S O R T I L E G E
Interview d'Olivier Spitzer et de Christian "Zouille" Augustin réalisée par Captain Metal,
le 09 février au Hard Rock Café de Paris.
Ce 3 mars verra la sortie d'Apocalypso nouvel album tant attendu de SORTILEGE, après avoir reçu Zouille dans les studios de l'émission (interview ici), c'est au tour d'Olivier Spitzer de répondre aux questions d'Utrarock. Direction le Hard Rock Café où le groupe est en journée promo.
UR : Quelles sont tes impressions après le concert du Forum à Vauréal (compte rendu ici) ?
Olivier Spitzer : C'était extraordinaire. C'est très motivant, et comme tu sais, je fais la direction musicale du groupe. Ce n'est jamais très confortable pour moi d'être juge et partie. Je rentre sur scène un peu crispé. On va présenter des nouveaux morceaux pour la première fois qu'on vient de répéter pendant les deux jours de résidence précédant le concert. Même si nous avions joué "Vampire" sur scène, "Apocalypso" est une grosse pièce. Notre maison de disque nous avait demandé de rajouter "Métamorphose", qui est un morceau emblématique, et qu'il a fallu mettre en place car c'est la première fois que nous le jouions. J'avais un sentiment un peu désagréable avant de monter sur scène de ne pas avoir fait assez. Ça s'est super bien passé, on est contents. Ce sera un live (NDR : le concert était enregistré en vue de sortir un DVD), on corrigera les petites imperfections. Ce sera magnifique au niveau du visuel et du son. Il y avait une ambiance extraordinaire. Le fait de ne pas l'avoir organisé dans une grande salle pouvait présenter au départ un défaut visuel, mais il y a une telle communion que ça va être rattrapé par cet aspect karaoké extraordinaire. C'est le groupe et son public. On va plus les entendre à Vauréal qu'au Hellfest, par exemple. Ça avait très bien chanté à l'Elysée Montmartre, mais là, c'est la musique et le chant. Plus ça va et plus c'est comme ça.
Il y a très peu de groupes capables de susciter cela.
Oui, c'est magique. Ça ne m'est jamais arrivé dans ma vie un tel engouement sur ces textes et ces mélodies. Ça n'existe pas. Ça a un côté populaire, sans être péjoratif dans l'écriture de Christian, qui fait que les gens aiment les chanter. C'est vrai aussi pour les jeunes générations que l'on rencontre pendant les concerts. Il y en a de plus en plus. Dix à vingt pour cent ont moins de trente ans, ce qui est sidérant pour un groupe de cet âge-là. Ça chante "Majesté" comme "Toujours Plus Haut".
Tu parlais de "Métamorphose", y aura-t-il d'autres surprises sur les dates à venir ?
La complexité pour moi, en tant que directeur musical, est qu'il est plus compliqué de travailler sur les anciens morceaux que de travailler sur des nouveaux. Quelque part, c'est moins sexy pour Christian et moi. Nous préférons travailler sur des nouveaux morceaux. C'est bien parce que le label nous a sollicités sur ce titre, mais ça a été un enfer pour moi. Il faut bien comprendre l'arythmie d'un morceau tel que "Métamorphose". Les mesures ne sont pas forcément en 4/4. Je pense qu'à l'époque, ça se faisait par accident entre les deux frères Dumont. C'est exceptionnel car il y en a dans plein de morceaux de l'époque, chose dont Christian ne voulait pas pour les nouveaux morceaux d'Apocalypso. Mais on traîne les obligations du passé qu'il est hors de question de ne pas respecter. Nous y sommes parvenus, et il va faire partie du répertoire. Est-ce qu'il y en aura d'autres ? Peut-être.
Le fait que le public connaisse le moindre coup de cymbale, les notes des solos, est-ce un challenge supplémentaire ?
Oui, les deux frères Dumont avaient créé quelque chose d'exceptionnel. L'écriture, les idées, elles étaient là, sur Phoenix, ce sont des idées magnifiées avec le son actuel et des capacités techniques supérieures, les techniques d'enregistrement et de jeu plus matures que lorsqu'on a vingt ans, ce qui est normal.
Quelles ont été les retombées positives de Phoenix ?
Nous avons ressenti le fait d’être acceptés avec ce nouveau line-up. Il y a eu plein de discussions, de tergiversations concernant cette formation, ce qui est tout à fait louable.
Le projet initial était d’avoir un SORTILEGE initial reformé, des greffons se sont mis dessus, opportunistes bien sûr, des musiciens très contents de bénéficier de l’aura de SORTILEGE, mais il fallait être capable d’être à la hauteur de ça, ça a été probant grâce à Phoenix et aux concerts qui ont suivi, l’Elysée Montmartre et le Hellfest.
