Le festival 666, c'était très bien.
J'admet, c'était un peu succint alors je vais développer un poil.
Je donne aux pressés qui n'ont pas le temps pour le détail ma conclusion tout de suite :
"La scène métal/punk française se porte bien et vous le montrera pour peu qu'on lui laisse la possibilité de l'exprimer".
Maintenant le détail :
Le 666 de l'an 2021, c'est une anomalie. Un truc assez improbable qui multiplie les exploits.
Le premier : ne pas être annulé.
Le deuxième : se dérouler sans problème majeur (bug de cashless CB le premier jour, des annulations de groupe de dernière minute remplacés par d'autres de qualité équivalente).
Le troisième : avoir été monté et tenu par une asso plutôt jeune, dont l'orga (coucou Victor) n'a pas 20 ans. Je vous renvoie à l'interview réalisée par Aidan http://ultrarock.free.fr/interviews/festival_666_21.htm.
Le quatrième : avoir ramené une affiche aussi généreuse, avec les groupes les plus fédérateurs de la scène française pendant plus de trois jours, avec une jauge aussi restreinte (un petit millier de pass 3 jours seulement).
On refait le vendredi :
3h de route dans les pattes, mon pote et moi arrivons à Cercoux, sans avoir vu une seule affiche, au point de commencer à flipper et regarder si on s'est pas trompé avec Cercoux dans le Pas-de-Calais (cherchez pas, je l'ai inventé). Lorsqu'on tombe sur un panneau "parking 666", on savoure notre soulagement avec une bière tiède en sortant de la caisse parce que j'ai pas pensé à la glacière.
A l'entrée : masque obligatoire, présentation de pass ou de tout type de laisser-passer, et possibilité de se faire tester à l'entrée au besoin. Bien. Quasiment pas de file d'attente. Très bien

Ça y est on y est ! Un endroit avec de la vraie musique et des vrais gens en extérieur ! On prend le temps de mesurer le moment. Bon pas trop, parce que c'est commencé. Il fera super beau tout le weekend pour ne rien gâcher, sans atteindre le seuil de pénibilité caniculaire (28°C max).
Le site. Simple, efficace.
BEARDED BASTERDS : Un power trio qui met bien en jambe, du punk énervé qui réveille avec des morceaux de SUICIDAL TENDENCIES dedans, peut-être le meileur choix possible en ouverture de festival, notamment pour le côté chanson à texte, que ce soit "Viens pas me faire chier" ou "Arrête de faire la gueule", on a su qu'on passerait un bon festival.

MOBÜTU : ça enchaîne direct avec un autre power trio, au son plus speed sur la grande scène, les deux scènes se faisant face avec la régie au milieu. On maintient une saine agressivité sur des titres comme "Mobütu will kick your ass" et des reprises de Motörhead, que des bonnes choses pour garder la chaleur.

Image rare de chroniqueur Ültrarock dans son milieu naturel, probablement en début de parade nuptiale (notez la banane).
PSYKUP : j'avais chroniqué leur album l'année passée, c'était aussi bien qu'annoncé, pour moi la première grosse claque du festival. C'était aussi la première de la tournée de "Hello Karma", avec le nouveau chanteur qui n'a pas démérité. Loin d'avoir rouillé après tant de mois de confinements, on a eu un set ultra précis et rôdé, aussi propre que le disque. Que ce soit "Lucifer is in Bed" ou "Sun is the Limit", ils ont tout défoncé

BUKOWSKI : remplaçant au pied levé PHIL CAMPBELL AND THE BASTARDS SONS, on a eu malgré tout un show très propre et efficace, qui a remporté l'adhésion d'à peu près tout le monde, y compris de ceux qui, comme votre serviteur, ne connaissaient pas le groupe.

