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KORPIKLAANI
Le Divan Du Monde, Paris
le 06/02/13


 

K O R P I K L A A N I Le Divan Du Monde, Paris 06/02/2013

En cette soirée du 6 février, 2013 (2263 du calendrier runique), les abords du Divan du Monde sont assiégés bien avant l'heure de son ouverture, d'ailleurs peu ponctuelle… La raison de cette affluence est probablement une affiche fort bien pensée offerte aux Pagans de Paris et ses environs : Metsatöll en première partie de Korpiklaani, autrement dit deux groupes extrêmement solides de Folk nordiques, authentiques et forts. Présentons donc les premiers, qui, s'ils constituent une superbe première partie, ne doivent guère être familiers des moins folkeux d'entre nous : quartet estonien, il a déjà une belle carrière de près de 15 ans et 5 albums derrière lui, et une réputation solide de groupe « qui a la foi », réputation tout sauf imméritée je vous assure...

Le choix de leur langue natale, comme Korpiklaani, renforce une authenticité déjà poussée à son extrême par des textes entièrement dédiés à la mythologie pré-chrétienne de leur pays et une incursion dans la musique folk sublimée par le travail de Lauri Ounapuu, jonglant sur scène comme sur album entre cornemuses, flutes, cithares, certaines électrisées, certaines de sa propre conception. Le chant, plutôt agressif, est dévolu au guitariste Markus Teeäär qui, avec le bassiste Raivo Piirsalu au jeu extrêmement claquant, créent une pâte sonore suffisamment massive pour rendre le format de quartet amplement suffisant. La batterie est très orientée technique, conférant au groupe un esprit musical très concentré les distinguant définitivement de la tête d'affiche.

Déjà, visuellement, les looks sont moins rigolards… Musicalement, cette musique extrêmement rythmique est plus volontiers complexe, technique, Heavy et martiale. Les compositions sont concises (parfois trop), les rythmiques puissantes mais rarement simples, et le tout plutôt dépouillé. Sur les 13 morceaux auxquels nous auront doit, peu trancheront (« Rabakannel » peut-être, avec son rythme exceptionnellement lent). Le grain en plus, ce sera Lauri, enrichissant absolument chaque titre de son instrumentation, d'ailleurs pas forcément mise à l'honneur par l'acoustique (la cornemuse, non amplifiée, ne devait pas être appréciée aussi bien aux premiers et derniers rangs). Qui plus est, pourvu d'un timbre de baryton, les quelques morceaux dont les vocaux lui sont dévolus enrichissent assez le set, et surtout ce « Mv 2 » absolument magique, pièce essentiellement vocale entonnée avec Markus… Ce dernier, s'il montre quelques signes de faiblesse à la rythmique sur la fin, constitue un pilier extrêmement solide pour la formation.

Et ils nous gratifieront d'une bonne heure de set avant de partir (sur un « Viva las France » assez douteux), rembarquant eux-mêmes leur matériel, ce que je n'ai plus vu depuis longtemps… et après s'être fait acclamer de façon inhabituellement chaleureuse pour une première partie. Enfin, inhabituelle pour un concert non Pagan, car pour un non initié comme votre serviteur, la fosse était une vraie deuxième scène. D'une homogénéité remarquable pour un public Metal, elle est occupée par une foule de Vikings en kilts et peaux, corne à boire à la ceinture et dans une authentique ambiance de taverne, qui se transforme sans prévenir, dès la 1 e note attaquée, en maelström, en pogo immédiat, en groupe de danseurs improvisés se tenant par les épaules pour mieux immanquablement s'écrouler par colonnes entières, en Mosh pits d'un diamètre avoisinant 99% de la salle, en slams continus au bout d'un morceau, à plusieurs après quelques morceaux supplémentaires, petits gabarits comme grands, filles comme mecs, les stage-divers se disputant aux slammeurs un espace de plus en plus restreint au dessus de nos têtes, chaque slammeur s'écroulant – généralement avec fracas – cédant sur l'instant sa place à deux autres s'élançant tels autant de têtes à une hydre de Lerne… Markus se sent même obligé de calmer le jeu au bout de quelques morceaux. Et pour un non baptisé tel moi, le concert est plus réaliste qu'un documentaire scientifique sur les Vikings. Les vêtements saturés d'eau à 90% s'envolent bientôt, d'ailleurs suivis de quelques lancers de chaussures, pour une vraie mise en image ethnologique du moyen-âge du meilleur effet sur le travail musicologique de Lauri et ses compères. Lorsque, au bout de leur set, le pit, déjà enveloppé d'une épaisse vapeur de sueur, se met à tourner, bras tendus et cris de concert, le terme « Pagan Metal » prend tout son sens devant ce qu'il n'est pas difficile d'imaginer comme une fête rituelle païenne.