Je trouve que les deux nouveaux titres qui figuraient sur Phoenix, et malgré un très bon accueil en live, n’auraient pas leur place sur le nouvel album.
Tu as raison, ça s’est fait "par accident". Quand on proposait tous les titres à Mehdi, le patron du label Verycords, il a choisi ceux qui étaient dans la continuité logique des anciens morceaux. Paradoxalement, on a créé un album beaucoup plus triste avec Apocalypso, plus lourd. Ces deux morceaux sont presque trop "joyeux" par rapport à la couleur générale. Il y a une très belle équipe sur ce projet, et Mehdi nous oriente dans nos choix.
C’est encourageant de voir l'accueil de ces deux titres en live.
Oui, ce sont des standards. On a vu, même avec les nouveaux titres aux refrains évidents comme Attila ou La Parade Des Centaures, que les gens commençaient à chanter les refrains.
Sur ce nouvel album, il y a beaucoup d'arrangements symphoniques, c'est nouveau chez SORTILEGE. Il y a des guests, parle-nous de ces collaborations.
Ce sont différentes histoires, la plus évidente c'est celle avec notre ami Bubu, Stéphane Buriez (NDR : chanteur de LOUDBLAST). Historiquement, il nous a rencontrés lors d'une séance de dédicaces au Dr Feelgood à Paris. Il attendait son idole, Christian Augustin, avec ses vinyles sous le bras pour les faire signer comme n'importe quel fan lambda. Christian est son idole de jeunesse. À la fin de la soirée, on lui a demandé de venir chanter "Gladiateur" à l'Elysée Montmartre. Ça allait être sympa pour nous, pour le public. Ça a été un moment exceptionnel. Je lui ai dit par la suite : « J'ai un titre pour toi sur le nouvel album, tu feras le rôle d'Attila. » Il est venu chanter à la maison au studio : « On a un peu de temps, sors-moi le refrain de la Parade des Centaures avec ton growl, on va faire Vauréal, on va jouer Attila et Gladiateur, t'en fais deux sur scène avec nous. » Et c'est que du bonheur.
Quant à MYRATH, c'est lors de l'écoute des maquettes avec Mehdi avec le titre "Derrière Les Portes de Babylone", il n'y avait que sa première partie. Il nous a dit : « Ce serait bien de fusionner avec Myrath sur ce titre. » Et ça tombe bien, je suis un fou de musiques orientales. Jimmy Page avec Led Zep ou Page/Plant. On a donc allongé ce morceau pour permettre au chanteur Zaer d'avoir un véritable univers à lui différent de celui de Zouille, tout en le rejoignant à la fin. Kevin a pris en main, a réarrangé la chose, a fait enregistrer à Zaer et au guitariste leurs parties. J'ai tout retravaillé et mixé avec son accord. Pendant ce temps-là, j'étais en train de travailler sur le titre "Apocalypso". Christian voulait que ce soit lourd et long, étant un fan total de Jimmy Page et de Hans Zimmer, mon Hans Zimmer, c'est Kevin Codfert. Et nous avons réussi à créer cette symbiose de hard rock, de metal et de musique symphonique. Sur le prochain album, il y aura au moins deux morceaux avec lui.
"Derrière Les Portes de Babylone", c'est le titre choisi par le label comme premier titre. C'est un coup de cœur du label ?
Oui, en plus MYRATH et SORTILEGE font partie du label. Il y avait deux options : balancer "Poséidon", qui est un titre évident à la SORTILEGE, ou moins évident comme "Attila". Dans les deux cas de figure, ce n'était pas assez choquant. Je pense que les gens en parleront. Moi, j'adore les dix morceaux.
J’ai une question en deux parties :
Zouille posait ses mélodies et ses textes sur la musique des Dumont, aujourd’hui comment ça se passe ? Tu as l’air d’être très important dans le processus.
Quel est ton lien avec SORTILEGE et Christian, et depuis quand ?
