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S A I N T   V I T U S La Maroquinerie, Paris 09/03/2013

Après avoir vu Saint Vitus il y a trois ans au Nouveau Casino, c'est-à-dire deux ans après leur grand retour et un après l'intégration de Henry Vasquez, ça fait un peu mal au cœur de ne les retrouver qu'à la Maroquinerie, pour promouvoir « Lillie : F-65 ». Le disque, que je ne défendais qu'en demi-teinte dans nos pages, a beau ne pas avoir été l'évènement qu'on était en droit d'espérer, Saint Vitus reste ce monstre sacré devant lequel je ressens une déférence au-dessus de tels accidents discographiques. Quoi qu'il en soit, rendez-vous dans cette petite salle, au cœur d'un quartier pas vraiment Metal, au sein duquel notre public – évidement 100% True, lui – constitue une curiosité visuelle… Le dit public n'est guère pressé, nous laissant pénétrer dans une salle toujours clairsemée bien après l'ouverture, la tentation de passer la porte du bar plutôt que celle de la salle, immédiatement en face, n'y étant pas forcément étrangère, avouons-le… Mark Adams ne manquera d'ailleurs pas d'y céder.

La première partie n'est peut-être pas évidente mais bien complémentaire : Mos Generator, groupe de Stoner américain dans le circuit depuis douze ans, auteur de 3 albums ces six dernières années, les défendra tant bien que mal au cours des trois petits quarts d'heure qu'on lui octroie… A la guitare, Tony Reed, sorte de Warren Haynes reconverti chez Red Fang, également vocaliste, au timbre étonnamment clair par rapport au gabarit du bonhomme. Scooter Haslip, bassiste gaucher à l'instrument de droitier et au look Bay Area, ne nous révèlera guère son visage derrière son épaisse chevelure. Quant au batteur Shawn Johnson, il a quelques faux airs de fan perdu des 90s, et a dû, lui aussi, visiter le bar avant de monter sur scène, à en juger aux sons disgracieux dont il gratifiera accidentellement son micro au milieu du show… La plume du groupe, si elle n'est pas d'une finesse renversante, nous offre néanmoins quelques titres défendus avec une classe resplendissante : l'attaque est parfaite, la dynamique brillante et l'épaisseur sonore aussi somptueuse qu'elle peut l'être de la part d'un simple trio. Reed a une palette vocale plus fine que ses airs de bûcheron le laisseraient penser, Johnson sait, lui aussi, offrir quelques parties délicates à l'occasion, où Haslip viendra déposer des lignes bien senties pour créer une ambiance immédiatement saisissante. Leur nouveau-né, « Nomads », date de l'année dernière, et nous est présenté par le très Stoner « Lonely one kenibi », par « This is the gift of nature » qui conclura le show sur une note plus délicate, et par « Step up », mon coup de cœur pour ce groupe : une rythmique plus lente, un beau solo de Reed comme les musiciens du genre prennent rarement le temps d'en pondre, et un Johnson aux baguettes légères, malgré les déjà 4 canettes jonchant le sol sous sa batterie… Vu la tête d'affiche, on pense à du Doom, immanquablement, et si ça n'en est pas, la lourdeur n'est guère contestable… le morceau est passé dans une moulinette parfaitement huilée et en ressort tel un saucisson 100% gras digne de son AOC. Sur « Godhand Iommi », pas besoin de dessin pour vous dire à quoi on pense… Ça m'évoque Jimmy Page s'amusant sur « Lord of this world ». Le disque précédent, « Songs for future gods », est représenté par « Lumbo rock » qui ouvre le show en grande forme, et « Helpless », à la partie instrumentale très développée… c'est ce genre de travail inhabituellement fin pour le genre qui retiendra particulièrement mon attention, ici malheureusement desservi par le son, déjà bien poussé pour une première partie… Enfin, on remontera jusqu'à « The late great planet earth » à travers « On the eve », morceau le plus délicieux de ce show avec son rythme extrêmement pesant et ses batteries très en avant… musicalement et physiquement, Johnson manquant de les renverser à plusieurs reprises.

