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S T E V E   L U K A T H E R Le Bataclan, Paris 28/03/2013

Malgré l'annonce en fanfare de la tournée du 35 e anniversaire de Toto - qui passera bien par chez nous en juin - l'actualité immédiate pour Steve Lukather est bien la sortie de son nouvel album solo « Transition », fraîchement écrit et produit avec CJ Vanston, partenariat qui avait déjà donné « All's Well That Ends Well » il y a 3 ans. Et c'est le Bataclan qui l'accueillera, en cette fin de mars, avec un Band constitué de Steve Weingart, clavier depuis 5 ans, Eric Valentine, aux fûts depuis 2010, et Renee Jones qui apparaît aux côtés de Steve à la basse pour la première fois sur « Transition » si je ne m'abuse…

De la première partie, je ne pourrai vous dire mot pour cause de couac d'organisation ne m'en ayant fait apprécier que les vibrations perçant de l'autre côté des lourdes portes me séparant de la salle… Venons-en tout de suite à Steve, donc : frais, dispo et rayonnant, il déboule sur scène avec une « cool attitude » dont il semble ne jamais devoir se départir. Chemise ouverte (bien que désormais sur un double-menton), il apparaît comme sorti de la décennie précédente par erreur… Très posé, il semble en parfaite phase avec son public et lui tient la jambe entre quasiment chaque titre, les présentant assez personnellement, à commencer par son album, dont le titre fait bien référence au regard philosophique qu'il porte sur son point d'avancement dans la vie, et son apparente satisfaction vis-à-vis de celui-ci : ses 36 ans de route, dont sa dernière tournée pour le All-Starr Band de Ringo l'été dernier – à Hambourg qui plus est. Ce public, il n'est pas aussi nombreux qu'il aurait pu être, et apparemment peu typé : c'est un peu Monsieur tout-le-monde que déplace Steve aujourd'hui, des « Monsieur » assez classiques… en tout cas peu Rock'n'Roll.

L'album, lui, donnera un petit quart de ce show de deux heures, à commencer par ses deux openers qui ouvriront le show de la même manière : « Judgement day », « Creep motel ». Le Live sublime quelque peu ces compositions : personnellement, l'écriture de Steve ne me transcende pas plus que ça ; j'apprécie donc particulièrement ce petit supplément d'attaque dans le solo, cette rugosité plus prononcée du son, ce caractère plus mordant que prennent les titres sur scène, quelque peu plus épais. Steve conserve à la fois ce caractère sage et ce jeu propre, cette sorte de classe dont il ne peut se départir. D'ailleurs, mis ainsi sur le même pied que ses classiques sur scènes, ces titres seraient tout à fait crédibles en compos 90s.

Mais nous n'y venons pas tout de suite, aux 90s : Steve propose ensuite « Brody's » de « All's Well That Ends Well », là aussi un brin plus percussive, plus directe, au solo plus vivant, peut-être un peu moins fin… Eric Valentine est très dur il faut le dire, malgré ce son là encore tout à fait 90s ; il emplit la majeure partie du spectre, en restant toujours fin et précis, bien plus que Renee Jones. Steve, évidemment, fait preuve d'un jeu à la même clarté phénoménale, toujours bien plus impressionnante que son écriture elle-même… encore une fois, comme dans les 90s. Dans une ambiance un peu Las Vegas déroutante, le public ovationne immanquablement chaque fin de partie instrumentale…

Autre aptitude miraculeusement conservée : son chant (qu'il a d'ailleurs tenu occasionnellement dans Toto et en particulier pour les deux albums complets « Kingdom Of Desire » et « Tambu »). Un premier virage dans les débuts de l'âge solo de Steve est constitué par sa reprise de « Freedom » de Hendrix (comme sur disque, sans chœurs), avec plus d'électricité qu'il ne se permet sur ses propres titres, puis le beau « Song for Jeff » (pour la mort de Porcaro) fondu dans « Jammin' with Jesus ». La vibe de Steve est indéniable…Steve Weingart est plus dans un esprit Jazz, lui.

