’y avait même pas les grands écrans d’aujourd’hui ! Sofie faisait pas mal de photos à l’époque donc j’ai pu me servir de ça. Certains sont refaits par rapport aux brouillons un peu moches que j’ai faits. Et sinon, à notre époque, plutôt pratique, je peux retrouver les concerts sur Youtube même si j’aime bien quand c’est fait de manière à l’arrache car on conserve l’esprit live du truc, je n’aime pas l’idée de reproduire une photo. Croquer un groupe en direct c’est comme si on y était, après, sur place, ça reste que du croquis ou de la prise de notes.

Pourquoi illustrer seulement en noir et blanc ?

J : Parce que l’esprit de carnet s’y prête plus, surtout quand on dessine sur place. Personnellement, je fais de la couleur sur d’autres projets, mais là, pour le côté spontané, live et rock aussi, je préfère le noir et blanc.

S : Et puis c’est aussi plus contrasté !

J : C’est vrai que les croquis sont très incisifs, il suffit parfois de trois traits pour rendre compte du truc. Si je devais commencer à avoir mes peintures etc....

S : Je ne suis pas sûre que cela aurait collé avec l’esprit du Hellfest. A la limite, une bichromie avec un peu de rouge, peut-être.

Pourquoi avoir décidé d’arrêter après trois tomes ?

S : Pour ne pas trop se répéter. Déjà, au moment du tome 3, on a eu du mal à trouver des groupes dont nous n’avions pas parlé au bout de huit ans, même si la scène est vaste. Surtout que les groupes reviennent quasiment une année sur deux au Hellfest. Du coup, nous ne voulions pas nous répéter ni au niveau des groupes, ni au niveau des anecdotes. Et puis, au fil des ans, il n’y a pas grand-chose qui change, un peu de déco en plus mais, finalement, ça reste pareil. Là, on couvre huit années avec l’intégrale, on se dit que c’est déjà bien.

J : Surtout que là, on rajoute des anecdotes sur les années 2018 et 2019.

S : On pense avoir un peu fait le tour, on a parlé des gens qui y bossent, des festivaliers, du market, des interviews. On a vraiment tout couvert.

Est-ce que vous avez vu une évolution du Hellfest au fil des années ?

J : Il y a un côté très Disneyland qui prend un peu d’ampleur mais, à la fois, ce n’est pas dérangeant…

S : La seule chose qui me dérange c’est qu’il y a trop de monde pour l’espace. Par exemple, à l’époque du premier volume en 2012, 2013 et 2014, c’était facile d’aller voir un concert sur une Mainstage à 21h.

J : Même sur les autres scènes, c’est bondé maintenant, on ne voit les groupes que sur écran.

S : C’est ce qui me marque, surtout quand tu es journaliste et que tu n’as pas forcément le temps …

Quels sont les groupes qui vous ont le plus inspirés pendant la création des albums ?

S : Pentagram ! On les a interviewés puis vus juste après.

J : Le leader Bobby Liebling qui est complètement allumé. Il est était adorable et à dessiner c’était du bonheur ! Il était complètement déconcentré.

S : Pourtant il racontait des choses intéressantes !

J : Aucune idée ! L’anglais ce n’est vraiment pas ça !

S : Sinon Wardruna sur scène c’est toujours un truc de fou, tu as la dimension musicale et c’est aussi mystique.

J : Je me souviens qu’avant le Hellfest, je faisais des kilomètres pour voir des groupes dans des petites salles et j’étais toujours impressionné. Parfois, c’était au fin fond d’un trou paumé, je zonais dans les gares parce que je ne pouvais pas rentrer chez moi. Donc le Hellfest désacralise un peu le truc, mais c’est vrai que la première année pour Venom par exemple c’était impressionnant mais le temps faisant on s’habitue.

S : Après il y avait quand même beaucoup de groupes que je n’avais jamais vus et que j’attendais avec impatience. Alice Cooper, aussi ! C’est mythique, j’ai les cassettes depuis mes 13 ans ! Alice Cooper et Metalchurch étaient des groupes que je voulais vraiment voir et, à chaque fois qu’ils passaient dans ma ville, je ne pouvais pas les voir ! Une vraie malédiction. Il y a aussi Clutch, c’était une de mes plus belles interviews, c’est un mec qui a une vision de la musique hyper-pertinente, c’est humainement que j’ai appris pleins de trucs.

J : On peut parler de la première fois au Leclerc de Clisson ! Je cherchais quelqu’un qui n’était pas un métalleux.

S : Il y a Magma aussi, qui m’a étonnée, je ne m’attendais pas à voir les gens bouger autant. J’ai l’habitude de les voir au Trianon où personne ne bouge. J’étais hyper surprise !

Pourquoi avoir mis en place un financement participatif ?

S : Tout simplement parce que l’on n’a pas les fonds ! Sans financement, on ne pourrait pas l’imprimer, c’est un sacré coût.

J : Là on fait un gros bouquin cartonné de 300 pages. Il y a la fabrication du bouquin, on paye également le graphiste…

S : Ce n’est pas facile parce qu’à la base on est auteurs, moi journaliste, j’ai appris à être éditrice sur ce projet. C’est comme vendre le projet, ce sont des trucs où on n’avait aucune expérience.

Quelles sont vos influences dans le monde de la BD ou du journalisme ?

S : Alors moi dans la BD je suis plutôt science-fiction des années 80, j’ai commencé avec Druillet dont je suis très fan. Après avec Litteul Kevin ou Mammouth&Piston dans un registre un peu plus rock’n’roll. Maintenant je suis plus sur la BD reportage, les romans autobiographiques. Je lis moins de fiction en BD.

