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M Y R A T H


Interview réalisée par Doro, le 14 mars 2019, à l'Hotel Alba, à Paris.
 

A l’occasion de la promotion de « Shehili », le prochain album de Myrath, nous avons eu l’occasion de rencontrer le frontman du groupe, lors d’un entretien sincère et rempli de bonne humeur…


Bonjour Zaher, merci de m’accorder cette interview. Comment vas-tu ?

Merci à toi. Ça va très bien !

Peux-tu me présenter ton groupe et me dire quel est ton rôle dans Myrath ?

Je suis Zaher Zorgati et je suis chanteur dans le groupe Myrath, qui est un groupe franco-tunisien. On joue du Blazing Desert Metal. C’est notre nouveau style dans la scène Metal. Il y a du Black Metal, du Death, du Progressive, du Power… et maintenant, il y a du Blazing Desert Metal et il n’y a que nous qui jouons ce style ! (rires). Notre groupe est franco-tunisien car Morgan, notre batteur, et notre producteur sont français. C’est pour ça que j’insiste sur la double nationalité du groupe car nous sommes avant tout une famille et pas seulement un simple groupe de musique.
Ça fait treize ans qu’on existe et on a joué partout dans le monde : aux Etats-Unis, en Europe, en Angleterre, au Japon… On a fait des supports avec de nombreux groupes tels que WASP, Epica, Symphony X, Orphaned Land (en co-headiling) et on a joué dans quelques festivals comme au Loud Park Festival au Japon, au Hellfest, au Motocultor…
Avant, on était plutôt un groupe de Metal Progressif mais plus maintenant (rires). En résumé, on a plus d’une centaine de concerts dans notre carrière et « Shehili », notre cinquième album va sortir le 3 mai prochain.

C’est une carrière assez impressionnante. Je connais Myrath seulement depuis l’année dernière car je n’en avais pas vraiment entendu parler avant. Y a-t-il une explication à cela ?

Oui. Tu la même réaction que beaucoup d’autres gens ont, même dans le secteur médiatique. C’est avant tout une question de notoriété, qui est liée à la promotion, au marketing et à l’argent. Avant, on faisait tout avec les moyens du bord et à petite échelle avant de collaborer avec Kevin de Veryshow/Verycords. Et là, maintenant, avec notre nouvelle maison de disques, toutes les conditions sont réunies pour promouvoir le groupe convenablement, comme il se doit, avec de l’argent et une grosse équipe, notamment en Allemagne et à Paris. On a donc tous les moyens pour réussir.
Et, pour ça, il faut beaucoup de bons facteurs comme une bonne promotion, de l’argent derrière, des gens qui croient en toi, ce qui est le cas maintenant et, le plus important : un bon produit. Car même si tu as beaucoup d’argent mais si tu as des choses pas très attrayantes à présenter, ça ne fonctionnera pas et tu n’iras pas très loin.

Peux-tu me dire de quoi parlent les textes de « Sheili », votre nouvel album ?

Comme à chaque fois, ce sont cinq gars qui se réunissent autour d’un café, dans un restaurant ou dans un bar et qui se racontent des histoires ordinaires, qui parlent de tout et de rien. Ce n’est pas un concept-album, Myrath n’est pas un groupe engagé ou quoi que ce soit d’autre. Chaque chanson a son texte, et parle d’un sujet distinct. On parle de tout : de la guerre, dans tous les sens du terme. La guerre avec soi-même, une guerre existentielle. On parle de l’amour, de l’espoir, de la vie et de ses obstacles. On parle de choses quotidiennes mais de façon poétique et métaphorique.

J’ai remarqué qu’il y a beaucoup de mélodies dans vos morceaux, c’est assez percutant, très dynamique, très enjoué…

C’est tout à fait ça. Je crois qu’on a apporté un truc nouveau dans le Metal quelque chose de frais. Pourquoi nos collaborateurs de notre maison de disques ont aimé l’album ? Tout simplement parce qu’ils ont écouté quelque chose de frais. Max, le responsable de la maison de disques EarMusic, situé à Hambourg en Allemagne, nous a dit que c’est la première fois qu’il écoute un album comme ça, avec ce genre de Metal et ça faisait dix ans qu’il n’avait pas eu la chair de poule en écoutant un CD. Donc il m’a dit « Si ça me fait cet effet-là, je suis sûr et certain que les fans vont adorer ».

