BLACK COUNTRY COMMUNION


La set list  :

Black Country

One Last Soul

Crossfire

The Battle For Hadrian's Wall

Song Of Yesterday

I Can See Your Spirit

Save Me

Cold

The Ballad Of John Henry

The Outsider

Derek Sherinian solo

The Great Divide

Sista Jane

 

Rappel :

Man In The Middle

Burn

BLACK COUNTRY COMMUNION
Le Bataclan (Paris) 19/07/2011

Ce soir, virée à la capitale organisée par le Cercle des Amis du Troisième Age. Nan, pas pour s'encanailler dans les cabarets de Pigalle… Pour voir Glenn Hughes en concert ! Qui ça ? The Voice of Rock, le très groovy ex-bassiste-chanteur de Trapeze, Deep Purple MK3/4, Black Sabbath et… lui-même. Avec son nouveau groupe, Black Country Communion, composé que d'inconnus ( !) Derek Sherinian ex-Dream Theater, Jason Bonham, fiston de Qui-on-sait et Joe Bonamassa, le jeunot de l'équipe, Amadeus de la gratte blues-rock. Allez, Maurice, on bouge son arthrose… Et oui, les gars, on est encore jeunes ! Si ces mecs-là ont pondu ces deux albums, c'est qu'on est encore jeunes, nous aussi !

BCC est un groupe paradoxal. Des « seniors » (Glenn a 59 ans) qui jouent avec un dynamisme juvénile et un feeling incomparable la musique-de-quand-ils-étaient-jeunes et qui réussissent à dégager sur disque une fraîcheur et une modernité impressionnantes. Moderne, le rock 70's ? Oui Môssieur ! Voilà le paradoxe BCC : un groupe de vieux qui apporte du sang neuf. Composées pour être jouées (et enregistrées « dans les conditions du direct »), les chansons de BCC (principalement l'œuvre de Hughes) ont la scène pour raison d'être. Aux côtés de ses nouveaux acolytes, Glenn Hughes semble avoir retrouvé la niaque, tel un marathonien, une sorte de second souffle. Parfois considéré (à tort) comme un dinosaure agonisant, il prouve brillamment avec son groupe qu'il a encore pas mal de choses à donner. Alors, quoi ?

D'abord une grosse attente : fan de longue date de Hughes, j'espérais un concert depuis le premier album de BCC et encore plus après leur second. Forcément, le risque c'est une déception à la hauteur de l'attente. Qu'on se rassure, le résultat est largement positif mais… Autant l'écrire de suite, l'ingé-son qui officiait au Bataclan ce soir-là est un grand criminel ! Et sourd comme un pot, qui plus est… En effet, comment peut-on se permettre de saboter ainsi le travail des musiciens ? C'est simple, ce concert, si t'avais tes boules Quies®, t'en sortais ravi, si tu les avais oublié, t'en sortais groggy ! Si tu ne connaissais pas bien la musique de BCC, tu ne découvrais rien (ou tu pouvais croire à un cover band des Sex Pistols), si tu connaissais… ben tu pouvais pas reconnaître ! Put***, personne ne lui a expliqué que le rock est une affaire de puissance du son et pas de niveau du volume ? La saturation (dans les enceintes) rend sourd, conna** ! Quand on n'arrive plus à distinguer les différentes fréquences médium-aigues, c'est qu'il y a un problème, conna** ! C'est alors qu'il faut tourner le bouton vers la gauche… La gauche, conna** ! (Je sais, Sarkozy, tout ça… mais quand même, gauche et droite, c'est pas du même côté !) Les potards à 11, c'est à la tête du Marshall, conna**, pas sur la console ! Ce qu'on faisait dans le garage pour faire chier les voisins quand on avait quinze ans, on ne le fait pas dans une salle de concert, conna** ! Du coup, il fallait impérativement se fourrer des bouchons d'oreilles pour apprécier le feeling et la justesse de BCC. Un comble ! Se boucher les oreilles pour profiter de la musique… conna** ! Depuis les délires soniques d'AC/DC et U2 dans les années 80, c'est passé de mode de rentrer sourd d'un concert. On veut écouter de la musique, pas du bruit ! Pour ma part, en tous cas, je préfère sortir avec des notes plein la tête plutôt que m'en « prendre plein la tête » (conna**, je vois que vous suivez…) Donc, pour envisager sereinement cette chronique, j'ai dû faire abstraction de la qualité sonore.