STINKY : remplaçant au pied encore plus levé (littéralement la veille au soir) SMASH HIT COMBO, les nantais de STINKY on donné tout ce qu'ils avaient pour déchaîner la violence dans le pit sans concessions. Malgré un son un poil moins bon (quelques ennuis lors des balances), leur set a déchaîné la fureur dans le pit (et j'ai bien cru y laisser une épaule). C'était excellent et ça aurait pu faire une bonne conclusion de première journée mais...
KRASH RIDERS : peut-être la première petite déception du fest, si les RIDERS ont effectivement un show visuel assez élaboré, techniquement, c'était pas très propre ni toujours en place, et passer à un rock and roll solide mais classique après la claque d'un STINKY bien vénèr' n'était clairement pas à leur avantage. Mais c'était pas non plus une catastrophe, les fans ont dû y trouver leur compte.
On refait le samedi :
AENIMALS : ça démarre fort avec un des groupes les plus techniques du fest, car ça reprend du TOOL (forcément). Un set très impressionnant de maîtrise, manquait plus que les light-shows pour faire comme les vrais. Mon seul regret, c'est que leur set aie été écourté, je soupçonne qu'ils avaient prévu de finir par "The Pot", mais en festival, quand c'est trop court, c'est que c'était trop bon.

DOLLOSTER : Un peu de pop/rock plus sage pour alimenter l'après-midi, DOLLOSTER a des bonnes compos qui passent bien et un chanteur à la voix chaleureuse, avec la petite reprise de "Hot Stuff" en fin de set qui passe bien, et un guitariste très en forme venu faire étalage de son talent dans la fosse, plutôt cool.

Dorian, le guitariste de DOLLOSTER, qui joue parmi nous, cool/20.
DARCY : Premier groupe énervé d'une journée placée sous le signe du pit, DARCY a mis le feu direct avec son répertoire punk/rock, et ses (déjà!) classiques qui déboîtent, que ce soit "La Bière" ou "La Solution" que tout le public reprend en choeur. C'est dans ce pit que je me suis rendu compte que mon épaule devrait tenir bon, si je faisais pas le con...


Image rare de chroniqueur Ultrarock essayant d'illustrer la chanson "La Bière" de DARCY. Probablement la suite de la parade nuptiale.
POGO CAR CRASH CONTROL : Et heureusement que j'ai pas fait le con, car on ne s'est pas reposé. Les pogos ont enchaîné direct avec leur énergie coutumière pour nous offrir un set du tonnerre, avec un chanteur en forme qui lance un "ça va CerSSoux ?" "CerCoux!" "Rho c'est pareil ! Faites pas chier..."... Avant d'aller slammer dans la foule avec son jack entortillé à la jambe et la sécu en sueur, bref un deuxième set d'enfer, derrière DARCY ça nous a fait notre sport de la semaine.
LOUDBLAST : ... Désolé j'ai raté le set, pour des raisons indépendantes de ma volonté (j'avais trop FAIM putain...).
MASS HYSTERIA : Ils ont fait du MASS HYSTERIA. Le gros show bien rôdé, pas spécialement de surprises mais un plaisir non feint partagé, que ce soit pour les zicos ou le public, avec le chanteur qui vient nous voir pour faire l'oeil du circle pit. Votre serviteur a eu le privilège de soulever les royales fesses de Mouss pour le ramener en slam sur scène. Les furieux et les furieuses ont pu apprécier. D'autant plus que la nuit est tombée, et le light-show est de sortie. Et puis j'ai chopé un PLECTRE, que demande le peuple ?
SIDILARSEN : Passer derrière MASS pourrait être intimidant, vu la force de frappe et l'assise du pilier du métal français, sans même parler de faire mieux. Pourtant, SIDILARSEN a explosé tous les potards d'ambiance avec un show extrêmement imposant dans son mélange indus moderne et son light show de circonstance. Quand le public chante encore et que t'a fini ton dernier morceau, tu sais que t'a réussi ton set.
BARBAR'O'RHUM : Comme la veille au soir, le finisher souffre de la comparaison avec son prédécesseur. Seul groupe folk du festival, sa prestation sympathique au demeurant semblait bien fade et trop sage, malgré l'entrain évident et la qualité des musiciens. En milieu de journée, avant DARCY par exemple, ça serait beaucoup mieux passé.
On refait le dimanche:
CARBONE : Une entame en rocks variés sur un show diversifié, peut-être un poil timide, CARBONE a eu le mérite de lancer un wall of death et un circle pit d'entrée de jeu, pas évident en début de journée.
BREAKDUST : On continue sur un son un peu plus gras façon brutal death oui mais de bretagne, avec BREAKDUST, ou comment avoir un son bien violent ET rester technique et pointu. Mon premier vrai pit de la journée, un bon échauffement sur des bonnes compos. Mon pote a chopé le CD lancé au vol à la fin du set. Evidemment je l'ai racketté vu qu'il est venu dans ma caisse, c'était "le CD ou tu rentres à pied".