Ça m’a fait le même effet ou presque (rires). Je dois t’avouer qu’il tourne en boucle chez moi depuis un certain temps. Je crois même que c’est un coup de cœur, peut-être même l’album de l’année !

(rires) J’espère qu’il sera l’album de l’année et si ce n’est pas le cas, j’espère qu’il sera parmi les top 3... ou 5 !

Il n’y a pas de raison du contraire…

J’espère ! Je croise les doigts. Mais pour le moment, on est en attente des retours (Zaher arbore un large sourire en me répondant).

Vous avez des concerts prévus pour le promouvoir ?

Oui ! Nous serons au Wacken l’été prochain en Allemagne, au Sweden Rock Festival à Stockholm, en Suède et nous sommes programmés sur deux festivals au Japon.

Ça fait un peu loin pour vous voir (rires). Un concert prévu à Paris peut-être ?

Oui c’est sûr ! Mais on va revenir à Paris vers la fin de l’année dans le cadre d’une tournée européenne. Je ne sais pas encore si ce sera en co-headlining avec un autre groupe ou bien en support… ou bien faire les deux (rires).

Que peux-tu dire à mes lecteurs sur la réalisation de cet album ? Comment s’est passé l’enregistrement ? Car j’ai cru comprendre que certaines parties n’ont pas été enregistrées aux mêmes endroits…

L’album est produit essentiellement par Kevin Codfert qui est notre producteur et aussi l’ancien claviériste d’Adagio. Il est aussi notre ingénieur du son et notre co-writer. Il a écrit des chansons avec nous. C’est pour ça que je te disais que Myrath est une famille. Nous avons travaillé dans le studio suédois Fredrik Nordström et avec Jens Bogren le fameux producteur suédois qui a travaillé avec Arch Enemy, In Flames, Iced Earth…

Nous avons enregistré les instruments traditionnels en Tunisie avec l’Ochestre National, dirigé par Mohamed Lassoued, un chef d’orchestre tunisien. Nous avons donc des violons, des barbicans, du luth, de la clarinette orientale …

On a enregistré les parties chant, les guitares, la basse et le clavier en France, à Paris, dans le studio de Kevin Codfert. Puis il a tout pris avec lui pour aller en Suède au studio de Jens Bogren pour faire le mixage et le mastering. Il est parti là-bas rien que pour ça. Il a tellement aimé l’album qu’il a fini par s’occuper de la production, en nous donnant des conseils et des axes d’amélioration alors qu’il était juste parti à l’origine pour mixer et masteriser.

Une fois terminé, on fait écouter l’album à Max de EarMusic. Il l’a apprécié mais il nous a dit « Les gars, c’est du gâchis de sortir un album avec un son de batterie comme ça. ». En fait, le son de la batterie n’était pas du tout organique, pas naturel, parce qu’on a utilisé des triggers qui faisaient que le son était plus mécanique qu’organique, un peu comme Rammstein par exemple. Il n’y avait pas de sensations dans le jeu de la batterie initial. Max nous dit alors « Je vous donne l’argent pour réenregistrer ici, en Allemagne, dans un studio mythique, le studio Chameleon à Hambourg. On va réenregistrer la batterie et on va faire un malheur ! ». Et le résultat final… tu l’as ! On a un gros son de batterie mais qui ne gêne pas, même pour les non-metalleux qui vont l’écouter. Ce n’est pas un son agressif mais très organique.
Finalement, inconsciemment, il y a trois producteurs pour un seul et même album (rires).

On retrouve ce son organique dans le clip vidéo « Dance » qui est vraiment bien réalisé. Et qui me fait beaucoup penser à Prince of Persia, qui est un univers assez spécial et particulier...

Oui exactement ! « Les milles et une nuit », « Prince of persia »… c’est complètement ça !