Ce deuil fait, reste une prestation frôlant l'excellence. D'abord, parce que c'est impressionnant, il faut rappeler l'âge de Glenn (cf. plus haut). Comme chacun, il a « l'âge de ses artères » (et quand on pense à ce qui a transité par là…) et ses cordes vocales itou. Et ben mon cochon ! Gillan, Coverdale et nombre de (beaucoup) plus jeunes en prennent pour leurs matricules : il les ridiculise tous ! En puissance, en émotion, aigu et cristallin ou médium et crunchy, le timbre exceptionnel de ce musicien d'exception les renvoie tous jouer aux billes (ou aux osselets) avec leurs crottes de nez ! Autant son nom de guerre avait un côté désuet et un poil vantard il y a vingt ans, lorsqu'il sortait le nez de la poudre, autant il prend aujourd'hui tout son sens. « La Voix du Rock », voilà ce que Glenn Hughes ambitionne de rester pour les mélomanes du monde entier. Ma foi, il se pourrait qu'avec des compos et des concerts de ce niveau, il y parvienne. Malgré une carrière solo pas si confidentielle et régulièrement saluée par la critique, Mr. Hughes reforme un groupe de rock et repart en tournée. Le démon de midi (et demi) ? Ouais, la quête de l'éternelle jeunesse, le refus de vieillir… Peut-être. Certainement même. Mais aussi l'amour d'une musique organique et un besoin irrépressible de la donner à voir et à entendre. Glenn Hughes fait partie de ces « bêtes de scène » qui feront probablement ça toute leur vie, parce que c'est leur vie (pour le meilleur et pour le pire). D'ailleurs, Glenn n'est pas sur scène (pas plus qu'il n'y monte), il existe sur scène, nuance (merci Jean-Paul). Techniquement, il est (comme d'hab') impérial, avec un jeu de basse aussi fin que puissant (qu'il caresse The Great Divide ou martèle Black Country ). Il assure d'ailleurs les riffs rythmiques durant les soli de Joe. Vocalement il est aussi juste que performant et, cadré au sein d'un groupe, il évite la surenchère, jouant collectif plus souvent qu'à son tour en partageant le micro avec Bonamassa.

Ces cadors sont attendus au tournant car, la difficulté d'être d'un super groupe, c'est justement d'être super… Comprendre à la hauteur du pedigree affiché. Affaire compliquée, dans le cas de Black Country Communion, par l'enjeu de se montrer digne d'un coup d'essai remarquable (sanctionné d'un triomphe commercial outre-Manche) et d'un second album crânement hissé un cran au-dessus. En renfilant leurs bleus de chauffe, les sidérurgistes texano-britannico-californiens on en effet livré cette année, en onze titres dégoulinants de puissance et de feeling, précisément ce qu'on pouvait imaginer de plus juste en matière de hard bluesy. Les deux albums de BCC m'apparaissent ainsi comme la suite logique des grands disques de hard rock britannique des années 70. Point de modernité sonore ou dans le style des compositions : on se balade dans un jardin anglais planté par Cream, les Faces, Led Zep, Purple. Bénéficiant d'une production actuelle et misant sur l'énergie qui se dégage des jam sessions caractéristiques des formations de cette décennie bénie, la musique prend possession des tripes de l'auditeur dès les premières mesures incantatoires d'un Black Country au refrain évoquant un retour aux sources («I am a messenger, This is my prophecy, I'm goin' back to the Black Country») jusqu'aux notes poignantes d'un Cold qui en dit long sur le blues (le spleen ?) qui habite Glenn.

Et effectivement, sur scène, ça fonctionne ! Tellement bien qu'ils se passent de première partie, déboulent annoncés par (on ne se mouche pas du coude) la Chevauchée des Walkyries et rentrent directement dans le lard pour presque deux heures de leçon de rock. Pas plus de deux heures non plus parce qu'après le rappel, papy doit aller prendre ses gouttes… C'est la dure réalité : à se trémousser ainsi et à prendre des poses « basse au vent », on ne tient pas au top indéfiniment quand on ne prend plus que du thé… Musicalement, ce qui domine, c'est une impression de maîtrise technique tranquille qui laisse toute latitude aux musiciens pour délivrer leur message émotionnel. Ne cherchez pas la faute de goût ni le canard impromptu, ici le chasseur de pain en est pour ses frais : que dalle, nada, peau d'zob. A peine quelques petits décrochages sur les notes les plus hautes lorsque Glenn s'emporte mais vraiment, sur la durée d'un concert, c'est peanuts  ! En leader démocratique, lui qui a pourtant œuvré dans des contextes soniquement autrement débridés, ne cède que rarement (et probablement pour le clin d'œil aux fans historiques) aux sirènes stridentes du heavy et jamais à la tentation de l'esbroufe. Il se contente de jouer et déjà, ce doit être une sacrée gageure que d'exister à ses côtés !

C'est là que se tient pourtant, l'air de rien, le sudiste (il n'a donc pas besoin de faire sa place au soleil) Joe Bonamassa qui, pour briller, enfile les chorus comme d'autres les perles et n'a de cesse de nous rappeler que toute la musique qu'il aime, elle vient de là, elle vient du Mississippi. Ce type est une fine lame, c'est entendu, probablement un virtuose mais le plus important, c'est l'énergie, la chaleur et la sensibilité qui se dégagent de son jeu. En matière de blues engraissé à l'électricité, le garçon gars est le digne héritier des Clapton, Beck, Page et autre Stevie Ray Vaughan. Au sein de BCC, il met son jeune talent au service du hard rock et gageons qu'il s'imposera bientôt comme une référence en ce domaine aussi. Sous des dehors proprets (son look premier de la classe aurait bien fait marrer Coluche), il recycle en effet des tonnes de riffs blackmoriens et pagesques et distille juste ce qu'il faut de notes bleues pour garantir la mélodicité de l'ensemble.

