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ERIC JOHNSON New Morning , Paris 23/04/2013

Nous étions fin avril et Eric Johnson, sur scène depuis deux mois, passait en France peu après la sortie de « Up Close – Another Look », en plein milieu de sa tournée. Cet album avait de quoi déconcerter, on peut le dire, n'étant en fait qu'une relecture de « Up Close », sorti 3 ans plus tôt. Nous étions donc en avril, déconcertés, sur l'avant-dernière date de la dite tournée, et au New Morning, pire salle de la capitale. En première partie ? Je n'en ai pas la moindre idée, pour cause d'interview de Jim Kirkpatrick (oh oui les ultrarockiens sont des warriors), ni même de s'il y en avait. Passons donc de suite à l'entrée du maître de soirée…

Cette entrée se fait en toute simplicité, devant un public aux allures bien peu Rock... Eric apparaît, avec sa dégaine de Gatsby le magnifique, Strat' au manche en érable à la main, aux côtés de Chris Maresh et Wayne Salzmann, respectivement bassiste (depuis 8 ans) et batteur, aux mêmes looks d'éternels jeunots, voire d'étudiants à l'allure intello, et le show débute par un jam. On débouche bientôt sur « Battle we have won », extrait de « Venus Isle », disque le plus mis en avant avec son prédécesseur de 1990, au détriment de quasiment tout le reste comme nous allons le voir. D'emblée, la faiblesse du chant d'Eric marque, plat et trop sage… malheureusement, la musique me laisse aussi en manque d'émotion. Il faut dire que le répertoire d'Eric n'est pas ce qui me renverse le plus. Une bonne heure plus loin dans le show, « Manhattan », extrait du même album, me marquera plus, ainsi que le reste du public sans doute à en juger par sa réception. Composition plus sèche, elle est un terrain plus propice à un Eric ne commençant à se lâcher qu'à ce moment seulement, tel un enfant trop éduqué échappant enfin à l'attention de ses parents… Un brin d'animation souffle alors dans son jeu jusqu'ici trop appliqué et « When the sun meets the sky », dernier extrait de ce disque et ultime titre avant les rappels, arrachera enfin in extremis mon approbation totale, alliant son écriture extrêmement lumineuse (là rien à dire) à une interprétation vraiment habitée, me ravissant autant que le groupe la fait durer…

L'autre star de la soirée, donc, c'est l'album « Ah Via Musicom » de 6 ans plus jeune, nous offrant d'abord, lui aussi, un premier extrait assez plat, « 40 miles town », composition peu passionnante (dont le public semble pourtant satisfait), et gratifiée d'une exécution tenant bien trop de l'exercice à mes oreilles. Les deux autres extraits arriveront eux aussi en fin de show : d'abord « Desert rose », bénéficiant du rythme et du nerf enfin apparus à ce stade de la soirée, juste desservis par le chant malheureusement aussi peu endurant que dynamique. Puis, évidement, offert en rappel, « Cliffs of dover », lui aussi sublimé par la vibe que la fatigue semble libérer d'Eric… Mais alors, le reste du show ? D'abord, deux extraits syndicaux de « Up Close » : « Austin » et « Fatdaddy », respectivement plutôt en début et fin de show, pour un équilibre global assez bien pensé, au final. Si la première – hommage à sa ville natale – n'est pas non plus une grande composition, et bénéficie surtout de la présence de Chris, la seconde est bien plus efficace.

A part « Up Close », donc, des surprises, dont pas mal de bonnes : d'abord une belle reprise de « Mr PC » de John Coltrane, trait de génie balayant l'écriture d'Eric d'un revers de Sax. Eric se nourrit néanmoins extrêmement habilement de cette compo pour en animer son jeu, virevoltant sur le solo, dialoguant avec son bassiste (bien que de manière là encore convenue) tout à fait dedans, lui, avant de laisser place à un solo de Salzmann, assez fin il est vrai… Les autres surprises, ce sont encore des reprises, dans un sens, mais d'Alien Love Child, le projet d'Eric des 90s (avec Maresh d'ailleurs) : « Zenland » et « Last house on the block » sont deux morceaux là encore inégaux et dispatchés dans les deux moitiés du show. Le premier, bien que Rock à la base et bénéficiant d'une écriture assez riche, pâtit de cette platitude de début de show bien appliqué et sans élan. Le second, en revanche, restera l'un de mes meilleurs souvenirs avec ce « When the sun meets the sky » déjà salué : Eric sort sa SG pour un « Blues », comme il le décrit, « manière polie de signifier que je vais vous déballer tous mes licks de Clapton et Cream »… Et, en effet, le morceau tient bien de « Spoonful » ou autre Blues lourd, mais alors traversé par un break vraiment habité de cet esprit qui manquait tant au reste du show… La basse s'épaissit, la batterie chauffe, et l'on sent enfin poindre la sueur sur leurs fronts. Même le chant d'Eric, usé par l'effort, y gagne un timbre plus naturel… un beau moment.

Enfin, pour compléter le panel, le show est entrecoupé d'un set acoustique qui voit débarquer Tommy Taylor sur la fin, ancien batteur d'Eric incidemment présent sur Paris, accompagné d'un certain Thomas aux tablas, pour une compo personnellement inconnue nommée « Once upon a time in texas » (c'est Tommy aussi qu'on retrouvera sur « Manhattan » et « Desert rose »). Cette pièce succède à « Song for life » (qu'on retrouvait sur son Live de '84), où Eric ne gagne pas tant à passer en acoustique (j'y apprécie plus Chris), et « Divanae » (autre morceau personnellement inconnu), qui vibre d'un certain esprit, et qui colle mieux à la voix fluette de Eric.

Au bout de ces presque deux heures de show, Eric se lance dans une distribution de médiators en règle, tout sauf spontanée, comme pour encore mieux marquer ce qui me manque le plus après cette bonne quinzaine de morceaux : un peu plus de laisser-aller, un peu plus d'élan, de dynamique spontanée et d'abandon de soi. Cette impression de « self-control », dirais-je, m'aura perturbé tout du long et m'aura empêché de goûter pleinement les quelques moments de grâce musicale que j'ai soulignés. Il émane de plus d'Eric – pour autant que la configuration proprement catastrophique de cette salle indigne m'en laissât juger – une impression de satisfaction de soi lui conférant une froideur appuyant encore plus mon impression. Un peu de chaleur humaine en plus et un peu moins d'application auraient été les ingrédients parfaits de cette soirée riche à tous autres points de vue.

The Outcast


 



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