SAAD JONES
Interview réalisée par Aidan N. LeFloch, août 2021, au Festival 666)
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D’un côté, le Noir, l’obscurité, la violence, l’agressivité incontrôlable de ces musiques extrêmes qu’il affectionne, l’obsession de la mort et de ces mondes sombres qui ne s’ouvrent qu’aux initiés.

De l’autre, l’Or représentant l’universalité que ces musiques transpirent, l’énergie dont elles débordent, leurs contradictions mais aussi les valeurs de partage et d’humanisme qu’elles dégagent, et qui sont les mêmes partout où ces musiques s’épanouissent, des caves de Bagdad aux favelas de Rio.

Rencontrer SAAD JONES est une expérience à part entière. Il captive avec son masque à deux visages, il fascine avec son attitude inquiétante, évidemment, je n’ai pas pu résister à l’envie de lui poser quelques questions pour Ultrarock.

SAAD JONES est déjà l’auteur de deux romans Metal « Violent Instinct » et « Red Roots », qui s’adressent à tous ceux qui cherchent, au-delà des apparences, à découvrir l'essence de cette musique qui rassemble des hommes et des femmes de tous horizons...

Un troisième roman, en cours d’écriture, clôturera la trilogie. Sa sortie est prévue en 2022.

Bonjour Saad Jones.

Merci de me consacrer un peu de ton temps. Ton agenda semble bien chargé en ce moment.

Cette année a été chargée pour moi, comme pour beaucoup d’entre nous. La pandémie a bousculé certains de mes plans, mais j’ai réussi à participer à deux festivals Metal cet été, dont le Festival 666 à Cercoux, pendant lequel j’ai eu la chance de te rencontrer « en chair et en masque » et de retrouver les concerts.

Je viens également de terminer l’écriture du dernier volet de ma trilogie VIOLENT INSTINCT et prépare une année 2022 qui sera encore plus chargée, puisqu’en plus de la sortie de ce nouveau roman, je vais proposer à mes lecteurs quelques surprises et parcourir les festivals Metal français et belges pendant les mois de juin et août.

Une tenue sombre, un masque noir et or, pourquoi tant de mystères ?

J’ai créé le « personnage » Saad Jones, avec sa tenue sombre et son masque noir et or, pour deux raisons : me présenter en public de manière plus élégante que l’homme que je suis, en cohérence avec le message humaniste que je souhaite passer dans mes romans, mais aussi afin de protéger mon identité. Je ne vis pas en France, et travaille et voyage dans des pays où les libertés ne sont pas aussi garanties qu’en Europe. Les thèmes que j’aborde dans mes romans pourraient paraître dans certains pays que je fréquente comme «blasphématoires ».

J’aime le côté oriental de ton prénom, Saad. Y a-t-il une signification particulière autour du double A ?

Comme mon masque noir et or, mon nom de plume retranscrit un des thèmes que j’aborde dans mes romans à travers les aventures de mes personnages : la dualité des êtres, cette double lueur que nous avons en chacun de nous, petits êtres humains bourrés de contradictions, capables du meilleur comme du pire.

J’ai choisi le prénom Saad comme nom de plume car écrit avec un seul « A », il veut dire « triste » en anglais, alors qu’avec deux « A », il veut dire heureux en arabe. A lui tout seul, mon nom de plume résume déjà un peu le fond de ma pensée.

Avec ton premier roman « Violent Instinct », tu sembles connaître très bien l’univers Metal. Cela sent le vécu ou je me trompe ?

Le Metal s’est présenté à moi pendant l’adolescence, par petits riffs d’abords, puis par de plus violentes effusions. Tout s’est fait par paliers : un peu de grunge au début, le Black Album un jour, le lendemain And Justice for All, puis Chaos AD de Sepultura et ainsi de suite…

Je suis ensuite devenu batteur dans plusieurs groupes et ai pu profiter du Metal sur scène comme dans le public au cours de mes dernières années passées en France. J’ai connu les concerts dans les petits bars comme dans les grandes salles, les festivals les pieds dans la boue ou les grandes tournées dans la fosse de Paris-Bercy. J’ai toujours une batterie chez moi sur laquelle je joue de temps en temps, pas assez d’ailleurs.