(A ce moment Zouille nous rejoint)
Alors, comment on compose. Il a évolué ces trois dernières années en remplacement de Didier (NDR: Didier Demajean, guitariste rythmique originel). Nous sommes partis, au départ, sur un portefeuille de compositions que j’avais, parce que composer c’est mon travail. Je suis plus un guitariste de composition qu’un guitariste soliste. Je ne fais pas de solos dans SORTILEGE, je n’ai pas le niveau technique pour le faire, par rapport à Bruno. Inversement, Bruno travaille beaucoup plus ses solos que les compositions. Il n’empêche qu’au début de notre collaboration à trois, les propositions étaient faites par les guitaristes et Christian faisait son marché. Au fur et à mesure, notre proximité de lieu de résidence et notre antériorité, la symbiose s’est faite naturellement pour recréer de nouveaux sons ensemble avec une nouvelle façon de travailler. Au lieu de pondre des morceaux de A à Z, je ponds des riffs, il les réarrange en fonction de sa mélodie future. On se fait confiance, on y arrive de manière totalement interactive. Ça va vite sur deux ou trois jours. On échange nos idées, il revient au studio, etc.
Bruno a maintenant cette partie fondamentale d’écrire les solos, d’autant plus qu’il est en solo 90% du temps, ce qui est tout aussi compliqué. Il va s’insérer après pour recréer un univers mélodique, parfois guidé par Christian. C’est de la même façon pour Clément et Sébastien, où la basse/batterie sera interactive. Mais la base de tout c’est que le morceau existe avec une mélodie de chant et un texte en français.
Bruno doit être super content de jouer ses propres soli et ne pas seulement reprendre ceux existants.
Oh oui, c’est marrant car il a fallu que nous apprenions le savoir-faire de Stéphane (NDR: Dumont, guitariste et compositeur originel), lui les solos, moi les rythmiques. Ce n’est pas évident pour ma part car je n’étais pas fan de SORTILEGE. Je n’aimais pas trop. Je me suis donc plongé dans l’univers pour comprendre la qualité du travail interactif qui existait entre Bob (NDR: batteur originel) et Stéphane. Nous avons transformé ce savoir et fait des choses bien à nous. Il était obligatoire de savoir comment Bob, Stéphane et Christian travaillaient ensemble.
La deuxième partie de ma question était donc de savoir quand tu as rencontré Christian et comment vous êtes devenus « amis » ou « proches ».
Alors, Christian et moi étions amis depuis le départ. On a eu un super feeling. On devait former un groupe avec Fabien Gevraise, guitariste de JINX et de FACE TO FACE. Il me dit : « Il y a Christian qui vient chanter Purgatoire sur un tribute à TRUST. On galérait à trouver un chanteur et Fabien me dit « On a trouvé ». » On n'était pas du tout dans l'aura SORTILEGE et dans le remembering qu'il y a eu après. Tout le monde s'en foutait, bon, un peu, mais pas comme aujourd'hui. On commence donc à se voir. Fabien est un grand soliste, mais pas un grand compositeur. Avec Christian, on se voit de temps en temps au studio. On fait plus de bouffes que de musique, tu vois. Puis, en 2007, il fait écouter nos maquettes à Renaud HANTSON. Renaud me dit : « Ça m'intéresse ce que tu fais. On va bosser ensemble. Je prends les morceaux que vous avez faits, je ferai des guests avec Christian ». De fil en aiguille, il y a SATAN JOKERS, FURIOUS ZOO, le montage du projet ZOUILLE/HANTSON où il a fallu s'approprier le répertoire de SORTILEGE à la sauce SATAN JOKERS. C'est comme ça que Renaud, en tant que directeur artistique, voyait les choses. Christian faisait son Gospel, on se voyait à la maison, on faisait des petites bouffes. Quand il m'a appelé en 2019 avec le Tribute en m'expliquant ce qu'il se passait, je lui ai dit : « C'est merveilleux ». Étant moi-même une connaissance de Stéphane Dumont, on a commencé à se voir chez moi, car Christian pensait que j'avais un rôle à jouer, car il savait que ça sonnait bien chez moi. Ça ne s'est pas fait pour certaines raisons. Je suis finalement rentré dans SORTILEGE et ça a été très chaud pour moi, car il m'a fallu apprendre 15 titres en une semaine. Et dans la douleur, ça a été une vraie création, de relations professionnelles et amicales fortes. Il n'y a que maintenant, après trois ans, que l'on sait la place de chacun dans le processus.
Christian, as-tu du stock en termes de textes ou de mélodies ?
Zouille: Non, Olivier me propose des trucs et ça vient. Olivier: Il ne faut plus que j'aie de stock, car la seule façon de faire un morceau avec Christian, c'est cette interactivité. Je prends mon téléphone portable, je lui envoie des petits bouts d'idées et il me dit "ça, ça m'intéresse", "je n'aime pas cette note", "et si tu faisais comme ça ?". Je sais que ce qu'il souhaite va correspondre à l'univers dont il a besoin pour sa mélodie.
Donc pas de stock, mais pendant notre précédente interview, tu m'as dit que l'album suivant était bien avancé.
