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BLACKMORE'S NIGHT

  L'Olympia, Paris 08/07/15



 



Le fan (ce qui est mon cas) né dans les années 80 (ce qui l'est aussi) doit s'y résoudre : s'il veut voir l'Homme en Noir en chair et en os, il ne reste plus que Blackmore's Night sur quoi se rabattre, aussi peu électrique que soit la formation depuis… 20 ans maintenant ! Enfin presque, ne chipotez pas… Le fait est que son duo familial l'a accaparé plus que Deep Purple ou Rainbow, maintenant. De plus, le fan français (toujours moi) doit également prendre son mal en patience puisqu'au cours de cette carrière maintenant longue, Ritchie n'aura traversé la manche que… une seule fois, oui. Certes, il nous a gratifiés d'un « Paris Moon » enregistré à cette occasion, mais cela fait bientôt 10 ans, le sombre seigneur préférant avant tout les tournées de châteaux teutons…

Notre décision était prise, donc… Mais Ritchie vint en rajouter une couche en livrant, à peine posé le pied à Paris, ce scoop interstellaire : un projet est en boîte pour juin (enfin au jour d'aujourd'hui… on connaît ses revirements d'humeur) pour une poignée de shows dédiés à son répertoire Purple/Rainbow ! Il serait même déjà question d'une date en France en festival… Un « tiens » valant encore mieux que deux « tu l'auras », nous poussons la porte de l'Olympia où nous sommes certains de le trouver ce soir, au moins (et encore)…

Pour un fan du briseur de Strats avec « DP » tatoué sur les biceps, un premier concert de Blackmore's Night est vraiment déroutant. Le public est avant tout constitué de fans du duo, dont bon nombre viennent costumés, comme il est de coutume lors de leurs shows en château. L'ambiance est familiale, bon enfant… à mille lieues du concert de Rock. Mais ce n'en est pas un, je l'oubliais. La première partie est assurée par une formation traditionnelle emmenée par Thomas Roth, joueur de vielle ayant déjà officié pour Blackmore's Night (à la cornemuse sur Under A Violet Moon). La scène est déjà tapissée de l'impressionnante collection d'instruments Renaissance de Ritchie. De part et d'autre, les deux chevaliers en carton de A Knight In York. Au fond, un décors en plusieurs plans de village façon scène d'opéra. Faux arbres, tonneaux, lierre couvrant les amplis… finies les tours de Marshall.

A peine la silhouette de Ritchie se devinant dans l'obscurité, ce semblant de public de kermesse de fin d'année s'emballe : on est quand même parmi les fans du monsieur. Le groupe entier débarque lui aussi déguisé façon Johan et Pirlouit, mais ça on s'y attendait. Aux claviers, « Bard David of Larchmont » (oui, si vous n'aviez jamais cherché à les connaître… désolé, ils ne se présentent que sous leurs pseudonymes de bandes-dessinées), membre depuis Ghost Of A Rose… une bonne douzaine d'années. A la basse, « Earl Grey of Chimay », musicien à la sensibilité plus dynamique, agréablement présent depuis Autumn Sky. Aux percussions, violon et chœurs, respectivement, trois nouveaux membres incorporés en 2012 (je vous passe les surnoms – oui vous l'avez deviné je ne goûte que moyennement les jeux de rôle du père Ritchie). Le show s'ouvre par « Cartouche », choix inattendu. Candice est égale à elle-même dans le jeu d'acteur, quant à Ritchie… on ne se refait pas, terré au fond de la scène, il ne la quittera pas, malgré les nombreuses injonctions de Candice, la chose semblant avoir tourné à la private joke entre eux.

Mais cantonnons-nous à la musique, s'il-vous-plaît : le groupe poursuit immédiatement par « All Our Yesterdays », un avant-goût de leur album à venir, dont nous vous reparlerons sous peu. Le public (adhérant apparemment totalement au concept, décidément), reprend déjà ce refrain qu'il ne connait pourtant pas. Les nouvelles compositions du groupe sont de plus en plus taillées pour la scène. « Darkness » vient tenter de promouvoir leur répertoire récent, de moins en moins intéressant sur disque, mais force est de reconnaître que sur scène… eh bien cela prend une autre dimension. Les chœurs, les nappes de cordes… Ces derniers albums ont dû être écrits dans l'optique de la scène et pas une autre. Blackmore's Night est un concept effectivement, qu'il faut accepter pour entrer dans l'esprit.

La partie instrumentale de « Queen For A Day » (un morceau de Ghost Of A Rose) est une occasion de nous concentrer sur Ritchie : il est peut-être de moins en moins Rock mais instrumentalement il n'y a pas à dire, quelle précision, quelle netteté, quel doigté… plus bonifié qu'un bon vin. « Under A Violet Moon », enfin, permet de me raccorder à la seule période du groupe à laquelle j'adhérais réellement. Du moins, musicalement, car scéniquement j'ai l'impression de voir Chantal Goya. Bon, vocalement, OK Candice se défend, on commence, certes, à percevoir un petit timbre daté dans sa voix (Madame a quand même la quarantaine, le temps passe, mine de rien) mais cela reste charmant. Mais l'attitude « fête au village » couplée aux incessantes blagues me font plus me sentir à une Oktoberfest que sur la scène de monsieur Coquatrix.

