Le lieu : , salle parisienne éprouvée.
La date : 27 février 2011, cœur gris de l'hiver parisien.
L'enjeu : achever en beauté la deuxième partie de la vie du groupe, désormais aussi importante que la première.
Les protagonistes : à ma droite, les cinq brésiliens avec Ricardo de retour dans leurs rangs ; à ma gauche, un public parisien guère réputé pour sa chaleur et, dans le cas de celui d’Angra, sans réelle cohésion.
Le gong sonne à 18h30, avant de voir le ring investi par Fall And Bounce, trio français aux débuts encore tous frais, convié à chauffer la salle - toujours à moitié vide - grâce à son Hard Rock sexy, à l'image de sa bassiste/chanteuse... Mission acceptée de bonne grâce par le groupe malgré l'heure peu avancée, le public pas vraiment encore chaud, la scène mal agencée et la panne de jack du guitariste Guillaume dès les premières secondes du show. Pas de quoi ôter la moindre once de détermination au trio qui achèvera sa demi-heure de spectacle après une demi-douzaine de titres groovy et directs, le dernier bénéficiant de la présence sur scène de Yo' de The Versus. Ca a rocké, ça a groové, ça a crié de la part de cette bassiste au feeling résolument Hard Rock, ça a assuré de la part de Guillaume et ça a laissé derrière lui un public déjà réchauffé et enfin au grand complet.
La tâche sera bien plus aisée pour Kattah qui leur succède sur scène un quart d'heure plus tard. Le groupe est une première partie logique pour Angra dont ils partagent le style, le son, la musique, et l'origine. Le quintette a, apparemment, des fans convaincus dans l'assistance et, ma foi, pour les autres, la prestation de leur chanteur Roni ne peut que réveiller le pire des chloroformés. Excentricité vocale autant que scénique et vestimentaire, le contraste est saisissant avec les musiciens extrêmement appliqués et efficaces. La musique est au goût de n'importe quel fan d’Angra : épique, mélodique, hymnique, et la présence constante de bandes est oubliée derrière l'énergie incroyable de Roni, passant du micro aux percussions, et même à la batterie le temps de l'instrumental « Maracatu », franchement déchaîné. Leurs trois quarts d'heure de show balaieront en tout sept titres de leur discographie se limitant encore au seul « Eyes Of Sand », mais avec brio, de « Lebanese aura » étalant une solidité instrumentale indéniable à « Illusion of dreams » recevant l'approbation générale du public.
Mais c'est bien pour ça que Kattah est là avec Angra. Sa musique, bien que se voulant « Orient-friendly », doit tout à leurs grands frères brésiliens qui, aux dires d’Edu, se sont volontairement embarqués avec un groupe de leur pays pour cette tournée européenne afin de ne pas faire oublier que le Metal brésilien ne se résume pas à Sepultura (et Shaman, héhé, Kattah ayant largement été coaché par les frères ennemis pour leur disque). La mise au point n'est pas superflue, un simple coup d'œil au public révélant l'élargissement constant de celui-ci. Ce public aura à patienter trois bons quarts d'heure avant de voir le backdrop de Kattah céder la place aux grosses caisses de Ricardo aux couleurs du dernier album « Aqua ». Et lorsque l'intro « Viderunt te aquae » retentit, le public fait montre d'un enthousiasme dont on ne le soupçonnait pas capable deux heures plus tôt. Mais il fait bien une ovation massive à « Arising thunder » qui ouvre logiquement le show, avec l'efficacité d'un feu d'artifice introduit par Edu surgissant sur scène par surprise... Les guitares de Kiko et Raphael sont vibrantes comme elles ne le sont jamais sur album, et la chaleur est là, encore une fois, sur scène, pour ce groupe pourtant si orienté studio... Celui-ci balance « Angels cry » dès la fin du morceau, prenant le public par surprise et déclenchant moults pogos et slams consommant ce manque de cohésion du public parisien du groupe que j'évoquais... Pourtant, comme pour Kattah, le chant s'éclipse derrière la basse de Felipe et la guitare rythmique derrière la soliste...encore une fois, seule la moitié du public de l'Elysée-Montmartre pourra profiter du show à sa juste valeur. Le groupe enfonce immédiatement le clou avec « Nothing to say », ce qui revient à hisser le pavillon rouge : il n'y aura pas de rappels, la bataille se livrera d'une traite et sera intense.