Ce qui est drôle, c’est qu’à travers cette aventure « Saad Jones », je réalise des rêves que je n’ai jamais réalisés musicien : participer à l’écriture d’albums, vivre des grands festivals de l’intérieur, et rencontrer des musiciens que j’admirais et que j’écoutais sur mes cassettes dans les années 90.

Tu peux nous dire d’où vient ta passion pour cette musique ?

Le Metal est pour moi un refuge. Souvent, écouter du Metal me permet de mieux gérer mes détresses, mes angoisses, mes colères, ma nostalgie, ma haine parfois. Il y a dans le Metal une variété qui permet cela : on peut s’écouter un Slikpnot le matin pour se réveiller, et se fondre dans un morceau de Doom le soir tandis que le nuit arrive, ou l’inverse selon ses besoins. Le Metal touche à la fois le corps et l’esprit, les nerfs comme les émotions.

Il y a des artistes, groupes, et même des albums qui t’ont inspiré pour l’écriture ?

Tu peux trouver dans les dernières pages de mes ouvrages les listes des groupes que j’ai écoutés pendant mes nuits d’écriture. Il y en a beaucoup, pas forcément tous « Metal » d’ailleurs. Cette liste est assez éclectique en ce qui concerne mon premier roman VIOLENT INSTINCT, mais elle comporte plus de Black Metal pour sa suite RED ROOTS. Pour le troisième opus qui clôturera la trilogie, et qui s’intitulera DARK DESIRES, on pourra y trouver de nombreux groupes des années 80 car je me suis particulièrement intéressé à cette période pour le scénario.

En ce qui concerne mes personnages et les personnalités « réelles » qui ont influencé leurs caractères, je dois avouer que je me suis appuyé sur mes rencontres avec les membres de Fear Factory pour en créer certains. J’ai aussi été très inspiré par les activités du groupe israélien Orphaned Land. Depuis ses débuts, ce groupe promeut une approche humaniste de la musique et du Metal qui me plait énormément.

Mes romans regorgent de références Metal qui, parfois, passent inaperçues chez mes lecteurs « non-metalleux ». Je les répertorierai prochainement d’ailleurs sur mon site Internet.

Nous nous sommes rencontrés au Festival 666 où tu étais présent sur les trois jours. Cela te faisait quoi de te retrouver immergé dans l’ambiance d’un festival Metal en tant qu’écrivain ?

Tout d’abord, ce fut pour moi un grand honneur d’être sur l’affiche même du 666. Je ne suis pas sûr que beaucoup d’écrivains se soient retrouvés ainsi au côté de groupes comme Loudblast, Mass Hysteria ou Shaarghot.

Ensuite, j’ai vécu ce festival avec le même enthousiasme que les festivaliers : revenir aux concerts, au partage, au bruit, à la communion et à la fureur… Cela m’a fait un bien fou, d’autant plus que, entre deux rencontres en « chair et en masque », j’ai pu découvrir en live des groupes que je connais depuis l’adolescence. J’en ai même rencontré certains dans les coulisses pour leur faire signer mes vieux albums (un rêve).

Il est aussi vrai que, en tant que métalleux, je me sens bien plus à l’aise dans les festivals Metal que dans les ambiances feutrées des salons du Livre. Mon lectorat est ici, et mon plaisir aussi.

Voyages, parcours initiatique, drames, avec ton deuxième roman « Red Roots » tous les ingrédients sont réunis pour captiver le lecteur. Est-ce que ta vie et les rencontres que tu as faites ont été une source d’inspiration ?

J’ai vécu dans plusieurs pays, dont le Liban et la Grande Bretagne. Tu retrouves évidemment ces deux pays dans VIOLENT INSTINCT. Ensuite, je voyage beaucoup et Madagascar comme la Norvège que tu peux retrouver dans RED ROOTS sont des pays que j’ai visités et que je connais.

Voyager offre évidemment à un écrivain comme moi un vécu, des impressions, des souvenirs, des images, des bruits et des odeurs à retranscrire. Cela peut être une marche dans une ville indienne, un concert Metal à Berlin, une course de nuit dans une grande ville africaine, ou une discussion avec un chauffeur de taxi dans le sud de l’Arabie Saoudite.

Je dois aussi avouer que, lors de mes rencontres « en chair et en masque », je rencontre aussi beaucoup de personnes dont je pourrais faire des vies des romans.

Un troisième roman est en cours, clôturant la trilogie. Tu peux nous en dire plus ?