Mais j'arrête de me plaindre, promis. Enfin je dis ça mais Candice se lance dans ce que je tolère le moins de sa part : une cover de Purple. Au moins, elle n'interprète plus Child In Time (et encore, elle en tronquait une bride en medley) mais Soldier Of Fortune. Soit Ritchie veut définitivement oublier Gillan, soit il se rend compte que le répertoire de Coverdale colle bien à Candice, ce qui est étonnamment le cas en fait. Le facétieux guitariste nous chauffe avec un semi-riff de Woman From Tokyo (allumeur !) avant de se lancer dans une belle improvisation acoustique qui, Blackmore's Night ou pas, nous écrase sous le poids de son talent. Tout ceci s'enchaîne sur « Dur Den Wald Zum Bach Haus », instrumental de Under A Violet Moon, inspiré par sa visite de la demeure de Bach, qui met « Scarlet Fiddler », la violoniste, à l'honneur, de façon méritée, et qui nous gratifiera, à l'occasion, de quelques notes de Marseillaise… on caresse le public dans le sens du poil, chez Backmore's Night, on ne lui envoie pas de manches cassés de Strat à la figure, ce n'étaient qu'erreurs de jeunesse que tout ça !

« World Of Stone » débute et j'ai la désagréable impression de me prendre au jeu : Blackmore's Night est un vrai groupe de musique « vivante », tout ceci vibre, tout ceci est organique, et l'absence d'électricité (enfin de distorsion) est tellement agréable sur scène. Selon Candice, ce titre est une adaptation d'un air allemand que Thomas Roth aurait fait découvrir à Ritchie. Puis suit une surprise, un air gallois absent de leur discographie : « Alann Yn I Fann ». Nouvelle incursion dans leur discographie la plus récente avec « Peasant's Promise », couvert par le public battant des mains la mesure, au détriment de la partie lente… Certains doivent plus être là pour le « trip » que pour Blackmore.

Les claviers et la batterie se partagent ensuite un solo (très rythmique pour le batteur, ce qui change des habituels branlettes de, euh… baguettes), avant que « Somewhere Over The Sea » ne vienne tenter de défendre le dernier-né, Dancer & The Moon, heureusement dans sa version acoustique (l'album proposant une version électro représentative de la disparition du concept initial du duo à la faveur de l'apparition des velléités compositrices de Miss Night). Ritchie a ressorti la Stratocaster et refait son allumeuse : à genoux, il lui file trois claques avant de se relever comme si de rien n'était… Il la garde pour « Lorelei », apparemment une favorite du public (et nouvelle incursion dans Ghost Of A Rose particulièrement à l'honneur ce soir), qui finit pourtant en solo pour la violoniste, qui nous glisse ici « La Vie En Rose »… puis finit sur un long bout de Vivaldi. Une étrange impression de fin de show se répand parmi nous, mais nous aurons pourtant droit à quelque chose comme 2h et demi… Plus de 4 demi-heures, à défaut des 4 saisons, 4 visages de Ritchie et 4 décennies d'évolution musicale, de l'apprenti chef d'orchestre au massacreur d'amplis, puis du Croisé électrique au troubadour du dimanche. Reste cette virtuosité exceptionnelle que Blackmore's Night m'a offert (il fallait au moins ça) d'apprécier en acoustique.

« Toast To Tomorrow » vient nous surprendre en relançant le show, ainsi qu'en nous resservant du Secret's Voyage, album pourtant quelconque. Le concert tourne à la sarabande, le pianiste nous chantant « Moskva » avant de se jeter sur le bassiste dont nous apercevons enfin la face de gueux jusqu'alors cachée sous la calotte de Jacouille-la-fripouille. « Ghost Of A Rose », sans doute dernier bon titre du groupe, relance franchement la dynamique, avec un final particulièrement appuyé et une Candice habillant particulièrement les parties lentes… elle est au final peut-être meilleure dessus que sur les « refrains à chanter », me dis-je. « Wind In The Willows » entame un bienvenu retour aux temps plus classiques du groupe, enchaîné avec « Back Home Again » « Fires At Midnight » et « Mid Winter's Night ». En revanche, l'atmosphère tourne vraiment à la fête foraine. « Home Again » est entrecoupé de blagues, de déconnades instrumentales (un bout de Hall Of The Mountain King), de l'ouverture d'une bouteille de vin (que l'on suppose français) et surtout de la visite des deux gosses du couple… mouais.

« Fires At Midnight », compo solide, celle-ci, présente en revanche un nouveau cadeau de Ritchie, dont toute partie instrumentale est pour moi une poignée de bonheur tant ses doigts envoient des étincelles à chaque fois qu'il touche une corde, Deep Purple ou pas : un vrai voyage en chutes d'eau, brises d'été et arabesques. Ce coup-ci la fin est bien là, et ce sera sur une reprise inattendue de « Whiter Shade Of Pale » qu'ils concluront la soirée, sur une note qu'ils voulaient sans doute romantique et que, avouons-le, ils ont sans doute atteinte, même le plus intégriste des fans de Rainbow ou Purple ne pouvant s'empêcher d'esquisser au moins un sourire devant la légèreté et la naïveté de cette musique, la douceur de Candice et le jeu ouaté de Ritchie sur ce dernier titre de l'époque où lui-même était en âge de danser avec la même naïveté dans les bras de ses premières conquêtes. Nous étions en 1967, la première version de Deep Purple n'allait pas tarder à se former. Un demi-siècle a presque passé, Ritchie est toujours là. Cela force à relativiser… après tout, un tel monstre peut bien se permettre de jouer ce qui lui chante aujourd'hui.

THE OUTCAST

 
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