Un solo tout en tapping de Kiko introduit « Heroes of sand » et l'on revient dans l'ère Edu. Il n'y a que sur scène que l'on peut apprécier la dextérité des deux guitaristes alliée à tant de chaleur et de groove, et la petite caméra fichée en haut de son manche fait saliver à l'idée de pouvoir en voir les images... Le même feeling envahit « The voice commanding you », extrait de « Aurora Consurgens », chanté par Raphael. Quant à « Waiting silence » de « Temple Of Shadows », c'est Roni de Kattah qui le partagera avec Edu. Franchement ravi, Roni impressionnera même au milieu de ces cinq musiciens... « Lease of life », l'autre single de « Aqua », poursuit le travail de réchauffement de l'atmosphère avec le même succès, puis c'est à Ricardo de dérouler son jeu de batterie en soliste avant que l'intro « Deut le volt ! » pointe son nez... Là encore, la réaction du public est immédiate. « Stread your fire » resserre encore un cran la vis et confirme bien que la dynamique de ce show reste linéaire : la progression est droite et sans accroc.
Nous revoici dans « Aqua » avec « Awake from darkness », qui durcit encore le ton, et le public fait de même... les pogoteurs font fuir les non-pogoteurs et les non-slammeurs suivent des yeux les slammeurs tels une aberration... décidément, le public d’Angra est dur à saisir. La réception de « Lisbon » puis « Carolina IV » est en tout cas unanime des deux côtés, et effectivement le terrain était stratégiquement préparé pour ce retour dans le temps... Autant Edu que Felipe semblent prendre particulièrement plaisir avec ces titres, paradoxalement, et cette première heure de show s'achève sans temps mort, un quasi-sans faute. La foule réagit encore de façon hétérogène à leurs harangues à la fin du titre, et le groupe concède enfin une petite douceur avec « Rebirth » dédicacée par Edu au président de leur fan-club français. Le titre (version intégrale) inclut quelques chœurs a capella inattendus et capte toute l'attention du public avant de céder la place à un sprint : le « Unfinished allegro » de « Angels Cry » annonce un « Carry on » particulièrement bienvenu et précédé par le public... « Nova era » y sera enchaîné de façon surprenamment naturelle après quelques parties « épiques » de Kiko et Raphael et avant une surprise en guise de salutation et/ou hommage à Dio : une cover de « Heaven And Hell » verra Raphael chanter, Edu et Ricardo gratter, Kiko frapper la quatre-corde (qui en avait six d’ailleurs...) et Felipe battre. Détonnant... Le pire, c'est que ça marche.
On quittera donc nos latino-américains après une heure trois quarts de show et sur une note particulièrement colorée... Et le public se dira ou ne se dira pas au revoir avec cette même incohérence, les slammeurs quittant anonymement la foule, les ultra-fans ne tarissant plus d'éloges sur la set-list pourtant moyenne et niant le piètre chanteur qu'est Raphael, telle adolescente en collants roses et t-shirt Green Day sortant aux côtés de tel routard à la veste à patchs trentenaire, et tel vieux fan de Maiden expliquant à son fils que « Heaven And Hell » n'est pas une composition de Judas Priest... En un mot, Angra est devenu une institution, le Power est devenu un genre aussi large que le Heavy et le groupe, du haut de ses désormais vingt ans, fait figure de référence au-delà de sa fan-base. La raison, ce soir, en était évidente : la « vibration » a été immédiate, a gonflé même la plus froide de leurs compositions standards, et les cinq musiciens n'ont pas laissé la moindre minute de show mourir. Il y en avait, dans cette foule improbable, qui ne s'y attendaient pas, pour sûr, et peut-être pas ceux qu'on pense...
The Outcast
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