L A U R E N T K A R I L A
 

Interview réalisée par Lulu, pendant le confinement à Paris.

 
 

Après avoir reçu ses deux derniers livres « Addictions - dites-leur adieu », sorte de petit guide hyper accessible malgré la complexité du thème (ne jugez pas trop vite l’inconsistance : quand on veut se faire aider ou aider quelqu’un, on ne recherche pas toujours l’hyper documentation mais parfois les mots ou la façon de les présenter qui créeront le déclic…) et « L’alcoolisme au féminin » (merci M&O Office – www.m-o-office.com), nous devions rencontrer leur auteur, Laurent Karila.
Mais les contraintes de mon calendrier et le confinement étant passés par là, ce sera finalement par mail que nous nous prêterons au jeu de l’interview.
Pour ceux qui se demanderaient ce que les propos d’un psy viennent faire dans ces colonnes, la réponse est juste là !



Avant tout, donc, j’aimerais que l’on explique à nos lecteurs le lien entre Laurent Karila et le metal. Pourrais-tu donc te présenter, en incluant la partie « métallique » de ta carte de visite, STP ?

Oui ! Je suis psychiatre, addictologue, chercheur et enseignant à l’Université Paris Saclay. Fan de hard rock, de Metal depuis 36 ans avec mon top 5 : KISS, METALLICA, AEROSMITH, MOTLEY CRUE, OZZY. J’écris aussi des chroniques, des live report et fais des interviews pour Hard Force (www.hardforce.com) et j’ai co-écrit les textes des trois albums conceptuels de SATAN JOKERS (AddictionS, Psychiatric, SexOpera). J’écris beaucoup aussi. Mes deux derniers ouvrages sont « Addictions : Dites-Leur Adieu ! » et « L’alcoolisme au Féminin ». J’en écris un autre actuellement. On a évoqué aussi avec Renaud Hantson un nouvel album pour SATAN JOKERS.

Pour rentrer dans le vif du sujet, et toujours faire le lien avec notre musique fétiche, je vais (très facilement, je l’avoue) te poser quelques questions en rapport avec ton livre « Addictions – dites-leur adieu ! », en extrapolation de la formule « sexe, drogue et rock’n’roll » bien connue dans notre sympathique milieu :
Peux-tu nous dire pourquoi, à ton sens, ce sont les drogues et le sexe qui sont les deux principales addictions associées au rock ? Est-ce que, de ton expérience, c’est majoritairement vrai ou juste un gros cliché ?


Cette maxime « Sex, Drugs and RnR» a deux aspects : réel et clichesque ! Dans les années 70-80-90, c’était une réalité ! Elle était même mise en avant. Regarde toute cette vague autour de MOTLEY CRUE, POISON, RATT etc… le Hair Metal en faisait une promotion à la fois réelle et clichesque. Certains sont morts de leur abus de drogues ou de ses conséquences. J’ai en mémoire Robin Crosby de RATT avec son addiction à l’héroïne et le VIH. Après, tu as aussi des musiciens qui ont de réels problèmes d’addiction et psychologiques associés. Certains s’en sont sortis et prônent l’abstinence et d’autres en sont décédés ou très altérés. Dans la scène actuelle, je trouve qu’il y a plus de prise de
conscience des musiciens autour de la question des drogues. Il faut aussi faire attention aux consommations d’alcool et de tabac. Pour le sexe, c’est très gratifiant. Chacun doit gérer et se protéger !

Dans ton livre, quelques sujets sont mis plus en avant que d’autres, il est question de « substances » (tabac, drogues, sucre…) mais aussi de « comportements ». Sur cette partie qui aborde les addictions comportementales, l’emphase est mise sur les addictions « technologiques » (jeux vidéo, internet, smartphones, réseau sociaux…etc.), question d’époque, j’imagine. En revanche, le sujet de cette addiction au sexe n’est que très rapidement abordé, peux-tu nous expliquer pourquoi ?

Ce n’est pas volontaire ! C’est une vraie question avec notamment le développement des activités sexuelles en ligne (qui ne sont pas graves si c’est mesuré). Le sexe est une récompense comme manger et se désaltérer ! Il peut devenir une drogue comme de la cocaïne avec une perte de contrôle, une consommation compulsive, une envie à crever de se connecter, un usage continu et des conséquences sur la vie sociale, la santé physique et psychologique. Il faut au moins 6 mois de comportements sans contrôle. En gros, comme dans toutes les addictions, tu n’arrives à rien gérer. L’album « SexOpera » de SATAN JOKERS en parle précisément.

Pour les « drogues », on a souvent l’image de la rock star sous coke (ou pire), est-ce que ce sont des clichés, as-tu constaté des addictions particulières (substances favorisées, effets recherchés…) dans ce milieu par rapport à d’autres ? et si oui, quelles en sont les raisons, de ton point de vue ?