C’est donc complètement volontaire …

Oui bien sûr ! C’est aussi une idée de notre maison de disques (Verycords). A vrai dire c’est Mehdi El Jaï (directeur du label) qui a eu l’idée de partir dans ce délire et nous, on l’a suivi. C’est parti du morceau « Believer » qui est sur l’album précédent, Legacy, et il nous a dit « On continue la série ! ». On a donc fait une deuxième partie, puis une troisième (le morceau « No Holding Back »). Donc ce n’est pas encore fini ! (rires).
Les deux prochains clips seront dans le monde réel avec des gens normaux et pas des avatars (rires) mais peut être bien qu’on va revenir sur les avatars un jour avec de meilleures techniques, de meilleurs effets 3D…

Parce que là, c’était quand même bien fait. Je ne sais pas combien de temps vous avez travaillé dessus mais le résultat est beau…

Pour « Believer » on a mis deux semaines et pour « No Holdong Back » et « Dance », une semaine pour réaliser les deux. On était un peu court niveau timing pour les deux premiers car on devait partir de la Serbie, car on a tourné les clips en Tunisie et en Serbie, et on devait partir en tournée avec Epica donc on avait très peu de temps pour réaliser les clips.

Donc vous n’avez pas dormi pendant une semaine ?

Exactement ! (rires). On était réveillés de 9h du matin à 4h du matin. C’était dur mais le résultat est là !

J’étais aussi impressionnée de voir que le clavier qui est dans le clip « Dance » n’existe pas vraiment…

Il n’existe pas, effectivement. C’est une bêtise (rires). Mais peut-être bien qu’on pourra le trouver sur un gros show de Myrath un jour… on ne sait jamais.

Un peu encombrant comme instrument, non ? (rires)

Oui, mais tu as des mecs comme Sabaton, par exemple, qui transportent leur char avec eux pendant les tournées, donc tu sais, nous à côté… (rires)

Il y a douze titres dans cet album qui sont vraiment différents les uns des autres, avec plein de sonorités, beaucoup d’influences musicales et j’ai remarqué que certains sont chantés en arabe. Pourquoi avoir fait ce choix de chanter en arabe et en anglais et non pas en français ?

Parce que Myrath est un groupe tunisien et que je peux chanter en arabe, qui est en fait un dialecte tunisien et non pas de l’arabe. Sur « Mersal », on a invité Mr Buchner, une superstar au Maghreb, en Afrique et au Moyen-Orient. C’est comme le Franck Sinatra du Monde Arabe. J’ai grandi sur ses chansons. Quand j’étais petit, on l’écoutait à la radio et on a eu le privilège de pouvoir l’inviter pour enregistrer un morceau avec Myrath et il a accepté humblement notre invitation.
Finalement ce n’est pas un choix de chanter en tunisien. Myrath, c’est un laboratoire d’expériences. On ne calcule pas vraiment ce qu’on fait. Si c’est bon, on garde, et si ce n’est pas bon, on ne garde pas. On ne s’est pas dit que pour réussir cet album ou faire le buzz il fallait qu’on invite Mr Buchner. On a fait cet album avec un grand cœur, pour se faire plaisir. C’est comme quand je suis sur scène, c’est pour me faire plaisir. Pourquoi les gens adorent Myrath ? Parce qu’ils savent que je ne me moque pas d’eux, je ne suis pas là juste pour faire mon travail, prendre mon cachet et me barrer. Je suis là pour leur faire part de ce qu’on a, leur faire vivre la musique avec nous…

Oui, ça, je l’ai vu l’année dernière au Trabendo, à Paris. Tu cours partout sur scène, tu es à droite et à gauche…

Parfois je reste figé (rires). Ça dépend du mood, du moment… C’est vrai que, parfois, il y a des chanteurs ou des artistes qui sont « faux ». Moi je ne serai jamais comme ça, si je ne suis pas bien dans ma peau, par exemple, un soir où je ne suis pas à l’aise, tu vas le remarquer. C’est vrai que tu dois divertir le monde quand tu es musicien mais, pour moi, ça ne marche pas comme ça.
C’est déjà très rare de me voir mal à l’aise sur scène parce que, même si j’ai des problèmes ailleurs, dès que je monte sur scène, les problèmes restent à la maison. C’est l‘amour de la musique et de la scène et je me fais plaisir pour oublier mes soucis. Mais il y a des artistes qui ramènent leurs soucis sur scène mais qui se moquent de leur auditoire. En Tunisie, on dit qu’ils « filment » c’est-à-dire qu’ils font du « acting » (jeu d’acteur), du cinéma, du show. Si je n’ai pas envie de faire quelque chose sur scène, je ne le fais pas. Si, à un moment, j’ai envie de lever les bras, je le fais, si je n’en ai pas envie, je ne le fais pas. Je ne veux pas me moquer de mon public, je suis là pour me faire plaisir et faire plaisir aux gens. Parfois je suis au taquet et parfois non (rires).