Lorsqu'un groupe est composé de pointures du rock et qu'en plus, ils sont là pour se faire plaisir, c'est sur, ça envoie. L'énergie dégagée par le groupe, palpable dès les premiers accords de Black Country , ne diminue jamais, entretenue par un maître de cérémonie qui semble à la fois jouer sa carrière à chaque note et ne vivre que pour ça. En effet, Glenn Hughes « mange » la scène dès qu'il y pose un orteil. Pourtant, l'expérience venue, il mène sa troupe avec classe sans trop en faire, laissant toujours assez d'espace sonore et visuel à Joe Bonamassa afin que ce dernier nous délivre ses soli de guitare ahurissants. Aux côtés de ces deux géants, les autres musiciens paraissent (forcément) plus ternes. Solide, Jason Bonham, frappant sec et lourd, martèle pourtant plus qu'efficacement (ah ! les gènes). J'ai particulièrement apprécié qu'il étoffe certains morceaux de breaks bienvenus ( I Can See Your Spirit , Sista Jane ) plutôt que de devoir me farcir le sempiternel et toujours chiant solo de batterie (en plus, j'avais pas envie de faire pipi…) Derek Sherinian, quant à lui, est présenté timidement, presque honteusement (les spots ne le trouvent jamais) et son orgue Hammond peine souvent à se faire entendre (comme dans le mix du premier album). Il assure le remplissage : c'est carré, très pro. Les amateurs de claviers en seront pour leurs frais tant l'ex-progueux n'occupe pas l'espace sonore comme Jon Lord l'investissait au sein de Deep Purple ou Whitesnake.

On l'a dit, les compositions de BCC ont été pensées pour la scène et elles s'y révèlent particulièrement efficaces. Proposant des ambiances assez variées, elles présentent des sonorités finalement assez « ramassées » autour de grands classiques des 70's (des effets de gratte au B3 en passant par les arrangements « kashmiresques » et le jeu de basse groovy hyper solide (et largement sous-estimé tant on s'attache à sa voix) de Hughes. Cette voix qui fait des merveilles (depuis son côté soul jusqu'à son aspect le plus éraillée sur The Great Divide ) et les compositions, même si elles paraissent très classiques de prime abord, révèlent quelques surprises, tel le final impromptu de Song Of Yesterday . Les références sont évidentes : comment ne pas penser au Jimmy Page acoustique sur Hadrian's Wall , au phrasé de Plant sur le refrain de Man In The Middle , à Led Zep tout simplement sur Save Me , aux Who (citation) sur Sista Jane et aux Faces ? Pour autant, BCC propose son mélange personnel de soul ( The Great Divide, Cold), de blues-rock ( John Henry , titre solo de Bonamassa) voire de boogie ( Sista Jane, I Can See Your Spirit ), d'efficacité mélodique ( One Last Soul , The Outsider ), de rythmique dévastatrice ( Black Country, Man In The Middle) et de moments proches du rock progressif ( Song Of Yesterday ). Résultant du travail d'enregistrement à l'ancienne (quasi live) des albums de BCC, on peut regretter que certains passages n'aient pas été plus travaillés (des breaks plus recherchés et surprenants par exemple, des ambiances au clavier moins communes aussi). Ceci écrit, en concert, ça déboîte sévère ! Et puis le Black Country, c'est la mine, pas la salle de bal. Ici, c'est du charbon qu'on met dans la Micheline, on ne pète pas dans la soie !

Les grands moments. Black Country , manifeste rock hymnesque et éternel que le grand Glenn n'envoie pas dire ! Song Of Yesterday et le solo exceptionnel de Joe (l'ambiance s'y prête tant qu'on se prend à rêver que c'est Coverdale qui donne la réplique à Hughes). Cold (put*** de compo de Hughes). The Great Divide avec un solo tout en toucher de Joe et une grosse patate vocale pour Glenn. Sista Jane et son final en pseudo impro autour de Get Back des Beatles et de Won't Get Fooled Again des Who durant lequel les musiciens s'amusent visiblement.

En résumé une présence (physique, instrumentale et vocale) incroyable de Glenn Hugues (mais dommage qu'il ne dialogue pas plus avec le public), Bonamassa impressionnant de technique et de feeling mais dont le charisme gastéropode le relègue forcément en retrait de son aîné, Bonham et surtout Sherinian un peu éclipsés mais au total une dream team pour un pur moment de hard rock à l'ancienne. Que du bonheur !

Bouteil Bout

   
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