Je viens de terminer l’écriture de DARK DESIRES qui clôturera la trilogie VIOLENT INSINCT et sortira, normalement, en Juin 2022. J’espère pouvoir le présenter autour du Hellfest et dans les festivals Metal de l’été.

RED ROOTS s’était arrêté sur un goût amer de vengeance et beaucoup de questions restaient en suspens. Dans DARK DESIRES, des réponses seront fournies, d’autres questions seront posées, mais comme d’habitude, je chercherai à détourner les lecteurs de l’histoire principale pour les ramener ensuite vers mes personnages fétiches : Marie, la bassiste libanaise, Tilio, le chanteur de Death Metal et, bien sûr, Lia, la guitariste de Black Metal.

Dans DARK DESIRES, mes personnages évolueront sur plusieurs époques, la première partie se déroulant notamment dans les années 80, et sur plusieurs territoires : le Liban, Madagascar, la Norvège et l’Angleterre évidement, mais aussi l’Arizona, le Vatican, le Congo et la lagune de Venise, d’où provient le masque noir et or que je porte.

Après le Death Metal, le Black Metal, vas-tu aborder un autre sous-genre de la musique Metal ?

L’écriture de mes premiers romans m’a amené à diversifier ce que j’écoute comme Metal. J’ai remarqué récemment que je connaissais assez peu le New Wave of British Heavy Metal. J’ai donc redécouvert Judas Priest, Iron Maiden et tous ces groupes merveilleux dont je n’avais pas capté l’influence et surtout la qualité musicale.

Je suis curieuse de savoir ce qu’il y a dans ta playlist en ce moment ? Tu as un coup de cœur à partager avec nous ?

Après un été très « Rammstein », je me suis mis à écouter ou réécouter les groupes que j’ai eu la chance de croiser dans les loges des festivals Metal de l’été, en particulier Loudblast (car j’ai eu l’honneur de rencontrer « en chair et en masque » Messieurs Buriez et Coquerel), mais aussi Shaarghot, Scarlean, Krash riders, No One is Innocent, Acod, NgLz, Dolloster et bien d’autres...

Dans la même veine, les ouvrages de mes partenaires des Editions des Flammes Noires m’amènent à redécouvrir les œuvres de groupes comme Moonspell, Paradise Lost, Rotting Christ ou d’autres groupes plus Black...

Ensuite, tu trouveras dans ma playlist beaucoup de podcasts consacrés à l’Histoire. Ecouter les émissions d’Histoire de Radio France me permet parfois d’avoir l’impression d’être un peu en France même quand je n’y suis pas, mais aussi de nourrir mon imagination d’écrivain.

Quand on décide d’avancer en chair et en masque, ce n’est pas trop dur ? Tu n’as pas envie de tomber le masque parfois ? Un peu comme Tobias Forge de Ghost ?

Le Metal est une musique de sincérité et, étrangement, ce masque me permet d’être plus sincère ; il me libère d’une enveloppe charnelle un peu encombrante et permet des discussions plus libres et plus profondes. Parfois, ces discussions me bouleversent, et le genre d’émotions que je peux vivre lors de mes rencontres « en chair et en masque » méritent que je reste sur ma position de rester masqué.

Quels sont tes projets pour la suite ?

L’écriture de DARK DESIRES étant terminée, un long processus de relecture et de correction m’attend. La finalisation de la couverture est aussi une étape à laquelle je prends pleinement part, étant moi-même artiste. Ensuite, comme ce roman clôturera une trilogie, je tournerai prochainement un court métrage le présentant, puis développerai au cours des prochains mois une série d’objets liés à sa sortie, afin de les présenter lors des festivals de l’été.

En parallèle, la traduction en anglais de mes romans sera une de mes priorités ; étant bilingue, je fais cette traduction moi-même et elle réclame un temps que je n’avais pas jusque-là. Je me suis promis de finir de traduire rapidement mes romans pour pouvoir les distribuer hors de la francophonie.

J’ai également quelques projets d’écriture de textes pour des musiciens, comme je l’ai fait avec le projet Metal prog TAK.

Et, bien entendu, je commence déjà à réfléchir à mes prochains romans… Pourquoi pas une nouvelle trilogie Metal ?

Merci Saad Jones !


Le site : www.saadjones.com

Aidan N. LeFloch

 

 
 
 
 

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