« Darkness in my world » est issu de « All's Well That Ends Well », aussi présent que « Transition » ce soir, et est l'occasion pour Eric de se montrer plus déterminé, et pour Renee plus rythmique. Steve, lui, s'il éblouit par sa célérité, reste définitivement dans le même esprit. Ainsi que le public, incompréhensiblement fanatisé par cette concession de Steve…

Un second retour dans le passé de Steve est composé de « Broken machine » et sa version du « The Pump » du grand Jeff Beck, extraits de « Luke ». Le premier dévoile le même savoir-faire qui créait les climats des albums de Toto des années 80, surtout avec le son d'époque déstabilisant de la soirée (au volume en revanche parfait, point très appréciable) ; quant au second, il est là encore plus musclé que ne se le permet Steve lorsqu'il est lui-même à la plume. Les lignes sont enrichies, le public crie au moindre break, sans que l'on puisse déterminer si la phrase se terminant les captivait, ou bien s'ils attendent celle à venir… Steve, lui, garde toujours cette même réserve, cette même mesure qui ravit son public autant qu'elle m'empêche toujours de goûter pleinement la musique de Toto… Malgré la perfection angélique qui émane de tous les pores de Steve comme de personne, il fallait bien qu'il y ait un bend à côté sur la fin – eh oui, on ne s'en prend pas au répertoire de Jeff impunément.

« Right the wrong » sera le dernier extrait de « Transition », avec son esprit là encore rétro, dans une interprétation quelque peu plus simple, bien que toujours aussi parfaite, instrumentalement comme vocalement, la voix de Steve étant tout aussi solide (après bien plus d'une heure de concert) que claire, ici soutenue assez efficacement par Renee. Enfin, c'est « Hero with a 1000 eyes », extrait de son 2 e album, étonnamment mis en avant par rapport à d'autres purement oubliés (son premier), qui fera finalement monter la température de ce public qui semblait réagir de façon étrangement convenue à ces titres qui, en un sens, le sont tout autant. Weingart offre quelques parties plus débridées, Eric se permet de trancher un peu avec le self-control ambiant, et le morceau explose simplement, tout comme évidement « Never enough », seule concession faite à Toto pour le public, qui n'en réclamera pas moins divers titres à pleins poumons ensuite, quitte à froisser Steve, réagissant comme s'il s'agissait d'une énormité. Sur ce titre (qu'il chantait déjà dans Toto), la rythmique apparait tout de même un bon cran au-dessus de son écriture solo, que je n'ai cessé de rattacher à celle-ci jusqu'ici. Toutefois, ses parties restent précises à en faire froid dans le dos, le solo reste maîtrisée, et la vibe ne dénote pas autant que Steve veut bien le dire. Illusion ? Le chant semble avoir rajeuni pour ce presque dernier titre…

Les derniers seront les deux petits rappels, d'abord « Flash in the pan », de « All's Well… » lui aussi, enfin plus agressive, plus rythmique et Rock'n'Roll, avec un Eric très frais, une Renee plus animée, même, puis sa version de « Smile », qui conclut « Transition », évidement dans un déluge de finesse, belle, harmonique, dévoilant que ce n'est pas par hasard que Steve s'attaque à des titres de Jeff Beck. Bref, du doigté, de la virtuosité fulgurante, mais de la retenue, du vernis, lisse et poli… avec Toto comme en solo, Lukather fait preuve de la même personnalité en arrière-plan, voilée et discrète, qui ravit les auditeurs plus posés comme elle rebute les plus absolus. Tout ceci semble néanmoins étrangement naturel en Live, et certainement pas surfait. Bref, un concert calme, brillant mais contenu, dont on ressort l'esprit nettoyé mais le corps reposé, certainement pas le plus renversant que vous ferez mais apaisant, satisfaisant… il faut croire que c'est le but de Steve.

The Outcast


 



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