Toutes les drogues sont présentes dans le milieu musical comme dans d’autres milieux professionnels. Il y a eu le côté glamour de la coke à un moment qui n’existe plus, d’où cette sur-représentation. Les artistes célèbres qui publient leur autobiographie n’en parlent pas que positivement ! STEEL PANTHER en fait de belles parodies ! L’héroïne, c’était plutôt les années 70 avec tous ces décès prématurés : Hendrix, Joplin… L’alcool et le tabac sont au sommet comme partout ! Il n’y a vraiment pas d’addiction particulière liée à ce milieu professionnel.

L’alcool est aussi très présent dans le milieu de la musique…(mais en fait, dans tous les milieux, et touche tout le monde, nous avons aussi reçu ton livre « L’alcoolisme au féminin »). Le sujet est un peu particulier parce que, socialement, on le voit en festivals notamment, ça fait carrément partie du package. La substance n’étant pas diabolisée, voire étant valorisée (commercialement et socialement). Quel est ton regard sur cette addiction, en particulier dans le milieu dont nous parlons ?

Oui, comme on le disait précédemment. L’alcool est la deuxième cause de mort évitable dans le monde après le tabac. Il existe un risque pour la santé dès le premier verre, comme je l’écris dans mon dernier livre. Il faut moduler sa consommation et se baser sur les recommandations Santé Publique France : pas plus que 2 verres par jour, pas tous les jours, avec 2 jours sans consommer. Bien sûr, on ne peut pas cumuler cette recommandation en un jour (rires) ! Les musiciens addicts à l’alcool sont des patients comme les autres. Le traitement est le même pour tous et toutes. Regarde James Hetfield qui a récemment rechuté, Il a repris son traitement qui va au-delà de la question de l’alcool. J’espère qu’il va s’en sortir !

Est-ce que tu penses qu’il y a une expansion ou une régression des addictions observées, ou bien une modification ? (il semblerait qu’il y ait de moins en moins de fumeurs, par exemple, est-ce au profit d’un comportement plus sain ou est-ce que l’addiction a tendance à se déporter ?)

Tous les scénarios sont envisageables. Certains consomment moins surtout avec l’âge et la prise de conscience de leur âge et de leur santé. La cigarette électronique a beaucoup aidé les musiciens, j’ai constaté. Pour le reste des addictions, ils se sont fait soigner comme les autres. D’autres contrôlent les consommations. Il y a vraiment de tout !

Bon, j’imagine qu’on t’a déjà posé cette question, mais nos lecteurs n’ont sans doute pas tous fait leurs petites recherches : Et le rock n roll, alors, c’est une drogue ? peut-on dire qu’on est « addict » à la musique ou est-ce un abus de langage ?

Je parle d’addiction positive ! C’est-à-dire qu’on est accro à cette musique sans en souffrir, à la différence de la maladie addictive au sens strict du terme. Au contraire, c’est que du positif avec la musique, les goodies, les concerts etc…


Alors, abus de langage ou non, nous avons un Kiss-dépendant (Kissaholic en anglais) dans les rangs d’Ultrarock… Et il paraitrait que tu en serais un également… Est-ce que tu peux nous parler de ton « addiction » à Kiss, en particulier, et/ou à d’autres groupes, si tu le souhaites, et nous expliquer ton mécanisme (supposé, bien sûr, on le fera pas !) si l’on te privait de cette musique.

Oui, total KISS addict, KISSaholic! A 11 ans, je regardais les Enfants du Rock sur Antenne 2 (France 2 maintenant) un samedi soir chez mes parents. C’était une spéciale Hard Rock ! J’ai vu le clip de KISS : la chanson « I Love It Loud », les musiciens lookés et maquillés, Gene Simmons et Paul Stanley avec ce charisme de dingues. J’ai fait un 360 degrés immobile dans ma tête ! Plus rien n’a jamais été pareil. C’était mon groupe ultime. J’ai eu le vinyle « Creatures Of The Night » rapidement puis j’ai commencé à tout acheter autour du groupe en musique puis en goodies avec les moyens adaptés en fonction des périodes de ma vie ! Je suis à la KISS Army. Pendant le confinement, je me suis quand même acheté le tee shirt « Stay At Home 2020 » et le masque « Unmasked » contre le Covid. Impossible pour moi de ne pas avoir KISS dans ma vie. « We Are One », comme ils disent ! Gene Simmons est un modèle pour moi pour un grand nombre de choses dans la vie !

Pour finir, y a-t-il quelque chose que tu voudrais rajouter ou un message en particulier à faire passer à la communauté métal et aux lecteurs d’Ultrarock ?

Le Metal, c’est une addiction positive ! Ne vous arrêtez pas ! En cette période épidémique, n’oubliez pas les 3 M : masque – mains lavées – mètre de distanciation !
Merci !

Merci d’avoir pris ce temps pour nous.

Interview réalisée par Lulu.



 

 
 
 
 

Copyright © 2011
All Rights Reserved · Essgraphics