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T H E   W H O Bercy, Paris 03/07/2013

Le 3 juillet à Bercy se tenait peut-être le concert de plus historique de cette année : « Quadrophenia » par les Who. Non seulement une prestation des rescapés de ce groupe monstrueux est forcément un évènement, mais de plus, consacrer une tournée à cet album culte conceptuel est un vrai bonheur pour tout fan du groupe. Petite précision pour les moins familiers des Who d'entre vous : sorti en 1973, après « Who's Next » (résurrection de l'Opéra raté « Teenage Wasteland »), et « Tommy » (1 e « Rock Opera » de Pete Townshend qui tend justement à éclipser celui-ci), Quadrophenia est son travail le plus mature, dédié au milieu 60s de la jeunesse « Mods » dont les Who sont issus. Aujourd'hui donc, avec des Pete Townshend et Roger Daltrey quasi-septuagénaires, voir le groupe se lancer dans une tournée aussi originale est juste un délice.

Le public l'entend aussi de cette oreille : s'il n'est pas forcément à l'heure, il continue à arriver voire à acheter même à 20h, ne laissant que quelques places vides – les premières – pour la première partie, consacrée à un groupe suffisamment séduisant pour que j'en touche quelques mots : Vintage Trouble. Formés à Hollywood en 2010, ils ont publié l'année suivante un délicieux album… vintage, justement, et poussent le concept jusqu'au bout, vous donnant l'impression de visionner un film situé dans les années 50 : chanteur (noir, Ty Taylor) à rouflaquettes, guitariste (Nalle Colt) à gueule de cowboy, bassiste (Rick Barrio Dill) type mercenaire de clubs new-yorkais, et batteur (Richard Danielson) sorti de « Gangs Of New York » de Scorsese – accompagnés de roadies eux-aussi coiffés de couvre-chefs évocateurs – leur musique est à l'image de leur allure bariolée. On découvre un mix de Rhythm & Blues et de Rock à la manière 60s, une sorte d'Otis Redding avec James Brown au micro. Ty Taylor possède ce tremblement Soul dans la voix, Nalle Colt tranche par sa rugosité, avec une attaque digne de la section de cuivre manquante, mais au son beaucoup plus écorché, et Rick Barrio Dill apporte le côté dansant du R&B… le mélange est original mais parfaitement équilibré, et le résultat déstabilisant tant l'impression authentique est saisissante. « Blues hand me down » et « Nobody told me » sont extraites de leur album (cette dernière avec un bel a capella), les autres titres semblent nouveaux : « High times », le bien nommé « Pelvis pusher », et surtout « Run like the river » : une Slide déchirante sur un rythme à la Roy Harper, un Ty Taylor déchaîné courant dans les rangs (oui oui à Bercy) nous haranguant inlassablement à coups de « Let me hear the people » ! Ils nous laisseront après tout juste une demi-heure avec « Strike your light » partagé avec un public apparemment adhérent. La demi-heure est passée vite, c'est plutôt bon signe de la part de la 1 e partie d'un groupe aussi attendu que les Who.

Pour leur entrée sur les coups de 21h, les dernières places de luxe ont trouvé leurs occupants, Bercy semblant maintenant complet. La scène se couvre de cuivres et autres instruments prometteurs, ainsi que d'une foule de musiciens : Zak Starkey à la batterie, que je vois pour la 1 e fois (et qui ressemble plus au fils de Keith Richards que de Ringo !), Simon, le propre frère de Townshend, à la guitare, Pino Palladino, bassiste depuis 10 ans sur les tournées des Who, trois claviéristes, deux personnes aux cuivres. Pete entre en s'échauffant, Roger un mug à la main… Le son se révèlera très clair, les lights riches, et une très belle installation composée de 3 écrans circulaires au-dessus de la batterie accompagnant 2 larges panneaux latéraux commence à nous diffuser une vidéo à base d'images de la mer, bien-sûr, sur l'intro « I am the sea ». C'est parti mon kiki. « The real me » déboule et l'on découvre les musiciens à la hauteur de l'ambition de cette tournée. Pete nous assène toujours ses accords de quinte à grands coups de moulinets des bras, et Roger joue toujours avec son micro. La voix a vieilli, bien-sûr, mais plutôt bien. Et sous son attirail Mod (lunettes, pantalons moulants et chemisette) il fait encore plus illusion ! Leur obstination à rester dans leur coin ensemble semble trahir une entente toujours parfaite.