J : Moi c’est plutôt des influences graphiques. Mais aussi la scène franco-belge underground des années 80, comme Villemin. J’aime aussi beaucoup les dessinateurs de presse, l’esprit Hara-Kiri, c’est une sorte d’ancien Charlie Hebdo. Après, beaucoup de trucs autobiographiques qui ont une touche humoristique. Jean-Christophe Menu est aussi une grande inspiration sur le côté rock justement. Je ne suis pas forcément influencé graphiquement mais il a été l’un des premiers à parler de rock de manière autobiographique en parlant vraiment de ce qu’il aimait, même s’il parlait plus de rock indé et de garage rock, mais c’est le premier à parler de ses goûts personnels et j’ai vu que c’était possible de parler de rock en non-fiction. Je trouve que c’est plus facile de se représenter dans un récit parce que tu es plus objectif, forcément, puisque c’est déjà sur tes propres expériences. Je trouve ça plus intéressant que de créer un personnage de A à Z. Même pour les gens, c’est plus simple de s’identifier.

Quels sont vos parcours, vos formations ?


S : J’ai passé le Bac, après j’ai passé cinq ans à organiser des raves, à vivre dans des camions à droite à gauche, après j’ai voulu faire ça de façon un peu plus officielle, donc j’ai fait une formation de régisseur technique, donc j’ai travaillé dans la technique du spectacle pendant 5 ou 6 ans. Je suis ensuite retournée à Bordeaux d’où je suis originaire et un ami m’a dit qu’un magazine cherchait des pigistes donc j’y suis allée et j’ai commencé par être bénévole, après pigiste, puis en CDD, puis en CDI, moralité j’y suis restée 14 ans. J’y suis toujours, même si j’ai démissionné de mon temps plein en février mais je continue à écrire des articles.

J : Mon parcours commence avant le BAC parce que j’ai eu la chance de faire une école en Belgique, l’Institut Saint-luc, qui est une école très ancienne et qui prend juste après le collège. Donc en années, c’est équivalent au lycée mais je n’avais que des cours des dessins et c’était très académique. L’école ressemble un peu à Poudlard et je venais de Bordeaux, en plus, donc il y avait la difficulté de quitter sa famille, mais ce sont mes meilleures années. Ensuite j’ai fait les Beaux-Arts de Tournai, mais je ne suis pas resté longtemps car j’avais envie de travailler tout de suite donc, au bout d’un an, j’ai rencontré un ami qui est encore aujourd’hui mon collègue et qui m’a permis de créer les éditions Croc en jambe. J’ai dû travailler à côté parce que c’était une période de vache maigre. La maison d’édition a été officialisée en 2006 et le premier bouquin sort en 2008.

S : D’ailleurs le premier tome de Welcome to Hell(fest) est sorti aux éditions Croc en jambe. Finalement, on a décidé de séparer le truc avec les éditions du Blouson Noir car, au niveau de la gestion, c’était plus simple.

J : Parallèlement, j’ai travaillé pour la presse aussi, pour le magazine Psikopat, par exemple, petit frère de Fluide Glacial car ils ont des auteurs communs. Je continue à faire quelques dessins de presse aujourd’hui et je travaille également pour la jeunesse. Mais je vis essentiellement de l’animation autour de la BD, par exemple de très grandes fresques sur des festivals ou des spectacles autour la BD. On peut dire que je vis de la BD au sens très large. C’est compliqué de vivre de ses droits d’auteurs, donc je prends des cachets par-ci par-là.

Les éditions du Blouson noir ne sont-elles destinées qu’à accueillir Welcome to Hell(fest) ?

S : Le point commun c’est que toutes les œuvres seront sur le thème du rock.

J : D’ailleurs on appelle ça Blouson Noir, d’une part pour le côté perfecto, mais aussi de par la culture rock et nos influences, l’esprit année 80 dans lequel j’ai toujours baigné. Là, j’ai pour projet 1979 où je détourne des images connues façon look loubard avec un blouson noir. C’est toujours un univers qui me plait, cet esprit banlieusard des années 80. Notamment avec l’influence de Villemin qui travaille des décors de banlieue assez sales en construction et c’est toujours très intéressant graphiquement.

Est-ce que vous avez des projets personnels en cours ou à venir ?

J : Prochainement j’ai un projet qui n’a rien à voir avec le rock, je fais une parodie de carnet de voyage. Je me mets en scène avec pas mal d’autodérision parce que je ne suis pas un grand baroudeur, même si j’ai eu l’occasion de voyager. Du coup, je me caricature en train de jalouser les grands carnetistes et finalement, je me retrouve dans les pires lieux de France, les vieux pubs PMU, les stations d’autoroute… mais je le fais très sérieusement, je me donne beaucoup sur les dessins mais le sujet pousse le côté absurde.

S : Moi je prépare un projet de livre illustré sur les anecdotes occultes du rock avec un illustrateur bordelais, ce ne sera pas vraiment de la BD à 100% mais plus du texte avec des illustrations. Je vais aussi reprendre cette idée avec un livre sur le proto-heavy, les origines du heavy, de Mississipi Blues à Black Sabbath. Comment on arrive du blues au british blues à tous ces sons un peu plus violents, The Kinks, The Who, etc…et comment on arrive à Black Sabbath. Toujours dans un livre illustré. Sinon je prépare aussi une biographie de Led Zeppelin sous forme là de roman graphique mais je recherche toujours le dessinateur.

J : Mais ce ne sera pas moi ! Je vais arrêter un peu le rock pour l’instant et reprendre mes jolies couleurs pour mes projet de livre pour enfant même si je garde l’humour et l’esprit rock !


Le site : https://www.facebook.com/welcometohellfest

Mélissa


   

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