D’ailleurs, comment est accueilli le groupe Myrath en Tunisie ?

Alors on a beaucoup de fans qui viennent du Metal, du Rock ou d’ailleurs, mais ils nous connaissent. Mais nous sommes quasi oubliés du côté des médias. On est mis à part. Je ne sais pas pourquoi. Tu vas avoir beaucoup de rappeurs, de la musique Pop tunisienne ou des musiques traditionnelles mises en avant, mais pas Myrath.

C’est étonnant. Est-ce un problème de culture Metal qui n’est peut-être pas bien vue en Tunisie ?

Non, pas vraiment. Ça vient des médias. Il faut que tu sois un grand groupe pour que ça passe. Mais nous, on s’en fiche, pas des gens mais des médias tunisiens qui nous mettent à part. Ce qui nous importe c’est nos fans tunisiens et les gens qui nous découvrent. Myrath passe sur les radios locales, mais il y a certains medias qui ne veulent pas nous donner d’importance, mais les autres travaillent correctement, ils ne négligent personne.

Mais vous avez déjà fait des concerts en Tunisie, malgré tout ?

Oui oui bien sûr. On a joué en Juillet dernier à l’Amphithéâtre Romain de Carthage. On a été accueillis par plus de 7000 personnes. Il y avait des hommes, des femmes, des enfants, des personnes âgées, des femmes voilées et bien sûr des fans de Metal, qui sont venus pour nous découvrir et on les a convertis à notre religion (rires). C’est la première fois qu’un festival international produit un groupe de Metal dans un festival tunisien. C’était énorme.

C’est plutôt une bonne promotion pour vous, du coup…

Une bonne promotion pour le Metal tunisien, pour le Metal en Tunisie et pour l’image de la Tunisie aussi. Et tout ça a pu être possible grâce à quelques journalistes respectés, dévoués à leur travail et, pour nous, c‘était un genre de victoire contre certains journalistes qui se croient au-dessus des autres. Le journalisme, c’est un vrai métier, c’est un art. Comment tu fais d’un art une arme pour combattre tes collègues ou le monde autour ? Je ne comprends pas comment tu vises à être journaliste, tu aboutis à ton œuvre et, après, tu deviens le maitre absolu, le « master of puppets » (rires).

Je ne suis pas journaliste de base, mais c’est effectivement un vrai métier d’artiste. Il y a beaucoup de passion derrière aussi…

Exactement ! Tout comme la musique.

J’ai une dernière question sur l’artwork de l’album, qui est sublime et rempli de symboles. Peux-tu m’en dire plus sur ces derniers ?

Disons que c’est simplement un logo aux côtés duquel on a rajouté d’autres éléments, mais à la base ce n’en est pas un. C’est un accessoire d’origine berbère très ancien qu’on accrochait comme une broche, en or ou en argent, que les femmes berbères portaient à l’époque en Tunisie, pour se faire belle, se faire distinguer parmi les autres femmes de la société et c’était un symbole contre le mauvais œil. C’est pour ça que tu trouveras un œil au-dessus (sur l’artwork) ainsi que d’autres symboles comme la fleur de lotus, le serpent qui fait référence à celui contre lequel je me bats dans le clip « No Holding Back ».

Pourquoi avoir rajouté une constellation ?

C’était l’idée de Kevin d’ajouter cette constellation car ça se mariait vraiment très bien avec le logo et les symboles qui l’entourent. La constellation fait référence au titre « Mersal » qui parle d’une guerre existentielle, d’alignements des planètes, qui donne une idée de destinée.

Merci pour ces explications. C’est la fin de notre entretien. As-tu un dernier message à transmettre aux lecteurs et auditeurs d’Ultrarock ?

Merci beaucoup pour cette interview. J’espère de tout cœur que les auditeurs et les lecteurs vont écouter l’album, l’admirer, qu’ils vont ressentir la spontanéité et notre honnêteté dans l’écriture de l’album et qu’ils vont ressentir ce qu’on a ressenti nous quand on était en train de le réaliser, de l’écrire et de le composer parce que c’était fait avec le cœur.
Merci infiniment pour cet entretien. A très bientôt !

Merci beaucoup à toi pour ton temps. A bientôt !