Pete vit vraiment l'interprétation de son œuvre, même lorsqu'il ne joue pas il est « dedans ». Son jeu est toujours aussi consistant, les tris et autres gimmicks fleurissant sans cesse autour du morceau titre, enrichi d'une vidéo évoquant leur enfance. Il partage toujours aussi aisément le micro avec Roger, quitte à faire sourire lorsqu'il interprète « Cut my hair » aujourd'hui ! A la hauteur de Roger se désignant sur l'écran en chantant « I'm the guy in the sky » sur « The punk & The grandfather »… « I'm one » fait toujours son effet, « The dirty jobs » est toujours aussi percutante (ici interprétée par Simon Townshend), « Helpless dancer » toujours aussi nerveuse, « Is it in my head » aussi profonde, et « I've had enough » conclut cette première partie suffisante à convaincre n'importe qui. Roger peine à atteindre les plus hautes notes du morceau, certes, mais quelle importance : l'essentiel est cette électricité qui se dégage de cette scène, cet effet fantastique qu'imposent encore les morceaux. En appuyant particulièrement « get a job and fight to keep it » ils cherchent de plus manifestement à ancrer “Quadrophenia” dans l'actualité, ce qu'ils confirmeront d'ailleurs ouvertement.

Ovationnés dès cette première moitié de l'œuvre, le groupe se lance en pleine forme dans « 5.15 », Roger plus acteur que jamais, Pete lavant même ses lunettes (des trucs d'aveugle) avant de se lancer dans son solo… Et même John Entwistle se retrouve « présent » puisque c'est un « Thunderfinger » enregistré sur scène (plutôt récemment d'ailleurs) qui interprète son solo. Ce moment nostalgique passé, on se lance dans « Sea and sand » puis un magnifique « Drowned », Zak se prenant vraiment pour Keith Moon derrière son kit, Pete nous arrosant de « bring on the fucking hurricane ! », et concluant ce morceau de maître sur une note parfaite. « Bell boy » nous offre un nouveau moment d'émotion en laissant également un Keith Moon sur bande interpréter sa partie… Roger chantant la sienne sans lâcher l'écran des yeux, le doigt toujours pointé sur le fou cogneur. Keith récolte une ovation post-mortem puis l'on poursuit, un public désormais bien chauffé accueillant « Doctor jimmy », public ô combien différent aujourd'hui, mais que Roger n'hésite aucunement à arroser à coups de bouteilles pour autant. « The rock » semble être un moment favori de Pete, et est illustré d'images du Viet Nam comme à l'époque mais suivies de celles de tous les principaux et divers conflits depuis, allant d'ailleurs jusqu'aux Pussy Riot. Quant à « Love reign o'er me », diable, j'ai encore le moment en tête. Un Roger surpuissant, poussant autant que l'âge le lui permet encore, magistral, sublime… parfait.

L'album le méritait, l'hommage est magnifique. Digne de ses auteurs, pas prêts de se contenter de cette heure et demi de show : une vraie troisième partie est constituée de six morceaux judicieusement choisis post-60s uniquement, en parfait complément de cet album, plutôt qu'en petit « pot-pourri de hits 60s évidents »… Tout d'abord, « Who are you », dégainé à fond la caisse par un Pete apparemment en grande forme, que ce soit l'excitation de ce morceau ou la satisfaction du devoir accompli après « Quadrophenia ». Ensuite, « You better you bet », magnifique, partie centrale comprise. Même pas peur. « Pinball wizard » ? chiche. « Baba o' riley » ? ai-je déjà vécu en Live pareil enchaînement monstrueux ? « Won't get fooled again » ? non, jamais vécu. Pete & Roger sont toujours franchement dedans, le premier mimant une piquouze sur « Baba o'riley », concerné comme lorsqu'il écrivait « Teenage Wasteland », le second balançant son hurlement sans hésiter sur la reprise de « Won't get fooled again ». Et pour un final franchement inattendu, c'est en duo qu'ils nous interprètent « Tea & theatre », Roger se trouvant de nouveau mug à la main – cette fois-ci avec plus de sens… Le temps de nous lancer « be lucky », entrecoupant quelques rapides injonctions concernant la crise de l'UE et l'on se retrouve seul avec cette impression d'avoir assisté à un spectacle qu'il ne nous sera plus guère possible de revoir… Revoir les Who n'est déjà pas assuré, c'est un luxe d'avoir eu cette occasion avec « Quadrophenia ». Se rendre compte qu'un groupe tellement plus vieux que son heure de gloire est encore aussi impressionnant, c'est encore mieux.

THE OUTCAST

 

 


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