Zouille: Alors, il y a des morceaux qui sont prêts, deux ou trois finalisés, pas arrangés, mais les mélodies et les textes sont prêts. On a d'autres morceaux qui sont bruts. Il faut encore, comme on dit, "schmouker".
Olivier: Il faut les "augustiner".
Zouille: On a quatre ou cinq morceaux comme ça, ça doit faire huit. Mon téléphone est plein de trucs qu'il m'envoie, parfois je n'y comprends rien. Mais moi, pareil, parfois à 3 heures du matin, je me lève et j'envoie des idées.
Olivier: Et je vais être capable d'en faire un riff de guitare maintenant.
Zouille: Avant, il ne comprenait pas ce que je voulais, aujourd'hui notre niveau de compréhension est tel que tout de suite je perçois, je lui dis "fais la même chose mais avec cet accord-là", ça va plus vite.
Olivier, es-tu partisan de faire venir les musiciens au studio ou vous échangez des fichiers ?
Olivier: on échange des fichiers, je rêve que ce groupe vive 365 jours par an ensemble, d’avoir les moyens financiers de le faire, je rêve de faire un album en ayant préparé mes morceaux en répétition, que j’enregistre live les parties de basse et de batterie. On n’en est pas à ce point-là, on ne peut pas se permettre de le faire. Nous n’avons pas suffisamment de vécu, on a fait douze concerts, quand on en aura fait une centaine on en reparlera. Quel que soit le niveau technique des gens, le fait de vivre ensemble est irremplaçable, que ce soit sur scène ou en répétition, c’est valable pour tout le monde.
Zouille : il y a des moments où ça fonctionnait quand Bruno venait, des idées qui étaient bonnes.
Olivier : la méthodologie sera pour l’instant toujours la même : compos brutes, arrangements de Bruno qui vont arriver par internet, contrôle de ces arrangements et collaboration entre Bruno, Christian et moi. Batterie et basse, pareil, par internet, je remplace les programmations MIDI par du gros son et ça permet d’avoir des maquettes qui tiennent vraiment bien la route. On valide ensuite avec la maison de disque, on rentre en studio, on enregistre le batteur et on recommence tout : la basse, les pistes de guitares, il y en a plusieurs pour avoir ce son-là.
Justement, le son de la Parade Des Centaures, je le trouve énorme et différent des autres titres. Comment tu fais ?
Il y a six enregistrements différents de pistes de guitares sur des amplis différents. Je fais du re-amping chez moi, j’ai dix amplis câblés et automatisés pour le routing. Tu peux simuler sans bouger les câbles. Je reçois les pistes avec le son de Bruno pour la maquette et une piste DI que je peux réinjecter dans son ampli que j’ai à la maison afin d’avoir son son chez moi. Ainsi, j’ai le son définitif, il faut que ce soit le mieux joué possible. (Olivier s’en va faire une autre interview)
J’aimerais bien aborder ce que tu mets de toi dans tes textes. Par exemple, est-ce ta gentillesse qui transpire dans le titre Vampire ? Celui-ci s’excuse presque de devoir retirer la vie. Dans Attila, celui-ci semble résigné sur son sort.
Zouille : Inconsciemment, c’est peut-être ça. J’ai voulu mettre un peu d’humour dans Vampire. C’est comme ça, ce n’est pas de sa faute, il subit. Il dit : « N’ayez pas peur, ça ne fait pas mal ». Par contre, Attila, c’est un vrai méchant. Il affirme, il ne rigole pas, lui. Ce n’est pas du tout de l’humour.
« Encore un jour », je le rapproche des titres un peu plus lents tels que « Délire d’un fou », « Quand un aveugle rêve », « La Hargne des Tordus ». Y a-t-il chez toi une hypersensibilité que tu mettrais dans ces textes ?
Quand un aveugle rêve, c’est le handicap, « Délire d’un fou » c’est un cas psychologique. J’ai fait des études de PNL (NDR : Programmation Neuro Linguistique), d’hypnose. J’aime beaucoup la psychologie. J’aime bien prendre ces thèmes psychologiques, de handicap, l’aveugle, dans « Toujours Plus Haut » avec la parabole de l’oiseau sans ailes. J’essaie d’avoir une petite touche pour les gens qui ne sont pas comme nous, malades, handicapés. Et, pour en revenir à « Encore un jour », c’est autre chose, c’est l’histoire d’un papa qui perd son enfant à la naissance. Il prie, ne sachant pas à qui s’adresser, comment faire pour garder son enfant un jour de plus en vie. C’est cette peine, ce désespoir.
Le site : http://sortilege.website
Captain Metal
Sortie le 03 mars 2023 :
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