SCARLEAN : C'est un bon groupe de neo-métal, donc... Je n'ai pas aimé. Comprenez bien, si c'est le genre que je n'aime pas, je reconnais tout à fait la compétence du groupe dans son domaine. Les compos sont travaillées et le chanteur a la voix qui s'y prête. Simplement, ce style me fait chier, donc je passe mon tour.
CACHEMIRE : Dans le genre "comment ça se fait que je connaisse pas ce groupe depuis dix ans ?", CACHEMIRE est peut-être mon plus gros retard culturel du 666. J'ai découvert un groupe aux titres travaillés, un chanteur avec un charisme de paladin épique, et un show d'une précision et d'une qualité absolument exemplaires, avec un humour bien tranchant comme j'adore. Faire monter les gamins sur scène en fin de set était juste parfait.
NO ONE IS INNOCENT : Là, il s'est passé quelque chose de bizarre. Kemar et sa bande ont fait leur set avec la qualité et la patate qu'ils ont toujours habituellement, mais quasi aucune interaction avec le public, rien de nouveau par rapport à leurs prestations précédentes, comme un disque trop précisément répété. Et pas un mot de remerciement à l'organisation, après avoir dit merci à ces poteaux sur scène, le genre d'oubli un peu trop spécifique pour être anodin. N'ayant pas le fin mot de l'histoire, je passe.

Shanka, guitariste de NO ONE IS INNOCENT, 0,006 secondes avant que la sécu m'incite à fuir au Tadjikistan.
TREPALIUM : Pause dîner/boisson/papote, j'ai pas vu, déso, la prochaîne fois peut-être !
SHAÂRGHOT : Contrairement aux deux jours précédents, ce choix de groupe était le finisher parfait pour le festival. Les Ombres, que ce soit sur scène ou dans le pit, ont brûlé toute l'énergie qui restait dans chaque festivalier avec un show dantesque fait de gros indus qui tache et de lightshows mi-teuf mi-apocalypse nucléaire, en réussissant à transmettre énormément de sympathie et de chaleur humaine, sans discuter directement, uniquement par leurs sourires et leurs dispos pour slammer ou caliner le public en post-set. En clôture de festival, c'était juste parfait.
Conclusion : C'était super, évidemment. Même si on était tellement affamé de concerts qu'on aurait applaudi au premier groupe local de reprises de Dick Rivers (Bite des Rivières, dans la langue de Didier Morville), les groupes étaient tous bons ou excellents, l'organisation au poil vu la jauge (très peu de files d'attente) et aucun inconvénient majeur n'est survenu (pas de visite inopinée de la préfecture pour vérifier que les masques avaient été conservés, par exemple).
Le festival a aussi bénéficié de circonstances particulières, étant le seul dans son genre à ne pas avoir été annulé cet été, ramenant de fait d'autres festivaliers qui n'avaient pas prévu d'y aller (en ce qui me concerne, le 666 a initialement été le lot de consolation suite à l'annulation des Motocultor Days). Il n'est pas certain que le succès aurait été aussi net s'il avait été en concurrence avec les mastodontes habituels, mais ça n'aurait rien enlevé à la qualité de l'affiche.
Et y'a peut-être quelque chose à creuser dans le côté "festival de groupes métal purement français/francophones", ne serait-ce que pour se rendre compte de la richesse de notre scène, peut-être en incluant cette fois-ci des genres absents comme le black, le death melo, le post-rock, ou n'importe quel genre se terminant en "wave", le panneau de suggestions de groupes a d'ailleurs été submergé de propositions intéressantes (perso, j'ai écrit qu'il fallait un plus grand panneau. En gras. En majuscule. Sur toute la hauteur du panneau, pour être sûr que le message passe bien. C'est important).
La dernière question qu'on s'est posée sur la route du retour : "Et sinon, du coup, l'année prochaine... On y retourne ou pas ?"
"Mais oui. Jusqu'à la 666ème édition".

Image fréquente d'un chroniqueur Ultrarock qui prend la grosse tête, notez la sous-espèce 666 et sa banane caractéristique.
Romain.