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N E A L   MO R S E Le Trabendo 04/03/2013

C'est pas la quantité, comme on dit, mais la qualité… Un public de Neal Morse, c'est ça : pas forcément nombreux jusqu'à remplir le Trabendo, mais fidèle au point de remplir ses abords jusqu'aux passerelles du Parc de la Villette bien avant l'heure d'ouverture ! A défaut d'être agréable à faire comme queue, ça fait plaisir à voir. Surtout qu'en nous proposant les Flower Kings comme première partie, on a là une fort belle affiche, avec une occasion de découvrir de visu un sympathique groupe qui, s'il m'a déjà tapé dans l'oreille sur album, ne m'a pas encore laissé l'occasion de me pencher plus que ça dessus. Avec leur Prog 70s plus Rock que Metal, l'affiche est donc parfaitement équilibrée devant Neal Morse.

Le concert commence tôt, très tôt, ce qui est de bon augure : sa réputation ne ment pas, Neal Morse sera très généreux. Mais place aux Flower Kings, Live from Sweden : visuellement, déjà, c'est un vrai rétro-trip. Je les découvre sur scène, faisons donc les présentations : à ma droite, les claviers sont tenus par Tomas Bodin, alias Ian Paice au sourire de Lennon sous les vraies lunettes de Ozzy. A notre gauche, Jonas Reingold, tout d'abord, bassiste de son état, Cobain de son physique, glissé dans un pantalon psychédélique made in USA probablement acheté via internet. Et puis Felix Lehrmann, la dernière recrue du quintette, allemande, ne vous fiez pas à sa trogne de petite frappe Chicanos. Ni à son air de jouer comme cette même petite frappe : c'est un vrai technicien. Enfin, entre tout ça, le cœur des Flower Kings : Roine Stolt évidement, l'âme du groupe, qui se présente sous les traits d'un Glenn Hughes rescapé des 70s – décennie dont réchappent ses improbables boots aussi. Et son jeu tout autant, qui va nous dévoiler au cours de cette heure et quart plus d'une facette. Enfin, en lieu et place de frontman, on a un Hasse Fröberg alias Roger Daltrey le Mod allumé alias Rory-Gallagher-aux-rouflaquettes-authentiques alias Rich Robison qui a volé la dégaine de son frère Chris… bref, pour faire court, visuellement c'est déjà un hommage.

Musicalement ça commence moins bien : cette équipe hétéroclite se met bien mal en place, donnant dans le froid sans cohésion. Si Roine assure, en pilier du groupe qu'il est, Hasse semble à coté de la plaque… Mais en fait, le groupe a juste besoin d'un temps d'adaptation avant que la machine se lance. La veste (achetée à Carnaby Street celle-là) tombe et Hasse est bientôt dans le pit photo à nous haranguer en plein morceau et à révéler une voix de plus en plus Rock. Sur scène, le groupe gagne en force ce qu'il perd en finesse, surtout sous ce son plus rauque et agressif. On perd en contrepartie cette légèreté, réminiscence de l'école de Canterbury (je pense souvent à Camel ou Caravan en les écoutant sur disque). Ils se donnent du moins les moyens de leurs ambitions scéniques : le set ne s'ouvre par rien de moins que « Numbers », qui ouvrait déjà bien ambitieusement l'album par ses 25 minutes de King Crimson, de Procol Harum, d'harmonies Yes, de breaks à la « Animals » et j'en passe… tout ce que j'aime dans les Flower Kings, quoi. Et ça passe, sur scène, ça passe, ce passage sur roulement de batteries avec basse (à la Uriah Heep, pour ceux qui voient) est même habité d'une vraie vibe… Hasse jouant sur Fender sur ce morceau (uniquement, malheureusement) la palette sonore est bien plus riche à côté de Roine. « Rising the imperial », la face plus moderne, plus Rush du groupe, est également tiré du dernier album, tandis que le reste remontera aux années 2000 avec « The truth will set you free », imposante, parfaitement reproduite sur ses parties les plus fines, « Last minute on earth » beaucoup plus rentre-dedans, et même « In the eyes of the world », des choix plus évidents mais parfaits pour la majorité du public dont la connaissance de leur discographie doit se limiter à la mienne, si l'on en juge par les t-shirts arborés par le public exclusivement dédiés à Neal…

L'ambiance est autre lorsqu'il monte sur scène : Neal a la foi dans tous les sens du terme. Son show sera long, et débordera d'une énergie incroyable, d'un enthousiasme inépuisable et d'une dévotion totale à sa musique. A ses côtés, outre Mike Portnoy, une bonne partie de l'équipe de choc de « Momentum » : Eric Gilette aux guitares et claviers, Bill Hubauer entre claviers, sax et violon, ainsi que le bassiste Randy George. La setlist est très axée sur l'album : Le morceau-titre en ouverture, suivi de « Weathering sky », puis « Thoughts Part V », et même « World without end », rendus à la fois avec une force incroyable, et une vibration vraiment vécue dans les parties les plus fines de ces compos par leur auteur. Neal sue comme un cochon, descend des litres d'eau mais ne s'accorde aucun répit : il défonce ses cordes et/ou touches, lui-même semblant bien défoncé par tant d'abandon à sa musique… L'équipe est sauvage, les compositions folles, mais l'interprétation irréprochable, et mention spéciale aux parties vocales rendues de façon bluffante par toute l'équipe. En Live, il faut le faire. Au milieu de cette débauche d'énergie, un vrai moment magistral, que peu de musiciens sont à même de nous délivrer : un condensé de l'album « ? », de « Temple of the living gods » à « Inside his presence »… de la mélodie, du feeling, de la force, du panache… Neal s'éclate de façon totalement communicative, et la sauce prend : il suffit d'être au milieu du public pour ressentir cette réaction absolument positive, public au beau milieu duquel passera Neal, micro à la main, en pleine interprétation de ce moment d'anthologie musical et vivant. Une vraie apothéose.

Le son n'est pas assez riche et ne rend pas justice au chant. Mais cela ne nous gênera guère longtemps devant ce professionnalisme poussé à l'extrême. La fin du show nous réservera un bien agréable programme : une incursion dans le répertoire de Transatlantic, débutant par « Bridge across forever » de Neal seul en duo avec Roine Stolt remonté sur scène! Dans cette configuration, le guitariste des Flower Kings révèle enfin la face plus fine de son jeu. Puis, à la faveur de « A man can feel » qui s'enchaîne à « All of the above », ce ne sont ni plus ni moins que les deux équipes au grand complet qui finissent par monter sur scène pour obtenir une patte sonore absolument immense. La sauce monte, le volume sonore aussi, les morceaux conviennent mieux aux Flower Kings qui sont malgré tout moins à l'aise dans ce format plus agressif… et moins à l'aise sur scène tout court tant la configuration du Trabendo est peu pratique. Mais ils s'en sortent, les bougres, tant bien que mal… Et lorsqu'ils nous quittent, après deux heures de show dont une bonne demi-heure à deux, on ne sent absolument pas ces heures… Sur scène, la dimension humaine de Neal est totalement prenante, d'autant plus exacerbée par la présence de Portnoy, l'entente entre les deux hommes étant contagieuse… Il faut bien ce potentiel humain à Neal pour rendre son Metal Progressif si basiquement jouissif.

The Outcast

 

 



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