Le retour à la réalité lorsque Metsatöll nous quitte est tranchant. Quantité de nos folkeux ont déjà perdu portables, clefs et autres pass navigos, mais rien ne calme les danseurs de gigue continuant à faire voler les verres de houblon comme si de rien n'était, me laissant avec une interrogation : Korpiklaani sera-t-il capable d'extraire encore plus de substance vitale de cette tribu déjà éprouvée sur le champ de bataille ? Il n'allait guère falloir plus que l'intro de « Tuonelan tuvilla » pour me fixer : la fosse est désormais composée de deux couches, dont une couche supérieure complète de slammeurs. « Metsämies » n'est même pas attaqué que le public entonne déjà le refrain (dès l'intro, oui), Jonne, prennant régulièrement le temps de nous contempler, étant autant spectateur que nous. Il finira, plié de rire, par tendre le micro à, euh… un cochon qu'on égorge, à l'oreille, mais ça devait être un spectateur. Les quelques hardis photographes, d'ailleurs, shootent autant des deux côtés de la scène… Il y a en fait deux salles, à savoir la fosse, unie contre son gré dans une même irrésistible dynamique d'effondrement auto-dépendant permanent, et les balcons, formant un monde à part... Et encore, un viking meurt en homme libre, comme devait se dire ce fan décidant de transgresser cette « frontière » en se jetant du balcon dans la fosse. Je voulais être baptisé, je ne suis pas déçu.

Et encore, laissez à la horde un « Husky-sledge » suivi d'un « Vaarinpolkka » instrumental et la voilà plus prête que jamais, après cette pause toute relative, à relancer rondes dans la fosse et slams par-dessus, dans une clameur sans cesse croissante, la cervoise aidant. Inutile, à ce propos, de vous décrire les cris que leur arrache l'annonce de « Vodka » puis « Happy little boozer », provoquant autant de cris primaux que d'embrassades fraternelles dans la foule (terme définitivement plus approprié que « public »). L'attente des rappels suite à ces deux titres sera noyée sous une nuée de « korpi ! » assénés sans un souffle de faiblesse (qu'ils vont puiser on ne sait où, après déjà une heure et quart), pour s'achever avec un « Pellonpekko » final au grand plaisir, je n'en doute pas, de ces spectateurs brandissant une pancarte au nom du titre depuis le début du show… show se poursuivant bien après le dernier des 6 finlandais ayant quitté la scène, puisque notre « foule » refusera obstinément de faire cesser la danse…

Korpiklaani aura tenu dans cette marée une heure et demie, pour un show d'une vingtaine de titres. Montés sur scène après une attente très efficacement réduite à un quart d'heure, à peine le temps de nous envoyer 4-5 ZZ Top, et Matti venant checker lui-même sa batterie, décorée de cornes, le groupe propose un set axé en grande partie sur « Manala », évidement, le reste étant réparti assez également entre toutes les époques (seul « Tervaskanto » sera passé sous silence), même enrichi de leur reprise de « Juodaan Viinaa » (face B de « Vodka »). Le volume, s'il est raisonnable, ne fait guère justice à Jonne, au détriment du violoniste Tuomas Rounakari, faisant donc ses premières armes sur scène, avec un peu de mal à première vue, ses look et attitude tranchant encore avec ceux de la bande de tarés qu'il accompagne… seule l'instrumentale « Vaarinpolkka » le poussera à se lâcher. Jonne, lui, a un vrai jeu de scène, et transpire de satisfaction de fouler ces planches tout du long, avec Kalle, assez intenable… Niveau musical en revanche on est moins en place que sur disque ! Petite déception pour moi.

Jonne semble particulièrement apprécier « Kipumylly », que sa prestation amplifie substantiellement. Les titres de « Manala », si je les ai loués sur album, à l'instar de ce « Sumussa hämärän aamun » bien solide, auraient paradoxalement une tendance à briser l'esprit festif des shows du groupe. De plus, ces titres ne sont pas encore rôdés, affaiblissant un peu plus cette prestation que je jugeais déjà lâche. Les titres s'en tirant le mieux au final sont les plus « gros », les « Beer beer », les « Vodka », les « Happy little boozer », même meilleure que sur album (où la batterie en avance m'horripile toujours) après tant d'années de rodage… Concernant ce nouvel album, mention spéciale à « Ievan polkka », sacrément efficace en Live, et « Rauta », sans doute un des meilleurs titres de l'album malgré son aspect simplet aux premières écoutes du disque…

Quelque peu déçu de la solidité du groupe, je ressors tout de même avec une opinion revue à la hausse de « Manala », et surtout une banane jusqu'aux oreilles, compensant les vertèbres que je laisse sur place. Ravi de la première partie, ravi d'avoir enfin pu voir Korpi, mais avant tout ravi de ce public que je découvre, repoussant les limites de la folie Metal au-delà de ce que mes idées, décidément trop restrictives, avaient jugé probable. « Little men from underground, who have never seen the sun, but they really know how to party ! They rise their wooden pints, and they yoik and sing, and they fight and dance till the morning».

The Outcast



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