Et pas de roadies pour l'aider, ici. En revanche, Tony Reed semble compléter les maigres ventes de ses disques par un poste pour Saint Vitus, car c'est bien lui qu'on verra sur scène redresser le kit de Vasquez, victime de la même sauvagerie, ou éponger la bière de Dave au sol… L'alcool, l'alcool… 5 e membre du groupe, il attend déjà Saint Vitus sur scène, sagement aligné en shots devant les Marshals, et le premier geste de Scott sera d'en offrir aux premiers rangs (dont nous sommes, la classe). Lui et Dave laissent apercevoir des décapsuleurs pendant à leur ceinture, et Mark Adams ne lâche sa canette que sous la contrainte (c'est-à-dire lorsqu'il doit jouer, mais alors à la mesure près, pas avant). Sa basse pend bas, très bas sous son tiroir à cervoise, aussi bas que son moral semble être, derrière son visage de dépressif à deux doigts du suicide. Quant à Scott, ses boots croco sont mortes, les genoux de ses jeans sont morts, ses tatouages (un beau BÖC trône sous la gorge) sont élimés par le temps, et le regard qu'il pose sur la scène, une fois affalé sur son pied de micro sous le poids d'une fatalité qu'on ne sent pas encore, est tout aussi mort : oppressant, il semble te dire que l'esprit derrière ces yeux est déjà mort, et que c'est ce que tu t'apprêtes à « vivre » aussi. « Blessed night » retentit et cette vision prend tout son sens. Le son est encore monté depuis Mos Generator mais reste tout aussi mauvais. Peu importe, Dave ne fait pas dans la finesse mais dans l'agression auditive. Une agressivité qui se sentait beaucoup moins lors de la dernière tournée, d'ailleurs… l'état d'esprit semble bien différent. On remonte le temps avec « I bleed black », puis encore plus avec « War is our destiny », et le public sort enfin de sa léthargie dont il ne semblait pas devoir se départir. « Look behind you », le son monte encore, retour au présent avec « Let them fall » et il est de plomb. Et le groupe est en accord : Dave rouge de sueur, Scott vomissant dans son micro, Henry comme animé de haine meurtrière envers son kit. J'ai beau être acquis à la cause du groupe, il me reconquiert immanquablement à chaque fois par cette approche intense. On reste sur « Lillie » avec « The bleeding groud », et l'on sent à la fois le passage de Katrina et la désolation à sa suite. Je louais l'ampleur du son de Mos Generator, simple trio, mais on est déjà au dessus. Scott éructe à m'en défoncer le crâne, et descend les shots qu'il n'a pas encore distribués au public d'un coup aussi sec que ses cordes vocales. Puis nouveau voyage dans le temps : « Patra », qui ralentit viscéralement notre circulation sanguine, puis « The troll », semblant faire descendre le plafond jusqu'à le frôler de nos têtes, déjà secouées de headbangings cherchant à en faire sauter la matière cérébrale. Quand je pense qu'il aura fallu attendre trois ans pour ressentir cette expérience Live…

Les retours à « Lillie » brisent toujours un peu l'élan d'un public, mains sur les épaules des autres, communiant dans un même désespoir existentiel, semblerait-il… « Waste of time » atténuera cette rupture par une nouvelle distribution de bière, est-ce à elle qu'il faut attribuer cette nouvelle impression d'accélération sonore ? Les soli de Dave sont encore plus grinçants, les fûts de Henry plus assourdissants. Nouveau grand bond dans le temps avec « White stallions », qui arrache au public la même réaction que l'extrait précédent de « Hallow's victims », en un peu plus intense vu les verres descendus, verres volant maintenant, au dessus d'un public de plus en plus comprimé. Le titre est aussi court qu'intense, et amène à un « Thirsty and miserable » vraiment barré. Pas un seul extrait de « Born Too Late » ? C'est évidement impossible, et j'aurais été le premier à contribuer à la destruction méthodique de la salle : les rappels sont constitués de l'indispensable « Dying inside », puis du morceau-titre, en guise de dernière poussée sanguine sonore. Dave devient sadique envers sa 6-cordes, l'attaque avec les dents, derrière la tête, en gaucher (non quand même pas, ni sur l'hymne américain), glisse en offrande son médiator dans le décolleté d'une illustre inconnue au premier rang, et finit le morceau à travers tout le public. Scott se pousse encore un peu, afin de ne laisser aucun tympan indemne, et les 4 cavaliers de l'apocalypse pourront quitter la scène (sur un ultime larsen) sans trop de regrets : la magie est toujours présente. On s'en doutait à l'écoute de cet album aux compositions pas forcément brillantes mais à l'exécution réellement inspirée. L'alchimie existe toujours et il se dégage immédiatement, dès la montée sur scène, la même chaleur moite, la même lourdeur de plomb, le même horizon fermé de cette prestation magistrale. On est bien morts plus d'une fois en 1h20.

The Outcast


 



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